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ASCRS San Diego J1 dimanche 25 avril 2021

Météo : 66 °F (19°c), passages nuageux, pas de vent. Un temps idéal pour apprécier la côte du Pacifique !

Les reporters de La Revue : Diane Mège, Mathilde Aubert, Guillaume Meurette, Amine Alam, Laurent Siproudhis, François Pigot.

Commençons par les choses sérieuses
Félicitations à Amine qui, hier soir, était premier du Jeu

Attention, il y’a un texan très menaçant qui s’approche au score…

Cette première journée au congrès a été assez dense et en particulier en communications originales. Concernant le cancer colorectal, le sentiment est que ce thème est largement représenté (comme à chaque congrès de l’ASCRS), avec finalement peu de surprises ou d’avancées majeures à ce stade. Les débats d’avenir tournent beaucoup autour du traitement néoadjuvant et de l’évaluation de la réponse ! Nous avons aussi constaté une pénétration désormais très importante de la chirurgie robotique (pas moins de la moitié des vidéos concernent une approche robotique de la chirurgie colorectale, dans les séries près de 50% des troubles de la statique… jusqu’à la chirurgie transanale de la fistule par lambeau rectal !)

Y Kim SP21 (oral) : Importance de l’engainement péri-nerveux comme facteur pronostic du cancer colorectal. Dans une série rétrospective coréenne de plus 1156 patients, les auteurs se sont intéressés à 2 marqueurs que sont l’envahissement lymphovasculaire et l’engainement périnerveux. Déjà connus ces 2 facteurs sont aujourd’hui bien décrits. Cependant, l’engainement périnerveux reste encore un peu mystérieux, sa signification débattue et surtout son évolution après radiochimiothérapie. Les auteurs ont montré d’abord que la radiochimiothérapie réduisait significativement l’envahissement vasculaire ( et c’est d’ailleurs un facteur pronostic); mais que l’engainement périnerveux diminue moins, mais surtout, dans le groupe YPN0, après une très bonne réponse, il péjore le pronostic sévèrement (survie à 5 ans 82% vs 59%).
Un message assez fort sur l’attention à porter à ce facteur individuellement et discuter un traitement adjuvant dans les YPN0!

Thomson SP30 (oral) : Recours à l’intelligence artificielle pour l’évaluation de la réponse à la radiochimiothérapie néoadjuvante. Voici une étude originale sur l’apport de modèle d’intelligence artificielle dans l’aide au diagnostic de réponse complète après radiochimiothérapie. Avec une méthodologie bien décrite (mais à laquelle votre rédacteur n’a rien compris!) l’équipe a enregistré et screené plus de 1000 images endoscopiques de réévaluation de tumeurs en comparant pré et post radiochimiothérapie. Et bien globalement, le modèle permet à 80% de reconnaître une réponse complète… En imaginant la compilation des données d’imagerie à celles de l’endoscopie, on approche probablement de la solution au dépistage de la réponse complète! Bon, il manque une étude prospective de validation…

Dans un symposium d’éducation, l’apprentissage “ à la console”  de l’approche robotique a été discutée en reprenant point par point l’efficience du simulateur, les trucs et astuces pour conduire un mentoring pour les jeunes chirurgiens. On ne sait pas encore si la chirurgie robotique est efficiente, mais on peut penser que le modèle de formation à la robotique devienne rapidement efficace et de façon reproductible! A méditer…

Dans un symposium sur l’endoscopie interventionnelle, un topo qui expose clairement les intérêts de l’endoscopie peropératoire : repérage de la tumeur, bilan des lésions associées, évaluation du rectum en cas de discussion d’une résection ou d’une conservation, évaluation de la perméabilité de l’anastomose, de sa vascularisation, contrôler un saignement (L Lowenfield, NY)

J Hayden, Durham SP3 (oral) : suivre un protocole (validé en interne) améliore le pronostic des fistules recto-urétrales. Expérience de ce centre de 2002 à 2019, 60 malades, avant et après le protocole interne suivant mis en place en 2012. Toujours dérivation colique et urinaire, puis si diamètre <2 cm et pas de RT : réparation par voie transpérinéale, si diamètre 2-3cm ou RT : interposition gracilis, si diamètre > 3 cm proctectomie. Fermeture de la fistule 100% pendant la période sous protocole. Même en interne, même sans grande méthodologie, évaluons-nous !

JA Nguyen, Miami SP4 (oral) : le taux de récidive d’une fistule après chirurgie n’est pas plus élevé en cas d’immunodépression, ceci quelle que soit la cause de l’immundépression (VIH, greffés, sous traitement), et indépendamment de la technique chirurgicale. Etude rétrospective dans 2 hôpitaux floridiens de 2014 à 2019.  Effectifs inclus : immunodéprimés (n=93), autres patients (n=332). Attention : rétrospectif et 2/3 des interventions étaient des fistulotomies.

SG Lee, Orlando SP5 (oral) : fistule et flap, ajouter de la colle biologique ? Dans ce centre, de 2012 à 2020 ont été effectués 68 flaps seuls, et 62 flaps + obturation du trajet à la glue (exclues FRV), le taux de récidive était plus élevé dans le premier groupe (40% vs 23%). Ces résultats personnels sont en désaccord avec l’étude contrôlée par Ellis qui fait référence, 2006. Faire d’autres études ?

VC Simon, Aurora SP8 (oral) : gérer un abcès anal sans suivre les recommandations de l’ASCRS augmente le coût de la prise en charge, sans l’optimiser. Enquête rétrospective dans le service des urgences 2017-2019. 128 abcès (hors MICI). Chez 81% diagnostic posé cliniquement, incision/drainage fait en urgence chez 96% (2/3 au bloc), antibiotiques prescrits chez 44%. Par rapport aux recommandations : trop de scanners, pratiqués 4 fois /5 en dehors des recommandations. Dépense inutile. Il faut former les urgentistes… (conclusion de l’auteur)

L Yao, Los Gatos SP9 (oral) : prise en charge multimodale de la douleur en chirurgie colo-rectale, à appliquer aussi en proctologie. Une étude randomisée, 42 patients opérés de fistule ou hémorroïdes, traitement multimodal débuté en préopératoire (paracetamol, gabapentine, AINS, codéïne), versus aucun traitement anticipé. Nota : bloc pudendal dans les 2 groupes. Objectif principal atteint : moins de consommation d’opioïdes les 7 premiers jours dans le groupe traitement multimodal. Heureusement, en France on le recommande déjà !

K. Zachariasen, M. PorterSP7 (oral) : Une fissurectomie concomitante à l’injection de toxine botulique a-t-elle un effet bénéfique ? Dans une étude rétrospective incluant un total de 208 patients, les auteurs ont comparé 2 groupes : premier groupe de 58 patients avec botox seul (en consultation) et un deuxième groupe de 155 patients avec botox + fissurectomie (au bloc opératoire). Tous les patients étaient en échec du traitement médical. Les patients ayant reçu du botox seul avaient un pourcentage de récidive plus élevé (56 vs 31%) et une plus grande chance de nécessiter une sphinctérotomie (34 vs 5,8%). Par ailleurs, pas de différence significative entre les 2 groupes par rapport à l’incontinence anale post-opératoire. Cependant, ils ont retrouvé un risque plus élevé d’infections (+/- abcès) en post-opératoire dans le groupe 2. Le taux de succès du groupe botox seul était de 43% alors que celui du groupe 2 (botox + fissurectomie) était de 69%. Vu que le coût de l’injection du botox seul est largement moins élevé que celui d’une fissurectomie couplée au botox, les auteurs ont conclu que l’injection de toxine botulique seule était plus « cost-effective ». En France, on réalise le plus souvent une fissurectomie dans le cadre d’une fissure anale résistante au traitement médical. Faut-il penser plus fréquemment à l’injection de toxine botulique ?

J. Stem, Q. Yang SP38 (oral). Quid des marqueurs inflammatoires et leur corrélation avec la dysplasie anale et le risque de cancer anal chez les patients VIH+ ? Les patients VIH + ont 40 à 80 fois plus de risque de cancer anal par rapport à la population générale avec un taux de progression de la dysplasie au cancer de 1 à 8%. L’absence de recommandation claire sur le dépistage et la surveillance des lésions de dysplasie anale et de cancer de l’anus a poussé les auteurs à évaluer le rôle des marqueurs inflammatoires dans ce domaine. Il s’agit d’une étude rétrospective incluant des patients VIH + ayant une dysplasie anale et/ou un cancer anal. Les marqueurs étudiés étaient le NLR (ratio neutrophiles/lymphocytes), le PLR (plaquettes/lymphocytes) et PNI (10 x albumine/0,05x lymphocytes). L’analyse multivariée a retrouvé que le NLR et le PNI étaient des facteurs prédictifs de dysplasie anale/cancer. Surtout le NLR qui augmente progressivement avec le grade de la dysplasie avec un « cut-off » de 1,64 chez les patients VIH +. Le marqueur inflammatoire NLR pourra alors jouer un rôle crucial dans la surveillance et le dépistage des lésions de dysplasie et des cancers de l’anus chez les patients VIH +

S E Goldstone SP42 (oral). Pour une approche plus efficace du traitement des lésions de dysplasie de haut grade du canal anal. L’incidence du carcinome épidermoïde du canal anal est en augmentation et il s’inscrit dans une histoire naturelle précédée par l’apparition d’une dysplasie de haut grade du canal anal. Les stratégies de destruction de la dysplasie de haut grade se heurtent cependant à un risque de récidive élevé en rapport avec une pathologie multifocale et des lésions métachrones. Des stratégies de type radiofréquence permettent en théorie d’apporter une alternative plus séduisante aux destructions classiques par agents physiques comme l’infrarouge à condition de répéter les expositions thérapeutiques chez une personne donnée. Les auteurs rapportent les résultats d’un essai bicentrique prospectif utilisant, comme dans l’œsophage, le système Medtronic BarrX sous forme sessions circonférentielles endocanalaires strictes (12J/cm2/impulsion). L’évaluation était faite tous les trois mois et la persistance documentée de lésion de dysplasie faisait l’objet de séances complémentaires localisées. Le critère d’évaluation était la rémission complète et circulaire. A 12 mois elle était acquise chez 42 personnes ayant en médiane trois foyers de dysplasie haut grade au moment de la prise en charge. Seul un peu plus d’un tiers des malades vivaient avec le VIH. La persistance ou la récidive de la dysplasie à 3, 6, 9 et 12 mois était de 25%, 21%, 7% et 14%. Les deux tiers de patients traités n’ont pas eu de récidive et près d’une personne sur cinq a eu besoin d’au moins une seconde séance de radiofréquence. La tolérance du traitement était bonne.

C. Floruta, Cleveland; S. Hendren, Ann Arbor (oral): SYMPOSIUM: The Challenging Stoma.
Pas de grande révolution dans le monde de la stomie, mais quelques rappels importants.
Éducation thérapeutique et marquage préopératoire du site de stomie indispensables, avec un impact sur la réduction des complications postopératoires et sur la diminution de la DMS.
Données intéressantes d’un essai randomisé grec sur le Soluté de Réhydratation Orale (SRO) en préventif pendant 40 jours après iléostomie de décharge vs pas de SRO. Réduction significative de réadmission pour troubles hydroélectrolytiques / insuffisance rénale aigue dans le groupe SRO (0 vs 24%, p=0,001)

F. Fleming, Rochester – S. Langenfeld, Omaha – C. Cauley, Boston (SYMPOSIUM oral) :  Management of Diverticulitis. Is There Anything We Were Taught That is True? Dans ce symposium, peu de nouveautés. Retour sur les résultats des grands essais contrôlés ayant révolutionné la prise en charge de la diverticulite sigmoïdienne. Stop aux antibiotiques pour les formes non compliquées (AVOD et DIABOLO). Résection anastomose +/- iléo protégée, mieux que Hartmann dans les péritonites diverticulaires Hinchey III – IV (morbi-mortalité équivalente, moins de stomies définitives, moins de complications postopératoires après remise en continuité digestive (DIVERTI – LADIES – ColonPerfRCT)). Mais en pratique courante toujours beaucoup de Hartmann réalisés pour les péritonites !
Rappel sur la prise en charge individualisée avec évaluation du retentissement sur qualité de vie (GIQLI ++) chez les patients avec diverticulite chronique – récurrente – subintrante et dans l’optique d’une sigmoïdectomie prophylactique.

Encore la diverticulite, avec le rappel de COSMID, essai contrôlé en cours (D Flum, Seattle/ T Read, Gainesville) : sigmoïdectomie prophylactique Vs « meilleur traitement médical » (fibres, activité physique, mesalazine, rifamicine) chez des patients avec altération de la QdV secondaire à une récidive asymptomatique de diverticulite sigmoïdienne non compliquée ou une persistance des symptômes après 1 épisode non compliqué. Fin des inclusions estimées en 2024. Objectif principal GIQLI à 6-9-12 mois.

M. Gachabayov, Valhalla (poster, POD17) : Failure of Nonoperative Management of Acute Diverticulitis Complicated… Méta-analyse (44 études, n=16 041) Taux d’échec d’une prise en charge non opératoire des diverticulites compliquées d’abcès incluant le drainage radioguidé reste stable à  16,4% à 90 jours. Pas d’évolution au cours des 3 dernières décennies (19,2% 1986-2000 – 10,5% 2000-2010, 15,3% après 2010 – résultats NS).

M. Parikh, Orlando(poster, POD6): Primary Management of Small Bowel Obstruction Patients By a Surgical Team.. Etude d’une base de données nationales (2016-8) n=43 330 patientsadmis pour syndrome occlusif grêlique. Morbidité (61 vs 39%, p<0,0001) et mortalité (66% vs 34%, p<0,0001) significativement augmentées en cas de prise en charge en secteur médical vs chirurgical. No comment ! Les chirurgiens (américains) tiennent à montrer leur expertise.

M. Murphy, Pleasant (Symposium oral) : Prolapse / Intussusception / Solitary rectal ulcer
Intéressante mise au point sur le prolapsus du rectum. Les différentes interventions chirurgicales périnéales et abdominales ont été décrites, ainsi que les résultats fonctionnels, la morbidité et le taux de récidive associés à chaque intervention. Le facteur de risque indépendant de récidive chez la femme est l’existence d’autres troubles de la statique pelvienne associés. Il est donc important de prendre en charge le patient dans sa globalité, et notamment étudier les 3 compartiments pelviens.

A. Whitlock, Boston SP14 (oral) : The Prevalence of Mental Health Disorders in Young Patients with Rectal Prolapse. Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective (2005-2019) de patients opérés d’un prolapsus du rectum, par rectopexie ventrale avec prothèse ou suture postérieure par voie coelioscopique. L’objectif principal était de comparer la prévalence des troubles psychiatriques entre 2 groupes de patients (âge <40 ans vs âge >40 ans). Les comorbidités psychiatriques étaient significativement plus importantes dans le groupe « jeune » (80% vs 41%, p<0.05). L’auteur principal suggère donc une prise en charge globale avec un accompagnement psychiatrique pour ce groupe de patients.  Ce travail original présente malheureusement les limites d’une comparaison de 2 groupes ayant peut-être deux maladies différentes, et de potentiels biais d’interprétation.

B. Das, Houston (symposium oral) : Sacral Neuromodulation in 2021 – What’s New? La neuromodulation des racines sacrées est une révolution dans la prise en charge thérapeutique de l’incontinence anale !! Ses limites et complications sont de plus en plus rares grâce aux progrès du matériel (taille réduite du stimulateur, électrode IRM compatible..) !

KS Singh Khanduja, Columbus (symposium oral): The Mystery Behind Rectoceles. Une nouvelle technique chirurgicale par voie trans-anale pour corriger une rectocèle est décrite : the TPARM, trans-anal plication of anterior rectal muscularis after mucosal resection. Une amélioration significative du syndrome d’obstruction défécatoire et de l’incontinence anale est rapportée. L’efficacité sur l’ODS semble durable sur 5 ans de suivi. Cette technique s’apparente à la technique historique de Sullivan…

A demain, pour une nouvelle nuit américaine !