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Lésions obstétricales du sphincter anal : Epidémiologie, Diagnostic, Classification

Epidémiologie

La prévalence des lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA) est estimée entre 0,5 et 7% après un accouchement par voie basse (1). Il existe toutefois une variabilité assez importante entre les différents pays européens rapportée dans le cadre du projet Euro-Peristat (2). Un taux minime de LOSA de stades 3 et 4 de 0,1% était retrouvé en Roumanie allant jusqu’à un taux maximal de 4,9% en Islande. En France, la prévalence globale des LOSA était de 0,8%. Cette variabilité peut être en partie expliquée par des différences de pratiques obstétricales en Europe comme en témoignent les taux d’épisiotomies extrêmement hétérogènes entre les pays.

La prévalence de ces lésions obstétricales a radicalement augmenté au cours des deux dernières décennies 3. En Angleterre, ce chiffre a même triplé entre 2000 et 2012 passant de 1,8 à 5,9% 4. Ce constat semble en partie lié à des facteurs sociaux avec une augmentation constante de l’obésité maternelle et de la macrosomie fœtale mais aussi à une plus grande attention portée par les praticiens à la reconnaissance et à la prise en charge de cette affection.

Diagnostic

Le diagnostic de LOSA pourra être établi dans deux situations distinctes : soit immédiatement lors de l’accouchement, soit en post-partum chez une patiente exprimant des plaintes fonctionnelles ano-rectales dans les suites d’une lésion passé inaperçue.

Le diagnostic de LOSA lors de l’accouchement est essentiellement clinique sous la forme d’une déchirure périnéale d’extension variable. Elle doit être attentivement recherchée notamment dans les situations à risque d’ordre maternel (primiparité, obésité, antécédent de LOSA), fœtal (macrosomie fœtale, dystocie des épaules, présentation céphalique postérieure) ou relatives aux conditions de l’accouchement (extraction instrumentale, épisiotomie médiane, travail de longue durée). Toute suspicion de LOSA conduira donc à un examen clinique minutieux pratiqué dans de bonnes conditions d’éclairage avec du matériel adapté. En cas de relâchement insuffisant chez une patiente sous rachianesthésie, une courte anesthésie générale complémentaire pourra être pratiquée. Une cartographie précise de l’ensemble des lésions doit pouvoir être établie à l’issue de cet examen. L’avis spécialisé d’un obstétricien expérimenté ou d’un coloproctologue pourra être sollicité en cas de doute diagnostique. En pratique, il a été démontré que la formation spécifique des praticiens améliore la détection des LOSA en salle de naissance 5. La connaissance de cette affection pouvait sembler insuffisante, notamment en Angleterre au début des années 2000, puisqu’une enquête de pratique avait montré que 33% des obstétriciens interrogés n’établissaient pas une classification correcte des lésions 6. De même, une étude australienne a évalué l’intérêt d’une formation à l’identification et à la prise en charge des LOSA au sein d’une maternité de niveau 2 7. Le nombre de LOSA diagnostiquées a été significativement augmenté, passant de 1,6 à 3,1%, attestant de l’intérêt d’une telle formation. La prise en charge immédiate et le suivi postopératoire se retrouvaient également améliorés. L’impact ultérieur sur la qualité de vie des patientes en cas de prise en charge inadaptée justifie la mise en place des formations spécifiques dispensées à l’heure actuelle lors de la formation initiale des gynécologues-obstétriciens ou dans le cadre de la formation continue.

En plus de la détection clinique des LOSA, l’utilisation de l’échographie endo-anale, trans-vaginale ou trans-périnéale a été proposée afin de mieux préciser le diagnostic. Le rationnel de pratiquer cette échographie au décours immédiat de l’accouchement est d’éviter à tout prix de méconnaitre une lésion sphinctérienne accessible à une réparation immédiate. Une étude randomisée a évalué l’intérêt de pratiquer une échographie endo-anale en salle de naissance chez des patientes ne présentant pas de LOSA clinique 8. Un diagnostic de LOSA a pu être établi chez 5,6% des patientes ayant bénéficié d’une échographie complémentaire avec une réparation pratiquée immédiatement. Cette stratégie de « dépistage renforcé » permettait de diminuer significativement le taux d’incontinence anale sévère à 3 mois (3,3 vs 8,7%) et à un an (3,2 vs 6,7%). Ces résultats suggèrent donc le recours à l’échographie, au minimum chez les patientes présentant des facteurs de risque ou une forte suspicion clinique de LOSA. La formation spécifique des praticiens à son utilisation dans ces conditions devrait être proposée. L’utilisation d’une échographie trans-périnéale, plus accessible en pratique courante, pourrait représenter une alternative de choix.

Le diagnostic de LOSA passée inaperçue lors de l’accouchement devra être suspecté chez une patiente exprimant des plaintes fonctionnelles ano-rectales, absentes avant l’accouchement et de surcroît persistantes. Les principaux symptômes sont représentés par l’incontinence anale, les douleurs périnéales, les dyspareunies et les troubles du transit (diarrhée, constipation terminale). Lors de la consultation, le praticien s’attachera donc à rechercher ces symptômes, à les quantifier à l’aide d’échelles validées (score de Wexner, calendrier des selles, échelle de Bristol) et à évaluer leur impact sur la qualité de vie. L’inspection du périnée recherchera notamment une cicatrice, une déformation de l’anus (disparition des plis radiés) ou une béance anale. Le toucher rectal permettra d’évaluer le tonus sphinctérien et de rechercher une dépression de l’appareil sphinctérien pouvant évoquer une lésion anatomique. Une fistule ano-ou recto-vaginale doit également être recherchée. Cet examen clinique sera complété par une échographie endo-anale permettant d’affirmer le diagnostic et préciser l’étendue de la lésion. La manométrie ano-rectale sera utile sur le plan fonctionnel et permettra de guider la prise en charge.

Classification

Initialement, la classification française des LOSA distinguait le « périnée complet » en cas de déchirure périnéale étendue à l’appareil sphinctérien et le « périnée complet compliqué » en cas d’atteinte de la muqueuse rectale.

Plus récemment, la classification internationale proposée par Sultan et al. a été adoptée par le collège national des gynécologues et obstétriciens français (Tableau 1) 9. Son intérêt est de proposer une classification détaillée des lésions en fonction de l’atteinte du sphincter externe (3a si < 50%, 3b si > 50%) et du sphincter interne (3c). Le grade 4 correspond à une atteinte de la muqueuse rectale (ancien périnée complet compliqué). Outre son intérêt descriptif, cette classification permet également de distinguer les lésions en fonction de leur pronostic fonctionnel, semblant moins bon dès lors qu’il existe une atteinte du sphincter interne (5).

Classification RCOG-OMSLésions anatomiques
Grade 1Epithélium vaginal ou vulvaire
Grade 2Muscles du périnée (noyau central du périnée)
Grade 33a : Moins de 50%du sphincter anal externe
3b : Plus de 50% du sphincter anal externe
3c : Sphincter anal interne (musculeuse rectale)
Grade 4Muqueuse rectale
Tableau 1. Classification des déchirures obstétricales périnéales.

Références

  1. Fernando RJ, Sultan AH, Kettle C, Thakar R. Methods of repair for obstetric anal sphincter injury. Cochrane Pregnancy and Childbirth Group, éditeur. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. déc 2013
  2. Blondel B, Alexander S, Bjarnadóttir RI, Gissler M, Langhoff-Roos J, Novak-Antolič Ž, et al. Variations in rates of severe perineal tears and episiotomies in 20 European countries: a study based on routine national data in Euro-Peristat Project. Acta Obstet Gynecol Scand. juill 2016;95(7):746‑54.
  3. Košec V, Djaković I, Čukelj M, Ejubović E, Sumpor B, Djaković Ž. INCREASED OASIS INCIDENCE – INDICATOR OF THE QUALITY OF OBSTETRIC CARE? Acta Clin Croat. juin 2019;58(2):365‑70.
  4. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. The Management of Third- and Fourth-Degree Perineal Tears. Green-top Guideline No 29 NICE accredited. 2015;
  5. Thubert T, Cardaillac C, Fritel X, Winer N, Dochez V. Définitions, épidémiologie et facteurs de risque des lésions périnéales du 3e et 4e degrés. RPC Prévention et protection périnéale en obstétrique CNGOF. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie. déc 2018;46(12):913‑21.
  6. Fernando RJ, Sultan AH, Radley S, Jones PW, Johanson RB. Management of obstetric anal sphincter injury: a systematic review & national practice survey. BMC Health Services Research.  mai 2002;2(1):9.<:a>
  7. Cornell K, Souza AD, Tacey M, Long DM, Veerasingham M. The effect of implementing a new guideline and operative pro forma on the detection and management of third- and fourth-degree perineal tears. IJWH.  mai 2016;8:131‑5.
  8. Faltin DL, Boulvain M, Floris LA, Irion O. Diagnosis of anal sphincter tears to prevent fecal incontinence: a randomized controlled trial. Obstet Gynecol. juill 2005;106(1):6‑13.
  9. Sultan AH. Editorial : Obstetric perineal injury and anal incontinence. Clin Risk. 199