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Interview de Jean-François Contou sur la sphinctérotomie latérale interne

NF : Bonjour Jean-François, merci d’avoir accepté l’invitation.

JFC : Merci beaucoup, c’est moi qui suis ravi d’être là.

NF : Vincent nous a déjà parlé de la fissurectomie, de ses avantages et des raisons pour laquelle cette technique est préférée en France. Avec vous, on va passer à la sphinctérotomie latérale interne (SLI) ou léiomyotomie latérale interne que vous pratiquez de manière usuelle contrairement à la grande majorité des Français. Cette technique est pourtant largement préférée dans le reste de l’Europe et notamment dans le monde anglo-saxon. Tout d’abord, est-ce que vous pouvez nous décrire les principes techniques de la SLI ?

JFC : Je pratique la SLI anesthésie générale. Après mise en place des écarteurs, je repère l’espace intersphinctérien que j’infiltre par quelques cc de produit anesthésique ce qui permet de le décoller et puis je glisse un petit bistouri ophtalmique de taille 15 en parallèle dans cet espace. Ensuite, j’appuie avec mon doigt en intra-canalaire en ayant tourné la lame de manière perpendiculaire à 90° de sorte à « fracturer » les fibres distales du sphincter interne. De manière ajustée à la hauteur du canal anal, je ne coupe généralement que les 3 à 6 mm de la partie distale du sphincter interne. Cela est différent de la sphinctérotomie traditionnelle qui fend toute la hauteur du sphincter interne de la ligne pectinée jusqu’à la marge anale. En effet, il suffit de lever la pression de repos de seulement 25 % pour améliorer la perfusion vasculaire ano-dermique et permettre ainsi la cicatrisation de la fissure. J’utilise également la technique fermée, cela veut dire que le bistouri n’ouvre pas la muqueuse du canal anal et s’arrête seulement aux fibres sphinctériennes. D’ailleurs, aucune suture n’est réalisée.

NF : La technique de SLI est donc moins reproductible que celle de la fissurectomie puisque ses résultats dépendent de la hauteur et de la quantité de sphincter coupée et votre technique de SLI distale peut expliquer le moindre taux d’incontinence anale dans les études récentes.

JFC : oui tout à fait, et 2 études récentes de 110 patients ont même montré un avantage de la SLI « ajustée » à la fissurectomie en termes de cicatrisation et de taux d’incontinence anale.

NF : Les suites de la SLI semblent plus avantageuses que celles de la fissurectomie. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

JFC : Il s’agit en effet d’une technique pratiquée en ambulatoire. Il n’y a pas d’arrêt de travail. Les douleurs disparaissent le plus souvent à la première selle et les résultats en termes de cicatrisation dépassent les 90 %

NF : Comment faites-vous le choix entre la SLI et la fissurectomie ?

JFC : la sphinctérotomie est indiquée pour une fissure anale aiguë ou chronique hyperalgique avec hypertonie anale en échec du traitement médical. Elle n’est pas indiquée dans les fissures normotoniques et/ou traumatiques. Elle n’est par exemple pas indiquée dans les fissures antérieures post obstétricales. En outre, l’impact sur la continence anale dépend de la hauteur du sphincter coupé mais également du terrain. Une grande méfiance chez la femme en raison d’un canal anal court qui rend la sphinctérotomie toujours plus importante que ce qui était prévu et de l’association possible à des troubles de la statique pelvienne post obstétricaux. Une grande méfiance également chez les patients qui ont déjà une continence anale limite et ceux qui souffrent d’un syndrome de l’intestin irritable avec une diarrhée prédominante.

NF : Une sélection des patients est donc primordiale pour minimiser l’impact sur la continence anale. Qu’est-ce que vous pensez de l’injection de toxine botulique qui permet une sphinctérotomie chimique réversible contrairement à la SLI chirurgicale ?

JFC : Les résultats à long terme de l’injection seule de toxine botulique ne sont pas bons et sont de l’ordre de 50 % de taux de cicatrisation. Mais l’injection de toxine botulique peut être associée à la fissurectomie dans des cas sélectionnés.

NF : Qu’est-ce que vous préconisez chez un patient présentant une fissure anale hyperalgique hypertonique avec une marisque et/ou papille hypertrophique qui le gêne(nt) ?

JFC : Il est toujours possible de réséquer la marisque et/ou la papille en réalisant dans le même temps la SLI. Cependant, chez les patients présentant une fissure anale chronique peu algique normotonique avec des annexes (marisque, papille) qui empêchent la cicatrisation de la fissure par installation d’un socle fibreux, je vous conseille de faire seulement la fissurectomie.

NF : Un petit message de fin. Qu’est-ce que vous direz à la grande majorité des coloproctologues français qui ont abandonné la SLI ?

JFC : La SLI est un artifice incontournable dans la gestion des fissures anales hypertoniques hyperalgiques non infectées. Il faut bien évidemment réaliser des sphinctérotomies distales et non pas de toute la hauteur du canal anal. De plus, il s’agit d’une technique facile avec des suites simples sans complications. On a beaucoup insisté sur le risque d’incontinence. Ce risque, certes existe et il a été largement majoré dans des études faisant preuve d’une hétérogénéité technique qui les rend quasi-ininterprétables. Je pense que le risque d’incontinence anale est davantage lié à une mauvaise sélection des patients et/ou à un défaut technique. Dans ma pratique quotidienne, je réalise largement plus de SLI que de fissurectomie.

NF : Un grand merci pour cette interview et à très bientôt pour une autre aventure de la SNFCP.