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Dyschésie… Qui, quand, et comment explorer ?

L’interrogatoire a, bien entendu, un rôle fondamental mais ne sera pas détaillé ici. Il doit à la fois rechercher les antécédents, notamment obstétricaux, mais également faire préciser les symptômes ressentis (incluant les symptômes urinaires et gynécologiques) et évaluer le transit et la qualité des selles.  L’évaluation du retentissement sur la qualité de vie, dans tous les domaines, est également très importante.

Tout comme l’interrogatoire, l’examen clinique a bien sûr un rôle majeur, à la fois statique et dynamique. Il a une excellente valeur prédictive négative (1).

Il est important de noter que, devant une dyschésie, la réalisation d’examens complémentaires n’est pas systématique, surtout dans un premier temps !

Les objectifs des explorations sont d’identifier les mécanismes impliqués (explorations fonctionnelles) et de rechercher et caractériser des troubles de la statique associés (explorations morphologiques) pour adapter au mieux la stratégie thérapeutique.

Attention, dyschésie n’est pas synonyme de pathologie fonctionnelle et il est bien évident qu’il faudra toujours penser à éliminer une cause organique, notamment devant la présence de signes d’alarme !

Les explorations fonctionnelles

Les explorations fonctionnelles sont indiquées après échec du traitement médical de première intention pour confirmer le diagnostic de trouble de l’exonération et comprendre le mécanisme à l’origine des symptômes rapportés.

Manométrie ano-rectale

La manométrie ano-rectale (MAR) est l’examen fonctionnel de référence pour rechercher une asynergie abdomino-périnéale (= dyssynergie rectosphincterienne = asynchronisme abdomino-pelvien). Pendant de nombreuses années, cet examen a péché par son manque de standardisation et de reproductibilité avec une mauvaise sensibilité. La mise sur le marché de sondes à haute résolution ainsi que la publication de la classification de Londres vont radicalement faire évoluer cela (2).

Les mesures manométriques à réaliser en cas de dyschésie sont : les mesures de la pression de repos et de la contraction volontaire, la recherche des réflexes ano- rectal inhibiteur et recto-anal excitateur, la défécation simulée, la mesure de la sensibilité et de la compliance rectales.
La classification de Londres, publiée en 2020, a défini d’une part le niveau d’atteinte et d’autre part le type d’atteinte.

Le niveau d’atteinte est défini comme suit :

  • Observation majeure : non observée chez les témoins, correspond à une atteinte physiologique et à un symptôme
  • Observation mineure : anomalie observée chez un patient avec des symptômes mais qui peut aussi être observée chez des témoins et qui dont donc être associée à un symptôme
  • Observation « non consistante » : anomalie observée chez un patient mais qui peut aussi être observée chez des témoins. Cette anomalie peut être associée à un symptôme mais le lien doit être démontré

Le type d’atteinte à décrire est défini comme suit :

  • Présence ou absence du réflexe recto-anal inhibiteur
  • Atteinte de la pression de repos ou de la contraction volontaire anale
  • Atteinte de la coordination recto-anale définissant l’asynergie et qui doit être précédé d’un test d’expulsion du ballonnet anormal
  • Atteinte de la sensibilité rectale

L’article décrivant la classification de Londres est en accès libre sur le lien suivant :

Le test d’expulsion du ballonnet

Ce test utilise un ballon gonflé avec 50ml d’eau environ. Le patient doit pouvoir expulser le ballonnet sur une chaise percée dans un temps allant de 10 secondes à 3 minutes. L’absence de standardisation de ce test en fait un élément dont la place reste controversée. De plus le volume de 50 ml, arbitrairement fixé, pourrait fausser l’interprétation des résultats. Néanmoins, dans un travail publié dans Gastroenterology, la spécificité et la valeur prédictive négative du test pour éliminer une asynergie étaient respectivement de 89 et 97%, ce qui est particulièrement intéressant et pourrait être appliqué de manière généralisée (3).

Mesure du temps de transit colique

Pour différents auteurs, la mesure du temps de transit colique aux marqueurs radio-opaques fait partie du bilan de dyschésie dans la mesure où une constipation de transit est souvent associée et afin d’être complet dans l’évaluation du mécanisme de la constipation. Néanmoins, s’il s’agit d’un examen simple, peu onéreux, et facilement disponible, il présente un manque de sensibilité et de reproductibilité inter et intra-individuelle rendant son intérêt discutable.

Electromyogramme périnéal

En dehors de contextes médico-légaux particuliers, l’électromyogramme n’a pas sa place en pratique courante dans le diagnostic de la dyschésie.

Les explorations morphologiques

Les explorations morphologiques sont indiquées, en cas d’échec de la prise en charge initiale (traitement médical, rééducation) et lorsqu’une indication chirurgicale est à discuter.
Leur objectif est d’identifier et de quantifier un trouble de la statique pelvienne, de rechercher des associations pouvant modifier le geste chirurgical comme la présence d’une élythrocèle, ou une anomalie des autres compartiments du périnée.

Colpo-cysto-défécographie

La colpo-cysto-défécographie reste l’examen de référence dans la recherche de troubles de la statique pelvienne. Elle est le plus souvent réalisée avec une opacification de l’ampoule rectale, du sigmoïde, du vagin, des anses iléales et doit comporter trois étapes : repos, retenue et évacuation. Elle apprécie également la qualité de la vidange rectale. L’asynchronisme abdomino-pelvien apparait comme une contraction de la sangle pubo-rectale et du sphincter externe lors de la manœuvre de Valsalva, au lieu de la relaxation attendue. S’il s’agit d’un examen irradiant il garde l’avantage d’un examen morphologique complet réalisé en position physiologique de défécation (4).

Déféco-IRM ou IRM pelvienne dynamique

Les indications de la déféco-IRM sont celles de la colpo-cysto-défécographie. La déféco-IRM a pour avantage d’être non irradiante, peu invasive, reproductible et elle permet l’étude des parties molles et des sphincters de l’anus. En revanche, si ses performances diagnostiques sont équivalentes à celles de la colpo-cysto-défécographie pour les compartiment antérieur et moyen, elles restent inférieures pour le compartiment postérieur et notamment pour le diagnostic de procidence rectal interne (5). Il est vraisemblable que la position « physiologique » lors de la réalisation de la colpo-cysto-défécographie soit un avantage significatif pour le diagnostic de certains troubles de la statique. Dans tous les cas, le choix de l’une ou l’autre des deux techniques d’imagerie est le plus souvent guidé par les habitudes des équipes et la disponibilité respective des examens 

Echographie endo-anale dynamique

L’échographie endo-anale (EEA) n’a pas d’indication systématique dans le bilan d’une dyschésie. Néanmoins, l’utilisation de sondes linéaires a permis le développement de l’EEA dynamique qui permet de rechercher des troubles de la statique pelvienne. C’est un examen simple, de courte durée, peu onéreux et reproductible. De plus, plusieurs travaux ont montré une bonne concordance diagnostique entre l’EEA et la défécographie dans le diagnostic des troubles de la statique pelvienne avec en particulier une étude montrant que l’EEA dynamique et la déféco-IRM obtenaient des performances similaires à la colpo-cysto-défécographie en restant toute deux moins performantes (6). Cet examen, s’il reste pour l’instant pratiqué seulement par certains centres pour des raisons de disponibilité, pourrait s’avérer être un examen simple et d’une aide intéressante dans le diagnostic des troubles de la statique pelvienne.

À retenir !

  • L’examen clinique a un rôle fondamental.
  • Les explorations ne sont indiquées qu’en cas d’échec du traitement médical
  • La manométrie ano-rectale reste l’examen fonctionnel de référence.
  • Les explorations morphologiques sont utiles avant de prendre une décision thérapeutique chirurgicale.

Références :

  1. Burrows LJ, Sewell C, Leffler KS, Cundiff GW. The accuracy of clinical evaluation of posterior vaginal wall defects. International urogynecology journal and pelvic floor dysfunction. 2003 Aug;14(3):160-3
  2. Carrington EV, Heinrich H, Knowles CH, Fox M, Rao S, Altomare DF, Bharucha AE, Burgell R, Chey WD, Chiarioni G, Dinning P, Emmanuel A, Farouk R, Felt-Bersma RJF, Jung KW, Lembo A, Malcolm A, Mittal RK, Mion F, Myung SJ, O’Connell PR, Pehl C, Remes-Troche JM, Reveille RM, Vaizey CJ, Vitton V, Whitehead WE, Wong RK, Scott SM; All members of the International Anorectal Physiology Working Group.The international anorectal physiology working group (IAPWG) recommendations: Standardized testing protocol and the London classification for disorders of anorectal function. Neurogastroenterol Motil. 2020 Jan ;32(1): e13679.
  3. Minguez M, Herreros B, Sanchiz V, Hernandez V, Almela P, Anon R, et al. Predictive value of the balloon expulsion test for excluding the diagnosis of pelvic floor dyssynergia in constipation. Gastroenterology 2004 Jan;126(1):57-62.
  4. Mellgren A, Bremmer S, Johansson C, Dolk A, Uden R, Ahlback SO, et al. Defecography. Results of investigations in 2,816 patients. Dis Colon Rectum 1994;37(11):1133-41.
  5. Mortele KJ, Fairhurst J. Dynamic MR defecography of the posterior compartment: Indications, techniques and MRI features. European journal of radiology. 2007 Mar;61(3):462-72
  6. Vitton V, Vignally P, Barthet M, Cohen V, Durieux O, Bouvier M, et al. Dynamic anal endosonography and MRI defecography in diagnosis of pelvic floor disorders: comparison with conventional defecography. Diseases of the colon and rectum. 2011 Nov;54(11):1398-404.