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Algorithmes LAP de Crohn – Mise à jour

Mise à jour des Recommandations pour la pratique clinique.
« Prise en charge des Localisations Ano-Périnéales de la Maladie de Crohn »

Dr Dominique BOUCHARD* interviewé par Dr Anne-Laure RENTIEN** 
*Service de Proctologie Hôpital BAGATELLE 33400 Talence 
** Service de proctologie, Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph 

ALR : Bonjour, Dominique Bouchard, merci d’être là. 

Vous-avez une appétence particulière pour les LAP de Crohn et avez réalisé en 2017 avec un groupe d’experts des algorithmes pratiques pour la prise en charge des LAP. En novembre dernier, vous avez mené un sondage de type Delphi auprès des membres de la SNFCP et d’experts du GETAID afin de mettre à jour ces algorithmes.

Management of anoperineal lesions in Crohn's disease: a French National Society of Coloproctology national consensus / Anoperineal lesions in Crohn's disease: French recommendations for clinical practice

ALR : D’après les résultats de ces sondages, trouvez-vous que nos pratiques ont évolué entre 2017 et 2020 ?

DB : Dans l’ensemble, pas vraiment Anne-Laure

Peut-être un recours un peu plus systématique à la combothérapie.

Mais surtout, l’élément pour lequel il y a eu le plus de changement dans l’intervalle, c’est la thérapie cellulaire, avec, en 2019, l’obtention de l’AMM pour les cellules souches médullaires (CSM) hétérologues dans le tt des fistules de Crohn (FC).

En 2017, nous avions proposé les CSM dans le cadre d’essais cliniques et dans la situation des fistules en rémission… ALGORITHME fistule en rémission.

ALGORITHME fistule en rémission.

Et aujourd’hui, suite au sondage réalisé récemment, il ressort que…

Sondage : Selon vous, l'utilisation des cellules souches peut être discutée dans la ou les situations suivantes

plus de 70 % des participants proposaient les CSM en cas de FC en échec d’au moins 1 anti-TNF voire de 2 lignes de biothérapies, 20% en alternative à une technique d’obturation pour des fistules sèches en rémission et seulement 1% les proposaient.

ALR: Cela reflète-t-il, en tant qu’expert, votre pratique ?

DB : Si vous voulez parler de l’indication et de l’utilisation des cellules souches, oui.

Compte-tenu de la quantité d’effet modeste de la thérapie cellulaire par rapport au bras placebo dans les études de Molendijk I , (Molendijk I et al. Gastroenterology 2015)

et de Panès J (Panès J et al.  Gastroenterology 2017), et compte-tenu du coût de cette thérapie, c’est une option sans doute intéressante et prometteuse mais qui, à l’heure actuelle, peine à se développer.

C’est une arme supplémentaire dans la prise en charge des FC mais il faut qu’on arrive à définir plus finement les bons et les mauvais candidats et c’est le temps qui nous aidera. 

A ce jour, seuls deux centres, Rennes et St Joseph à Paris, sont ouverts et nous devrions à Bagatelle commencer à injecter prochainement , comme une petite dizaine de centres experts en France… donc rendez-vous, disons dans 5 ans, pour faire le point…

ALR : Un point également important du sondage de novembre était la place de la combothérapie. Qu’en pensez-vous ?

DB : Je crois qu’il est clair pour tous aujourd’hui que l’apparition d’une suppuration ano-périnéale représente un facteur péjoratif majeur dans l’évolution de la maladie d’un patient et qu’en conséquence, il faut être dans une stratégie top down et à ce jour, le seul traitement médical qui a fait la preuve de son efficacité sur des études solides, ce sont les anti-TNF.

La question qui se pose, c’est surtout de savoir s’il faut faire une combothérapie dans tous les cas ou pas. 

Et selon le 3° et dernier tour du sondage mené auprès de la SNFCP : 

D'où le cas où l'anti-TNF est l'infliximab
D'où le cas où l'anti-TNF est l'adalimumab

Quant à la durée de la combothérapie, Il n’y a, à ma connaissance, aucune étude dédiée qui évalue la désescalade dans l’indication des fistules ano-périnéales. Mais par analogie avec la prise en charge de la maladie luminale, j’ai tendance à proposer un allègement du traitement au bout d’un an… si tous les signaux sont au vert évidemment !

Et dans ce cas, j’arrête l’immunosuppresseur dont l’efficacité au niveau du périnée reste à prouver mais surtout pas l’anti-TNF. C’est le message fort à retenir !

ALR : Une question concernant les scores IRM : nous connaissons celui de Van Asche. De nouveaux scores sont publiés, entre autres l’index IRM MagnifiCD reprenant la notion de masse inflammatoire. Quelle est votre expérience de ces nouveaux scores ?

DB : En effet Anne-Laure, les choses ont pas mal bougé sur L’IRM depuis l’élaboration des algorithmes de 2017…

Depuis le score de van Assche, bien connu, score complexe, peu employé, duquel on isole souvent des items comme l’hyper-intensité des lésions et les collections.

Il y a eu des papiers importants de Samaan MA, qui a étoffé le score de van Assche avec d’autres items. (Samaan MA.et al. APT 2017), puis Hindrycks P (Hindryckx P. et al. Gastroenterology 2019)  et  van Rijn KL ( van Rijn KL. et al. Clin Imaging 2020)

Alors, toutes ces publications sont assez ténues, mais ce qu’il faut retenir c’est d’une part l’apparition d’un nouveau concept de masse inflammatoire (localisée ou plus diffuse) qui est différencié de l’ensemble cavités/collections (donc un trou avec ou sans pus),  et deuxièmement, la notion de seuil (< 3, 10-20, > 20 mm) ce qui est plus fin que les scores précédents. 

Ce qui est intéressant également sur la question de l’IRM, c’est la question du délai d’évaluation, qui a fait l’objet d’une question au sondage de novembre
On retient :     exigence de réponse symptomatique rapide
        presque aussi rapide pour l’examen clinique
        mais un décalage réponse IRM bien notée par tous plutôt 6-12 mois

Quel est votre délai pour évaluer la réponse au traitement ?

ALR : Pour finir, un conseil ou message clé pour nous, passionnés des fistules de Crohn ? 

DB : Le message principal, c’est de prendre en charge ces pathologies dans des centres spécialisés où travaillent de concert un chirurgien proctologue ou viscéral expérimenté, un Miciste et un radiologue qui maîtrise bien l’analyse du périnée en IRM.

En effet, ces fistules anales de Crohn sont très souvent des pathologies complexes et difficiles à prendre en charge et il faut donner les meilleures chances au patient qui subit un très fort retentissement de ces lésions sur sa qualité de vie. 

Et enfin il faut que nous arrivions à mieux définir, spécialistes et patients réunis, les cibles et objectifs à atteindre dans notre prise en charge et j’espère que nous pourrons débuter prochainement ce type de travail avec la SNCP, le GETAID et les associations de patients.

ALR : Merci Dominique Bouchard de nous avoir éclairés, j’espère que vous reviendrez bientôt avec les réponses à toutes ces questions qui restent en suspens.