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Faut-il proposer une césarienne après une première LOSA ?

Les lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA), correspondant aux déchirures périnéales obstétricales de degré 3 et 4, touchent 0,5 à 2,2% des femmes en France. Après la période aigüe de prise en charge des LOSA, se pose la question du mode d’accouchement le plus approprié pour une éventuelle deuxième grossesse. Les deux enjeux du mode d’accouchement de cette deuxième grossesse sont la prévention d’une récidive de LOSA et de la survenue/aggravation d’une incontinence anale. Les recommandations françaises et européennes restent assez ouvertes à une décision prise en concertation avec la patiente (1,2). Quelques études récentes présentées dans cette revue permettent de mieux informer ces patientes et les orienter vers la stratégie obstétricale la plus adaptée.

Quel est le risque de nouvelle LOSA lors d’un deuxième accouchement par voie basse ?

Après une LOSA survenue lors du premier accouchement, le risque de récidive lors du deuxième accouchement est compris entre 5 et 8% (3, 4, 5, 6). La sévérité des LOSA survenues lors du premier accouchement n’a pas d’impact significatif sur l’incidence des récidives lors du deuxième accouchement (7).

Le risque d’incontinence anale et d’incontinence fécale augmente également après le deuxième accouchement. Dans une série de 1472 patientes ayant accouchées par voie basse lors du deuxième accouchement, le taux d’incontinence anale persistante passait de 19% à 39% (8). Par ailleurs chez les patientes présentant une incontinence fécale après une première LOSA, un deuxième accouchement par voie basse aggrave les symptômes d’incontinence dans 17 à 24% des cas (9). Si l’incontinence fécale ne concerne qu’1/3 des patientes incontinentes anales avant le deuxième accouchement, une patiente incontinente anale sur deux rapporte une incontinence fécale persistante après le deuxième accouchement par voie basse (8).

Les résultats fonctionnels sont-ils meilleurs après un deuxième accouchement par césarienne ?

Dans une large série rétrospective de 506 patientes présentant une LOSA, le risque d’incontinence anale persistante augmentait également après un accouchement par césarienne passant de 41% à 53% (8). Dans cette même étude où les patientes étaient orientées préférentiellement vers un accouchement par voie basse lorsqu’elles étaient asymptomatiques et vers une césarienne en cas de symptômes d’incontinence anale, le taux d’incontinence anale après le deuxième accouchement n’était pas significativement impacté par le mode d’accouchement. Le même résultat était obtenu quelle que soit la sévérité initiale de la LOSA (7). Ces études n’ont donc pas mis en évidence de rôle protecteur de la césarienne face au risque d’incontinence anale après un deuxième accouchement, au moins chez les patientes asymptomatiques.

Ces données ont été récemment confirmées par l’essai prospectif randomisé EPIC qui incluait 222 patientes se déclarant asymptomatiques et présentant un défect sphinctérien en échographie endoanale après une LOSA 3 avérée ou un accouchement par forceps (6). La sévérité de l’incontinence anale était identique entre les patientes randomisées pour une césarienne programmée et celles randomisées pour un accouchement par voie basse à 6 mois. Cependant, dans le sous-groupe des patientes présentant un score initial de Vaizey ≥ 5 malgré qu’elles se soient initialement déclarées asymptomatiques, l’accouchement par césarienne était associé à une meilleure continence anale. Même s’ils doivent être interprétés avec prudence en raison du faible effectif de ce sous-groupe, ces derniers résultats semblent tout de même orienter le choix du deuxième accouchement vers une césarienne en cas de symptômes d’incontinence anale persistants après le premier accouchement. Les patientes symptomatiques après une LOSA sont en effet les plus à risque d’incontinence anale et fécale à long terme après un deuxième accouchement (8). L’existence d’un épisode transitoire d’incontinence anale après le premier accouchement et les LOSA 4 étaient également des facteurs de risque d’incontinence anale à long terme après un deuxième accouchement (8). Aucune étude n’a pour l’instant permis de déterminer si la césarienne programmée lors du deuxième accouchement avait un effet protecteur chez ces patientes les plus à risque d’incontinence anale après une LOSA.

L’échographie endoanale et la manométrie anorectale peuvent-elles orienter la décision sur le mode du deuxième accouchement après une LOSA ?

La preuve d’une méthode d’accouchement meilleure qu’une autre n’ayant pas été faite pour un deuxième accouchement après LOSA, les données de la manométrie anaorectale et de l’échographie endoanale n’ont pas de rôle décisionnel. Néanmoins, ces deux examens peuvent servir à rassurer certaines patientes inquiètes en cas de lésions peu sévères. En effet dans une série de 73 patientes présentant une lésion sphinctérienne externe < 30° associée à une fonction normale en manométrie anorectale (pression de fermeture du canal anal ≥ 20 mmHg), la continence anale, la qualité de vie et les données de manométrie anorectale étaient inchangées après le deuxième accouchement (10).

En revanche, la mise en évidence d’une lésion sphinctérienne sévère en échographie endoanale ou d’une altération des données de la manométrie anorectale ne permet pas d’orienter sur le mode optimal d’accouchement. Dans l’étude EPIC, les patientes présentant une lésion du sphincter externe > 90° avaient des scores de continence identiques quel que soit le mode d’accouchement (6).

Quels sont les souhaits des patientes et les recommandations des soignants en pratique courante pour le mode d’un deuxième accouchement après une LOSA ?

Concernant le mode du deuxième accouchement après une LOSA, les souhaits des patientes et des soignants sont globalement cohérents. Parmi 50 patientes ayant présenté une LOSA sur leur premier accouchement, plus de 80% avaient choisi d’accoucher par voie basse lors de l’accouchement suivant (11). Parmi les patientes interrogées, plus de la moitié ne regrettaient absolument pas leur choix, 36% émettaient de légers regrets et 10% des regrets modérés à sévères. Il est intéressant de noter que 34% des patientes avaient été influencées dans leur choix par le conseil des soignants.

Côté soignants, 20 à 23 % des praticiens recommandent une césarienne systématique après une LOSA alors que 58 à 60% des praticiens sont plutôt en faveur d’une décision au cas par cas (12).

Conclusion :

Il existe aujourd’hui suffisamment de données pour proposer sans arrière-pensée un deuxième accouchement par voie basse aux patientes asymptomatiques après une LOSA 3 et leur éviter les effets indésirables d’une césarienne programmée. Le caractère asymptomatique doit être recherché avec assiduité car pour beaucoup de patientes, les troubles de la continence anale restent encore tabous.

Pour les patientes symptomatiques d’incontinence anale transitoire ou persistante, et/ou présentant une LOSA 4, aucune donnée solide ne permet aujourd’hui d’orienter formellement vers une césarienne plutôt qu’un accouchement par voie basse, notamment compte-tenu du risque d’aggravation des symptômes même après une césarienne itérative et des risques opératoires inhérents à la césarienne. Chez ces patientes, la discussion en amont du deuxième accouchement est indispensable et recommandée.

Encadré 1 :

Recommandations du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF)

  • En cas d’antécédent de LOSA, il est recommandé d’examiner le périnée en cas de nouvelle grossesse et de répondre aux questions des femmes à propos du risque de récidive et de séquelles en cas de nouvel accouchement (accord professionnel).
  • En cas d’antécédent de LOSA, la voie d’accouchement doit être discutée avec la femme (accord professionnel) ; en cas d’antécédent de LOSA, il n’est pas recommandé de proposer la réalisation d’une césarienne systématique en prévention de l’incontinence anale (grade B).

Figure 1 : Proposition d’algorithme décisionnel pour le mode d’un deuxième accouchement après une LOSA. *selon les données de l’essai randomisé EPIC (6)

Références

  1. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists . Green-top Guideline No. 29. The management of third- and fourth-degree perineal tears. 2015.
  2. Ducarme G, Pizzoferrato AC, de Tayrac R, Schantz C, Thubert T, le Ray C, Riethmuller D, Verspyck E, Gachon B, Pierre F, Artzner F, Jacquetin B, Fritel X. Perineal prevention and protection in obstetrics: CNGOF clinical practice guidelines. J Gynecol Obstet Hum Reprod. 2019;48(7):455–460. doi: 10.1016/j.jogoh.2018.12.002
  3. Scheer I, Thakar R, Sultan AH. Mode of delivery after previous obstetric anal sphincter injuries (OASIS)—a reappraisal? Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2009;20:1095–101. 57.
  4. Harkin R, Fitzpatrick M, O’Connell PR, O’Herlihy C. Anal sphincter disruption at vaginal delivery: is recurrence predictable? Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2003;109:149–52.
  5. Faltin DL, Boulvain M, Floris LA, Irion O. Diagnosis of anal sphincter tears to prevent fecal incontinence: a randomized controlled trial. Obstet Gynecol. 2005 Jul;106(1):6-13. doi: 10.1097/01.AOG.0000165273.68486.95. PMID: 15994610.
  6. Abramowitz L, Mandelbrot L, Bourgeois Moine A, Tohic AL, Carne Carnavalet C, Poujade O, Roy C, Tubach F. Caesarean section in the second delivery to prevent anal incontinence after asymptomatic obstetric anal sphincter injury: the EPIC multicentre randomised trial. BJOG. 2021;128(4):685-693. doi: 10.1111/1471-0528.16452.
  7. Jangö H, Langhoff-Roos J, Rosthøj S, Saske A. Long-term anal incontinence after obstetric anal sphincter injury-does grade of tear matter? Am J Obstet Gynecol. 2018;218(2):232.e1-232.e10. doi: 10.1016/j.ajog.2017.11.569.
  8. Jangö H, Langhoff-Roos J, Rosthøj S, Sakse A. Mode of delivery after obstetric anal sphincter injury and the risk of long-term anal incontinence. Am J Obstet Gynecol. 2016;214(6):733.e1-733.e13. doi: 10.1016/j.ajog.2015.12.030.
  9. Soerensen MM, Buntzen S, Bek KM, Laurberg S. Complete obstetric anal sphincter tear and risk of long-term fecal incontinence: a cohort study. Dis Colon Rectum. 2013;56(8):992-1001. doi: 10.1097/DCR.0b013e318299c209.
  10. Scheer I, Thakar R, Sultan AH. Mode of delivery after previous obstetric anal sphincter injuries (OASIS)–a reappraisal? Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct. 2009;20(9):1095-101. doi: 10.1007/s00192-009-0908-8.
  11. Edwards M, Kobernik EK, Suresh S, Swenson CW. Do women with prior obstetrical anal sphincter injury regret having a subsequent vaginal delivery? BMC Pregnancy Childbirth. 2019;19(1):225. doi: 10.1186/s12884-019-2380-x.
  12. Venara A, Brochard C, Fritel X, Bridoux V, Abramowitz L, Legendre G, Siproudhis L. Management of obstetrical injuries to the anal sphincter: A survey of French current practice and perceptions according to the specialties. J Visc Surg. 2021:S1878-7886(20)30262-9. doi: 10.1016/j.jviscsurg.2020.10.006.