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Traitement conservateur en pratique (médical + rééducation, pour qui et quelles limites)

La prise en charge de la dyschésie, en raison de son caractère fonctionnel, repose implicitement sur la recherche d’une solution thérapeutique non chirurgicale ie un traitement conservateur lorsque cela est possible. En fonction de l’étiologie de la dyschésie, le traitement conservateur peut d’ailleurs être le seul à proposer au patient. Les principes du traitement conservateur reposent sur les traitements médicamenteux et la rééducation par biofeedback.

Parler avec le patient et fixer les objectifs du traitement

Il est important dans un premier temps d’expliquer au patient les mécanismes physiopathologiques de leur dyschésie. Ce temps permet de justifier les traitements proposés et d’expliquer les effets attendus. On donne ainsi les « clés » au patient pour qu’il puisse ajuster son traitement en fonction de son mode de vie, de son environnement et de son alimentation. Souvent, le patient a déjà fait une analyse, parfois précise, des facteurs aggravant ou améliorant ses troubles et a même mis en place de lui-même des thérapeutiques (modifications de l’alimentation, positions défécatoires, manœuvres défécatoires). Ses demandes peuvent être, après avoir éliminé une cause organique, de comprendre ses troubles et d’être réassuré (les manœuvres défécatoires peuvent être suffisantes si elles sont efficaces).

Il est important que les objectifs du traitement fixés par le patient et le praticien soient les mêmes. La disparition complète des symptômes est un objectif souvent trop ambitieux. Il est également important d’évaluer ce qui est acceptable par le patient. Certains traitements pourront être jugés trop invasifs et/ou dégradants par le patient et non faits ou non poursuivis. Une stratégie par palier allant de simples conseils jusqu’à une potentielle chirurgie est souvent proposée et doit être explicitée au patient afin de maintenir sa motivation et son adhésion à chaque étape. Il est important pour le malade d’avoir un plan de soins avec des rendez-vous de suivi et d’évaluation.

Les laxatifs : quels laxatifs ? comment agissent-ils ?

Il faut distinguer les laxatifs oraux des laxatifs locaux.

L’objectif des laxatifs oraux est d’obtenir des selles régulières et de consistance facilitant leur évacuation. En théorie, les laxatifs oraux sont indiqués en cas de constipation de transit associée. L’association constipation de transit-constipation d’évacuation est fréquente et il est parfois difficile de préciser le lien entre les 2. Dans tous les cas, les études ayant évalué l’efficacité des laxatifs oraux dans la constipation utilisaient une définition de la constipation ne différenciant pas constipation de transit et constipation d’évacuation. Les laxatifs osmotiques et les mucilages sont privilégiés. Il s’agit des laxatifs utilisés en première intention dans la constipation (Vitton et al ). Les principales données de la littérature ayant évalué l’effet des laxatifs oraux dans la dyschésie portent sur les mucilages (Ashraf et al). Les mucilages permettraient d’augmenter la fréquence des selles, leur poids et la consistance des selles sans modification de la motricité colique ou rectale.

Les objectifs des laxatifs locaux peuvent être de déclencher l’exonération ou faciliter la vacuité rectale. On peut différencier les suppositoires et les lavements. Les irrigations coliques sont traitées à part. Les suppositoires peuvent être à la glycérine, au bisacodyl ou à dégagement gazeux. Nous disposons d’une étude randomisée en double aveugle contre placebo française (cottelle et al) qui a montré l’efficacité des suppositoires à dégagement gazeux dans la dyschésie. L’intérêt potentiel de ce type de suppositoire est d’aider à la mise en place d’habitudes défécatoires pour essayer de faciliter la défécation. L’utilisation de petits lavements médicamenteux ou à l’eau tiède repose sur les mêmes objectifs et les mêmes principes. Ils sont souvent bien tolérés.

Les irrigations coliques : lesquelles ? pour quels patients ?

Les irrigations coliques peuvent être rétrogrades ou antérogrades. Il n’existe aucune étude à ce jour ayant évalué l’efficacité des irrigations coliques antérogrades dans la dyschésie. Nous disposons de données intéressantes concernant les irrigations coliques rétrogrades. On appelle irrigations coliques rétrogrades ou transanales les méthodes qui ont recours à une procédure physique de nettoyage colique dans le sens inverse du péristaltisme physiologique. Elles se pratiquent par voie transanale en introduisant une sonde rectale par l’anus, à travers laquelle le liquide d’irrigation est instillé.  Les patients neurologiques sont la population qui peut attendre un bénéfice important des irrigations coliques rétrogrades (Christensen et al). Il a en effet été montré que les symptômes de constipation étaient améliorés chez 63% d’entre eux, que les phénomènes d’incontinence étaient réduits et que leur qualité de vie était améliorée. Cette technique est souvent proposée en cas d’échec des traitements de première ligne bien conduits (laxatifs, touchers évacuateurs). Il est important que le patient adhère totalement à sa mise en place pour s’assurer d’une bonne compliance et de la poursuite de son utilisation au long cours. Si cela est possible, il est important que le patient, après une période d’apprentissage encadrée par une éducation thérapeutique, réalise lui-même ses irrigations. Cela permet d’améliorer son autonomie et de l’impliquer complètement dans sa prise en charge thérapeutique.

Existe-t-il d’autres traitements médicamenteux ?

Les autres traitements médicamenteux pouvant avoir une place dans le traitement de la dyschésie sont représentées par les injections de toxine botulique dans le sphincter anal/le muscle puborectal. L’objectif de ce traitement est de diminuer le tonus anal de repos et/ou améliorer la relaxation anale en poussée. Les études ayant évalué l’efficacité de ce traitement sont peu nombreuses et réalisées par la même équipe. Les résultats à court terme sont satisfaisants puisque l’efficacité rapportée est entre 70 et 86 % (ref). Trois essais randomisés menés par la même équipe ont montré l’efficacité de la toxine versus biofeedback avec une perte d’efficacité à long terme. Les modalités exactes des injections (quantité, localisation de l’injection) sont peu précises et il est difficile de proposer à ce jour un protocole précis. Ce traitement n’est pas à proposer en première intention.

La rééducation

La rééducation a une place importante dans la prise en charge de la constipation d’évacuation, notamment en cas d’asynchronisme abdominopelvien. L’objectif de la rééducation est de restaurer une technique de défécation efficace en rétablissant la coordination entre la poussée et le système résistif musculaire du canal anal. Les modalités sont variées : conseils, électrostimulation, techniques manuelles…De façon simple, les méthodes reposent sur l’apprentissage d’une poussée adaptée, l’apprentissage de la position de défécation et la rééducation de la sensibilité rectale. L’efficacité de la rééducation est excellente (80%). Il a été montré que l’association rééducation et utilisation de suppositoires à dégagements gazeux améliorait l’efficacité de la rééducation (cotelle). Même s’il est difficile d’identifier des facteurs prédictifs de succès ou d’échec de la rééducation, les troubles psychologiques (dépression, anxiété, troubles alimentaires) rendraient la prise en charge plus difficile. Dans tous les cas, l’adhérence du patient doit être totale car ce traitement bien que peu invasif est contraignant. Il est par ailleurs souvent nécessaire de refaire des séances de rééducation « de rappel ».

Bibliographie