Aller au contenu

Articles essentiels en colo-Proctologie 2021 rapportés lors des Journées de novembre

1. Treatment of perianal fistulas in Crohn’s disease: surgical closure after anti-TNF induction treatment versus anti-TNF without surgery (PISA II) – a patient reference RCT

Meima Van Praag E et al, ESCP 2021
Présenté par Perrine Mortreux, Lille

Il s’agit d’une étude qui avait pour but de comparer le retrait simple du séton par rapport à une technique de fermeture chirurgicale de la fistule chez des patients traités par anti-TNF. Cette étude a fait suite à PISA I qui a été arrêtée précocement pour « futilité » en raison d’un taux de réintervention largement plus important dans le groupe séton au long cours. Cette première étude est critiquable en raison du traitement médical qui n’était pas comparable entre les 3 groupes : séton au long cours et traitement par 6-mercaptopurine (6-MP) pendant un an, retrait du séton après 6 semaines d’anti-TNF en combothérapie et poursuite du 6-MP pendant un an au total, combothérapie de 4 mois puis monothérapie avec 6-MP pour une durée totale d’un an, retrait du séton et technique de fermeture après deux mois de traitement.

Cette étude multicentrique internationale PISA II a étudié le taux de guérison radiologique en IRM à 18 mois de suivi après inclusion randomisée, ou selon la préférence du patient (si refus de la randomisation) en deux groupes : traitement par « anti-TNF seul » ou « anti-TNF associé à une technique chirurgicale de fermeture de la fistule ».

La technique de fermeture chirurgicale consistait en un lambeau d’avancement, une suture simple de l’orifice interne ou une ligature intersphinctérienne du trajet fistuleux (LIFT).

Ont été inclus 94 patients dont 32 randomisés (56 « anti-TNF seul » et 38 « anti-TNF avec chirurgie »). En per protocole, le taux de fermeture clinique était de 71 % dans le groupe « anti-TNF + chirurgie » vs 50 % dans le groupe « anti-TNF seul » (p=0,02) et la guérison radiologique était de 36,8 % dans le groupe « anti-TNF + chirurgie » vs 7,5 % dans le groupe « anti-TNF seul » (p=0,002) (Figure 1). La qualité de vie évaluée avec le PDAI à 18 mois était significativement meilleure dans le groupe « anti-TNF + chirurgie » vs « anti TNF seul » (sans aucune différence entre les patients randomisés ou pas). Le taux de récidive nécessitant une nouvelle chirurgie était comparable entre les 2 groupes mais aucune récidive n’a été observée chez les patients guéris radiologiquement.

Au final, cette étude est en faveur d’un traitement chirurgical de fermeture du trajet fistuleux en plus du traitement par anti-TNF, quand les conditions sont favorables. En effet, seulement 1/3 des patients ont été randomisés et les autres furent traités selon leur « préférence ».

Figure 1 : Résultats à 18 mois de l’étude PISA II

2. Long-terme outcomes of Crohn’s perianal fistulas treatment: anti-TNF with surgical closure versus anti-TNF alone (PISA-II). A patient preference RCT

Meima Van Praag E et al, ECCO 2022

Dans la continuité de leur précédente étude, les auteurs ont présenté au congrès de l’ECCO de cette année 2022 les résultats à long terme de l’étude PISA II. Les données ont été recueillies chez 88 patients sur les premiers 94 patients inclus (35/38 dans le bras fermeture chirurgicale et 53/56 dans le bras anti-TNF seul). Après une médiane de suivi de 5 ans (IQR 4-7), les résultats radiologiques se maintiennent à long terme en faveur de la fermeture chirurgicale (40 % vs 17 %, p = 0,018). De même pour le taux de fermeture clinique (71 % vs 60 %), mais la différence n’était plus significative (p = 0,5) (Figure 1). Le taux de récidive était moins important dans le bras fermeture chirurgicale (36 % vs 20 %), mais une fois encore de manière non significative (p=0,1). Une seule récidive est survenue chez les patients ayant eu une guérison radiologique (4,3 %) vs 12/57 (21,1 %) chez les patients ayant eu une rémission clinique. Il n’y avait pas de différence sur le plan de la continence anale entre les 2 groupes.

Les auteurs concluent que ces résultats à long terme confirment le bénéfice de rajouter une technique de fermeture chirurgicale au traitement par anti-TNF pour améliorer le taux de fermeture clinique et de guérison radiologique. La guérison radiologique paraît clairement dans cette étude comme un objectif thérapeutique permettant de maintenir la rémission.

Figure 1 : Résultats à 5 ans de l’étude PISA II

3. Rectovaginal fistula: risk factors for failure after graciloplasty – A bicentric retrospective European study of 61 patients

Frontali A et al. Colorectal Disease 2021
Présenté par Perrine Mortreux, Lille

Il s’agit d’une étude rétrospective sur 61 patients ayant eu une graciloplastie sous couvert de stomie pour 51 fistules recto-vaginales et 10 fistules iléo-vaginales après anastomose iléo-anale (AIA).

Après un suivi moyen de 56 +/- 48 mois, un échec a été constaté chez 24 patientes (39 %). Le taux d’échec était de 43 % (13/30) en cas de maladie de Crohn, 38 % (3/8) en cas de fistule iléo-vaginale après AIA, 30 (3/10) en cas de fistule obstétricale, 33 % (1/3) en cas de fistule post-radique et 40 % (4/10) pour les autres cas. Deux facteurs de risque d’échec ont été identifiés en analyse univariée : l’absence d’antibioprophylaxie postopératoire 49 % (18/37) vs 13 % (3/24), p = 0,005 et la survenue d’une infection postopératoire périnéale 48 % (11/23) vs 10 % (4/37), p = 0,0021. L’étiologie, le type de fistule et le timing de la stomie (avant ou au moment de la graciloplastie) n’avaient pas d’influence sur le taux de succès.
Les auteurs concluent que le taux d’échec reste élevé d’environ 40 % pour cette technique chirurgicale majeure proposée le plus souvent en dernier recours pour des fistules recto-vaginales ou iléo-vaginales en échec des techniques chirurgicales classiques locales. L’antibioprophylaxie postopératoire semble réduire ce taux d’échec.

4. Development and initial psychometric validation of a patient-reported outcome measure for Crohn’s perianal fistula: the Crohn’s Anal Fistula Quality of Life (CAF-QoL) scale.

Adegbola SO et al. Gut 2021
Présenté par Pauline MERLE, Tours

En l’absence de score spécifique permettant d’évaluer la qualité de vie (PROs : Patient-reported Outcomes) des patients ayant une maladie Crohn (MC) avec fistule anale, l’équipe londonienne du Saint-Mark’s Hospital s’est attelée à développer une échelle psychométrique de qualité de vie spécifique pour ces patients qu’ils ont appelé le CAF-Qol (Crohn’s Anal Fistula Quality of Life scale).

Le groupe de travail était constitué de chirurgiens et de gastroentérologues ayant une expertise dans les lésions ano-périnéales de la maladie de Crohn, d’infirmières spécialisées dans l’éducation thérapeutique des patients Crohn, de chercheurs ayant une expertise dans la conception des scores de qualité de vie et 211 patients ayant une atteinte fistuleuse de la maladie de Crohn recrutés à travers les réseaux sociaux, hôpitaux et associations patients.

Grâce à un design particulièrement complexe et rigoureux, l’élaboration de ce score s’est faite globalement en 3 phases :

  • Première phase d’approche qualitative permettant de créer une longue liste d’items d’évaluation de la qualité de vie à partir des retours des patients inclus dans l’étude, du groupe de pilotage et des données de la littérature.
  • Deuxième phase menée par le comité de pilotage permettant d’affiner, de reformuler et de valider les items.
  • Troisième et dernière phase permettant d’évaluer les propriété du questionnaire (validité, fiabilité, sensibilité au changement).

Ce score s’est articulé autour de 3 thèmes qui ont été divisés en plusieurs sous-thèmes :

  • Impact des symptômes : douleur, écoulement et réduction de la mobilité et fatigue.
  • Impact du traitement : accès au traitement, compréhension et tolérance de traitement et de ses effets indésirables.
  • Impact sur le bien-être : préoccupations sociales et professionnelles, restrictions physiques et leurs impacts et conséquences émotionnelles.

La version finale du questionnaire est constituée de 28 items, dont 27 évaluables par une l’échelle de Likert de 0 à 4 et un par à un texte libre, ce qui fait que le score varie de 0 à 108.

Le CAF-QoL (Figure 1) est le premier score PROs spécifique des fistules anales de Crohn qui a l’avantage d’être développé avec une méthodologie rigoureuse centrée sur le patient lui-même. Son remplissage prend en moyenne 9 minutes et peut être fait en présence du clinicien ou indépendamment par le patient seul.
Ce score peut être utilisé dans les essais cliniques, mais également dans la vraie vie et constitue une vraie aide pour une prise de décision thérapeutique davantage personnalisée.

Très peu de critiques possibles pour ce score qui a été rigoureusement conçu en dehors d’une absence de possibilité d’évaluation des PROs chez des patients ayant des LAP hors fistules mais également chez des patients ayant une stomie ou proctectomie mais il s’agit d’une volonté assumée des auteurs pour ne pas impacter la fiabilité de ce score.

Figure 1 : CAF-QoL traduit en français

5. Surgical closure, mainly with glue injection and anti-tumour necrosis factor, in fistulizing perianal Crohn’s disease: A multicentre randomized controlled trial

Abramowitz L et al Colorectal Dis 2021
Présenté par Pauline MERLE, Tours

Il s’agit d’un essai contrôlé randomisé multicentrique français comparant deux bras : retrait du séton et technique de fermeture chirurgicale (groupe chirurgie) vs retrait simple du séton (groupe contrôle) chez des patients ayant une maladie de Crohn ano-périnéale fistulisante drainée par un séton depuis plus d’un mois et traitée par adalimumab depuis plus d’un mois. Le critère de jugement principal était la guérison clinique définie par fermeture de l’orifice externe fistuleux sans séton et sans aucune douleur ni écoulement à la pression et l’absence de visualisation de l’orifice interne.

Initialement, 262 patients étaient prévus dans l’étude mais les inclusions ont été arrêtées au bout de 64 patients pour un problème de recrutement. Les ¾ des fistules étaient complexes. Ont été randomisés 33 patients dans le groupe chirurgie et 31 dans le groupe contrôle. La technique chirurgicale de fermeture utilisée est dans la plupart des cas la colle biologique (78,8 %). A 12 mois, le taux de fermeture complet était de 60 % (35/58) : 56 % (18/32) dans le groupe chirurgie vs 65 % (17/26) dans le groupe contrôle (p = 0,5) (Figure 1). Dans le groupe chirurgie, le taux de fermeture était de 52 % (13/25) en cas de fistule complexe vs 71 % (5/7) en cas de fistule simple (p=0,4). Dans le groupe contrôle, le taux de fermeture était de 67 % (12/18) en cas de fistule complexe vs 63 % (5/8) en cas de fistule simple (p = 1).

Les auteurs concluent qu’il n’y a pas de bénéfice à proposer une technique de fermeture chirurgicale en plus du retrait simple du séton chez des patients ayant une maladie fistulisante bien drainée et bien contrôlée par l’adalimumab.

Quelques critiques peuvent être cependant émises pour cet essai expliquant en partie les discordances avec les résultats de l’étude PISA II. Le nombre de patients inclus était beaucoup plus faible que ce qui a été prévu au départ, ce qui a altéré la puissance de l’étude. Les deux groupes n’étaient pas comparables en termes de durée de la maladie (maladie plus longue avec davantage d’exposition à l’infliximab) dans le groupe chirurgie en faveur d’une maladie plus agressive. De plus, la technique chirurgicale principalement utilisée était la colle biologique dont l’efficacité connue est faible. D’ailleurs, les dernières recommandations ECCO 2020 la considèrent comme une technique d’une « limited efficacy ».

En revanche, la technique chirurgicale principalement utilisée dans PISA II était la LIFT dont l’évaluation de l’efficacité, certes encore limitée à quelques études récentes, semble meilleure, supérieure à 60 %.

Figure 1 : Taux de succès à 12 mois