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Lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA) : Prise en charge immédiate et à court terme.

La prise en charge immédiate des LOSA est bien codifiée et plusieurs sociétés savantes, notamment le collège national des gynécologues et obstétriciens français ont émis des recommandations (1) (2).

Identifier la LOSA

La première étape consiste donc à faire confirmer et grader la LOSA par un gynécologue-obstétricien sénior afin d’en permettre la réparation. La réparation est ensuite effectuée dans une atmosphère stérile sous anesthésie péridurale ou sous anesthésie générale selon la situation. La suture peut être réalisée immédiatement ou à 8-12h de la LOSA sans différence à 1 an sur le plan fonctionnel (3). La période de délai peut ainsi permettre à un spécialiste de la région ou à un sénior expérimenté de venir prêter main forte à un praticien peu habitué à la région. La qualité de la réparation conditionne en effet le résultat fonctionnel et il est indispensable que la suture soit effectuée dans les meilleures conditions.

Réparer la LOSA

La réparation doit se faire plan par plan, de l’anus vers le vagin, à l’aide de fil résorbable tressé 2.0 ou 3.0. La technique de réparation (bout-à-bout ou en paletot) n’entraine pas de différences significatives sur les résultats fonctionnels à court ou moyen terme. La technique est donc laissée à la discrétion du chirurgien mais les muscles doivent être suturés à points séparés alors que la muqueuse rectale peut être suturée par un surjet ou par des points séparés.

La suture spécifique du sphincter interne n’est toutefois pas pratiquée par tous les praticiens puisqu’uniquement 50% des praticiens rapportent le suturer de manière élective (2). La suture du sphincter interne est toutefois capitale car elle conditionne la sensibilité ano-rectale et la continence anale passive. L’identification de ce sphincter peut parfois être difficile et interroge sur la nécessité d’ouvrir le dialogue quant à la prise en charge systématique par un praticien spécialisé dans région des femmes avec une LOSA 3c ou 4.

Encadrer la procédure

Une antibioprophylaxie telle qu’elle est recommandée par la Société Française d’Anesthésie Réanimation dans la chirurgie proctologique doit être réalisée. Ainsi, une dose unique de 1 gramme d’imidazolé doit être réalisée. Une étude suggère également qu’une dose de Céphalosporine de 2ème génération réduit le risque d’infection postopératoire.

L’utilisation de laxatifs pourrait apporter un bénéfice en termes d’efficacité de la réparation (4) mais leur utilisation dans le postpartum immédiat ne fait pas l’objet d’un consensus (5). Cela peut être expliqué par une tolérance limitée des patientes qui présentent des douleurs abdominales ou des impériosités voire une incontinence fécale secondaire à une qualité de selles trop molle. La majorité des études ayant évalué l’intérêt des laxatifs prenait comme critère de jugement le passage de la première selle mais aucune n’a utilisé la qualité de l’exonération. La prescription de laxatifs, même à petite dose afin de limiter les effets indésirables, pourrait améliorer l’exonération et limiter les efforts de poussées et douleurs anales chez des femmes qui présente un risque d’anisme et dont la sensibilité anorectale est altérée.

A leur sortie d’hospitalisation, il est important de gérer la douleur par des antalgiques simples de palier 1 ou 2, en prenant en compte le fait que la femme allaite ou non. En l’absence de prise en charge antalgique efficace, il existe un risque d’anisme avec impaction fécale ou apparition d’une fissure anale. La prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens à visée antalgique pourrait être efficace mais ne fait pas l’objet de recommandations consensuelles.

En cas de déhiscence de la plaie après réparation du plancher, il est courant de proposer une réparation dans les 3 à 6 mois mais la réparation dans les 15 jours (6)

Place de l’échographie périnéale du postpartum immédiat

La place de l’échographie périnéale dans le postpartum immédiat est largement discutée. Sa réalisation systématique dans les 10 jours suivant l’accouchement ne permet pas de prédire le risque d’incontinence anale. Dans une récente étude de cohorte, les auteurs rapportent que 82,6% des femmes ayant une échographie périnéale 10 jours après une LOSA ont encore une lésion sphinctérienne échographique mais que les résultats de l’échographie ne sont pas corrélés au risque d’incontinence à 7 ans (7).

Toutefois, il a été montré que la persistance de lésions sphinctériennes « occultes » étaient associées à un taux plus important d’incontinence à court terme (8) et que ces lésions occultes ne sont pas rares et intéressent 53 % des femmes.

Il y a deux types d’échographie sphinctérienne qui peuvent être réalisées en postpartum (9).

D’une part, l’échographie trans-anale est le gold standard dans le diagnostic des LOSA mais sa place dans le postpartum immédiat est limitée par l’inconfort lié à l’introduction de la sonde.

Elle pourrait permettre de diagnostiquer des LOSA « occultes » dans le but de les traiter précocement.  La détection et la réparation précoces d’une LOSA « résiduelle » ou « occulte » pourrait permettre de réduire la fréquence de l’incontinence anale à 3 et 12 mois selon une étude randomisée contrôlée (10).

D’autre part l’échographie transpérinéale pourrait avoir un intérêt en étant moins invasive et en étant plus fiable pour l’évaluation des sphincters.

Suivre la femme ayant une LOSA

Actuellement, le seul suivi consensuellement recommandé est la consultation obstétricale 6 à 8 semaines après l’accouchement. Cette consultation a pour but de s’assurer d’un retour à l’état physique antérieur et d’une bonne relation mère-enfant. C’est au cours de cette consultation qu’un bilan gynécologique est réalisé et qu’une rééducation du périnée est prescrite selon les besoins.

La consultation proctologique n’est pas recommandée à titre systématique mais il semble qu’elle puisse être intéressante. En effet, dans une analyse de cohorte de 64 femmes ayant eu une LOSA et suivi en consultation systématique de proctologie postpartum, la majorité des femmes présentait un trouble de l’évacuation fécale ou une incontinence anale (Données soumises pour publication). Ces troubles n’étaient pas systématiquement rapportés par les femmes comme « gênant » mais il est très probable que l’absence de prise en charge de troubles de l’évacuation fécale augmente le risque d’incontinence anale à moyen ou long terme. Par ailleurs, cette consultation programmée pour toutes les femmes ayant eu une LOSA à 3 mois de l’accouchement était suivie par les femmes dans 84% des cas. Cela témoigne de l’acceptabilité de la consultation.

La consultation spécialisée de proctologie a, à notre sens, un double intérêt. Le premier est de faire de la prévention primaire. En effet, on rapporte dans la littérature que plus de 40% des femmes ayant eu une LOSA présenteraient une incontinence anale à 10 ans mais moins de 10% consultent pour ce motif. Il y a donc une prise en charge non adaptée pour la majorité des femmes. La cause de cette « sous prise en charge » est probablement liée à l’absence de consultation d’un spécialiste de l’incontinence voire à l’absence de consultation du médecin de premier recours en raison d’une méconnaissance des opportunités thérapeutiques qui peuvent être proposées. La consultation a donc pour objectif d’informer les femmes du risque d’incontinence anale immédiate ou à distance, ainsi que des possibilités de prise en charge.

Le deuxième intérêt de cette consultation est qu’elle permet de faire un point sur la situation à 3 mois de l’accouchement et d’éventuellement rechercher des facteurs de risque d’incontinence à distance tels qu’une incontinence initiale ou une constipation de type dyschésie. Après un interrogatoire minutieux, un examen clinique proctologique complet doit être réalisé, prenant soin d’examiner la marge anale et le périnée et de rechercher une suppuration anale ou une disparition des plis radiés. Un toucher ano-rectal est ensuite réalisé afin d’évaluer la contraction sphinctérienne et de s’assurer de la vacuité rectale. Enfin, une anuscopie est réalisée afin de rechercher un défaut de cicatrisation, une maladie hémorroïdaire ou une procidence interne.

La réalisation de massage sur la cicatrice sera encouragée afin d’assouplir le périnée et éventuellement de réduire les dyspareunies ou le risque de récidive de LOSA au cours d’un accouchement ultérieur.


Cette consultation de proctologie systématique n’est pas consensuelle mais semble intéressante pour la femme car elle pourrait permettre de rassurer la femme quant à l’avenir mais également de rechercher des facteurs prédictifs/de risque d’incontinence. Son impact sur le long terme reste toutefois à évaluer.

Références

  1. Thubert T, Cardaillac C, Fritel X, Winer N, Dochez V. [Definition, epidemiology and risk factors of obstetric anal sphincter injuries: CNGOF Perineal Prevention and Protection in Obstetrics Guidelines]. Gynecol Obstet Fertil Senol 2018;46:913‑921.
  2. Venara A, Brochard C, Fritel X, et al. Management of obstetrical injuries to the anal sphincter: A survey of French current practice and perceptions according to the specialties. J Visc Surg 2021 [In Press]
  3. Nordenstam J, Mellgren A, Altman D, et al. Immediate ordelayed repair of obstetric anal sphincter tears-a randomisedcontrolled trial. BJOG Int J Obstet Gynaecol 2008;115:857—65.
  4. Kirss J, Pinta T, Bockelman C, Victorzon M. Factors predicting a failed primary repair of obstetric anal sphincter injury. Acta Obstet Gynecol Scand 2016 ;95 :1063-9
  5. Turawa EB, Musekiwa A, Rohwer AC. Interventions for preventing postpartum constipation. Cochrane Database Syst Rev 2020; 8 (8):CD11625
  6. Okeahialam NA, Thakar R, Sultan AH. Early secondary repair of obstetric anal sphincter injuries (OASIs) : experience and review of the literature. Int urogynecol J 2021 (In Press).
  7. Barbosa M, Christensen P, Moller-Beck K, Brogaard L, Glavind-Kristensen M. Can ultrasound 10 years after obstetric anal sphincter injury predict anal incontinence at long-term follow up. Int Urogynecol J 2021 (In Press).
  8. Ramage L, Yen C, Qiu S, Simillis C, Kontovounisios C, Tan E, Tekkis P. Does a missed obstetrical anal sphincter injury at time of delivery affect short term functional outcome? Ann R Coll Surg Engl 2018; 100:26-32.
  9. Belussi F, Dietz HP. Postpartum ultrasound for the diagnosis of obstetric anal injury. American Journal of Obstetrics and Gynecology MFM; 2021 (In Press)
  10. Faltin DL, Boulvain M, Floris LA, Irion O. Diagnosis of anal sphincter tears to prevent fecal incontinence : a randomized controlled trial. Obstet Gynecol 2005; 106:6-13.