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Lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA), quelle information délivrer ?

Pendant une grossesse ?

« Au cours de la grossesse et à nouveau en salle de travail, il est recommandé de s’intéresser aux attentes des femmes et de les informer sur les modalités de l’accouchement. Ceci peut être effectué par tous les professionnels impliqués » (1). L’information sur les LOSA fait théoriquement partie des risques susceptibles d’être évoqués. Toutefois, sa faible incidence lors d’un accouchement simple sans manœuvre instrumentale, la multiplicité des intervenants et l’évolution normale des centres d’intérêt au cours d’une grossesse font que ce risque est souvent tardivement, voire jamais discuté.

En pratique, la question sur les LOSA peut être posée dans le projet de naissance que de plus en plus de futures mamans rédigent, parfois accompagnées par la sage-femme. Un autre moment favorable à l’évocation des LOSA est celui des séances de préparation à l’accouchement avec les sages-femmes, souvent de façon couplée à l’information sur l’épisiotomie.

Même s’il n’existe pas de facteur prédictif fiable du risque de LOSA, il sera plus volontiers évoqué en cas d’antécédent de lésion périnéale (obstétricale ou non), ou de macrosomie.

En salle d’accouchement ?

C’est au moment de l’accouchement que l’information sur les LOSA est importante à délivrer, surtout si un facteur de risque est prévisible ou présent. Ce sera le cas si la présentation du fœtus est anormale, si on envisage une extraction instrumentale dont les éventuelles complications doivent être évoquées. Un travail qui se prolonge est aussi un facteur de risque de LOSA, devant faire discuter ce risque. Lors du recueil du consentement avant de réaliser une épisiotomie, les LOSA seront évoquées, au moins pour rassurer la parturiente que l’épisiotomie médiolatérale n’est pas un facteur de risque.

Sinon, elle reste difficile à délivrer sans inquiéter inutilement au cours d’une grossesse sans problème et lors de l’admission pour un accouchement que l’on prévoit toujours sans complication.

Lorsqu’une LOSA de grade 3 ou plus est survenue ?

Seules les recommandations canadiennes (disponibles en langue française) (2) mentionnent cette question. Or, lorsqu’une LOSA entraine des complications, et surtout si ces complications amènent à une démarche médico-légale, le motif premier d’insatisfaction est le manque d’information sur la nature de l’évènement.

Il est recommandé, lorsqu’une LOSA est diagnostiquée, d’expliquer les raisons et la nature de la lésion. D’informer sur les modalités du geste de réparation qui va être effectué.

Après réparation d’une LOSA ?

L’explication sur le geste qui a été effectuée doit être faite à nouveau. Il est conseillé de donner à la patiente à sa sortie de maternité un document qui mentionne, en cas d’extraction instrumentale, son indication, le recueil du consentement, et qui décrit sa mise en œuvre. Le compte rendu opératoire de la réparation, indépendant ou inclus dans le compte rendu d’accouchement doit mentionner : la description anatomique de la déchirure et son degré dans la nomenclature internationale, les modalités de la réparation, et aussi l’intervenant, le type d’anesthésie, le lieu de réalisation, l’éventuelle antibioprophylaxie, et en fin d’intervention, la vérification de l’intégrité anatomique effectuée par voie rectale et vaginale.

Il est conseillé d’informer (idéalement avec un support écrit) sur les suites immédiates : soins locaux, gestion de la douleur, du transit. Les coordonnées des intervenants responsables de la continuité des soins doivent y figurer. On peut préciser que la rééducation usuelle du post-partum peut être débutée dès que le périnée est indolore. Cf Annexe

Afin de rendre la patiente plus réactive en cas de symptôme anormal, les complications précoces classiques de la chirurgie périnéale : troubles de la miction, constipation, douleurs, infection, hémorragie doivent être mentionnées

Les complications à distance, principalement les troubles de la continence, doivent être mentionnés, mais avec prudence. Il vaut mieux parler de troubles de la continence que d’incontinence. En effet la seule mention d’incontinence peut évoquer la couche-culotte, ou l’anus artificiel pour une patiente ayant peu de connaissances médicales. Le second message est d’expliquer qu’en cas de survenue, ces troubles peuvent être pris en charge par des médecins spécialistes.

Il est intéressant de pouvoir proposer une consultation spécialisée dans les semaines suivant l’accouchement, consultation qui peut être répétée à un an, après récupération de l’éventuelle neuropathie d’étirement secondaire à l’accouchement.

Bien qu’une évaluation échographique systématique de la qualité de la réparation sphinctérienne puisse donner un indice pronostique sur le risque de troubles de la continence anale à long terme, elle n’est pas proposée de façon systématique. En effet aucune étude n’a évalué l’intérêt de réopérer une rupture sphinctérienne persistant en échographie.

Faut-il parler des accouchements à venir ?

L’information à délivrer sur le mode d’accouchement en cas de grossesse ultérieure n’est pas standardisée. En effet, le risque à court terme de troubles de la continence anale n’est pas augmenté si une patiente ayant subi une LOSA de grade 3, ou plus, accouche de nouveau par voie basse par rapport à une césarienne programmée (3). Mais on maque d’études avec des suivis à long terme. En pratique, il faut expliquer qu’en cas de grossesse ultérieure le mode d’accouchement sera choisi en concertation avec la patiente, en fonction de l’existence d’éventuels symptômes ano-rectaux, en discussion avec l’obstétricien, voire après avis d’un spécialiste du périnée, et en tenant compte des risques propres à la césarienne. Les attentes et souhaits de la patiente sont particulièrement à prendre en compte. En effet, une étude de cohorte allemande rapporte que seules 9 à 13% des femmes présentant une incontinence anale auraient rétrospectivement opté pour une césarienne (4). Ceci sera discuté au moment de la grossesse ultérieure, et pas avant.

Conclusion

Dans la grande majorité des cas les suites à court terme après réparation d’une LOSA sont excellentes. Toutefois, certaines complications peuvent survenir, ces complications sont très mal vécues si elles n’ont pas été anticipées, au moins par une information éclairée.

La continuité des soins est essentielle à assurer.

Les complications à long terme, essentiellement les troubles de la continence, et les modalités d’un accouchement ultérieurs, sont plus difficiles à évoquer de façon précise. Le principal message devant être qu’un recours auprès des spécialistes est toujours possible.

Références

  1. Ducarme G, Pizzoferrato AC, de Tayrac R, et al. Prévention et protection périnéale en obstétrique : Recommandations pour la Pratique Clinique du CNGOF (texte court) [Perineal prevention and protection in obstetrics: CNGOF Clinical Practice Guidelines (short version)]. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2018;46:893-899. https://ansfl.org/document/cngof-2018-prevention-et-protection-perineale-en-obstetrique/
  2. Obstetrical Anal Sphincter Injuries (OASIS): Prevention, Recognition, and Repair. 2015;12:1131-1148. https://www.researchgate.net/publication/285734340_Obstetrical_Anal_Sphincter_Injuries_OASIS_Prevention_Recognition_and_Repair
  3. Abramowitz, L, Mandelbrot, L, Bourgeois Moine, et al. Cesarean section in the second delivery to prevent anal incontinence after asymptomatic obstetric anal sphincter injury: the EPIC multicenter randomized trial. BJOG 2021; 128: 685– 693.
  4. Huebner M, Gramlich NK, Rothmund R, Nappi L, Abele H, Becker S. Fecal incontinence after obstetric anal sphincter injuries. Int J Gynecol Obstet 2013; 121:74-77.