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J’ai une proctalgie fugace, c’est grave docteur ?

Cette pathologie est assez fréquente dans la population générale (8 à 10% de la population américaine expérimente cette douleur (1)), mais moins du quart des patients consulte en raison de cette douleur. Les patients sont surtout inquiets. Il s’agit pourtant d’une pathologie bénigne.

Les symptômes

Il s’agit d’un phénomène douloureux, de durée courte (le plus souvent de quelques secondes à 30 minutes maximum, mais pouvant durer 1 à 2 heures), qui survient plus souvent la nuit que le jour. Typiquement chez un sujet adulte, homme ou femme. La douleur est de début brutal, puis disparaît d’elle-même, parfois avec un fond douloureux résiduel. La douleur est d’emblée maximale, elle peut réveiller le patient. Le patient sent un spasme ou une crampe à l’anus ou « au rectum », parfois comme un coup de poignard, sans position antalgique retrouvée, sans irradiation. 

Il n’y a pas de saignement, d’émission de glaire, de pus ni de tuméfaction à l’anus lors ou dans les suites de cet épisode. La fréquence est de quelques épisodes par an (moins de 5 par an pour plus de la moitié des patients (1)), sans facteur favorisant évident, même si on retrouve parfois un stress, une anxiété, ou une contrainte physique (trouble du transit, port de charge). Elle peut survenir par salves, puis ne plus se manifester pendant des semaines ou mois.

La physiopathologie

Elle est inconnue. Il semble s’agir d’un spasme des muscles lisses de l’anus ou du bas rectum (2) sur un terrain favorable (cf. facteurs favorisants). On peut rarement retrouver un facteur irritatif local (crises hémorroïdaires, fissure).

L’examen clinique

Il est parfaitement normal ! Il n’y a pas de pathologie hémorroïdaire en rapport, pas de fissure anale, pas de suppuration, pas de tumeur anale, ni d’anomalie en rectoscopie. En dehors d’une crise, la douleur n’est pas reproduite au toucher rectal, pas de coccygodynie, ni douleur sur la sangle des releveurs.

Il n’est pas nécessaire de prescrire un bilan complémentaire si la clinique est typique et l’examen clinique normal, ce qui permet de poser le diagnostic.

Le traitement

Il n’existe pas de traitement spécifique. Pas de traitement préventif à réaliser dans la faible fréquence des épisodes, et en curatif les antalgiques mettent trop de temps à agir pour être efficaces avant l’arrêt spontané de la douleur. Les antispasmodiques ne semblent pas non plus efficaces. Des manœuvres d’accroupissement, de poussée sur les toilettes, d’introduction d’un doigt ou d’un suppositoire peuvent soulager certains patients.

Il faut avant tout rassurer le patient quant à l’absence de gravité de ce symptôme. De plus, les symptômes ont tendance à diminuer avec les années. Evoquer une « crampe » du rectum donne assez souvent une image satisfaisante et rassurante du phénomène. « Comme les crampes du mollet, cela survient souvent la nuit, et il faut bouger pour que ça passe, sans médicament… »

Si les patients sont très demandeurs, on peut leur proposer, mais hors autorisation de mise sur le marché, les bêtamimétiques en spray (seule molécule ayant un essai randomisé contrôlé dans la proctalgie fugace (3)), ou encore les inhibiteurs calciques en sublingual, la trinitrine en patch ou en application locale, des injections de toxine botulique (études ouvertes).

Au total

C’est une douleur interne brutale aigue violente typique, avec un examen clinique normal et pas de traitement préventif ni curatif à proposer, mais une réassurance du patient à réaliser en consultation.

Références

  1. Whitehead WE, Wald A, Diamant NE, et al. Functional disorders of the anus and rectum. Gut 1999, 45, II55–9
  2. V F Eckardt 1, O Dodt, G Kanzler, G Bernhard. Anorectal function and morphology in patients with sporadic proctalgia fugax. Dis Colon Rectum 1996 ; 39(7) : 755-62.
  3. V F Eckardt VF, Dodt O, Kanzler G, et al. Treatment of proctalgia fugax with salbutamol inhalation. Am J Gastroenterol 1996 ; 91 : 686–9

Ce dossier a été coordonné par les Dr Amélie SENEAU-LEVESQUE et Dr François PIGOT pour La Revue et Convergences PP.