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LARS, Diane Mège a lu le manuel !

MANUEL, ce n’est pas le surfeur de la Madrague, ni le roi du Portugal,
Ce sont des recommandations pour la prise en charge du syndrome de résection antérieure du rectum

Management guidelines for low anterior resection syndrome – the MANUEL project
Peter Christensen, Coen Im Baeten, Eloy Espín-Basany, Jacopo Martellucci, Karen P Nugent, Frank Zerbib, Gianluca Pellino, Harald Rosen, MANUEL Project Working Group
Colorectal Dis 2021 Feb;23(2):461-475.

Le syndrome de résection antérieure du rectum (LARS), associant incontinence anale, impériosités et fragmentation des selles, est observé dans plus de la moitié des patients opérés d’un cancer du rectum, lorsqu’une proctectomie avec anastomose colo-rectale ou colo-anale a été réalisée [1]. Ce LARS peut perdurer et ainsi altérer considérablement la qualité de vie des patients, pour qui la survie sans récidive était initialement la priorité. Ainsi, seulement un tiers des patients osent consulter pour un LARS.
Le projet MANUEL est donc de proposer un « manuel » de prise en charge du LARS, établi par des experts à partir de la littérature scientifique disponible sur le sujet.

I – Facteurs de risque du LARS

Les facteurs de risque connus sont une mauvaise compétence sphinctérienne préalable, une radiothérapie néoadjuvante (dont les effets peuvent être tardifs), une exérèse totale du mésorectum, une anastomose très basse (colo-anale avec résection intersphinctérienne) et les blessures nerveuses peropératoires. 

Le type de réservoir n’influence pas le LARS sur le long terme. En revanche, l’existence et la durée de la stomie de protection semble avoir un impact sur le LARS, peut-être à cause d’une modification épithéliale du colon exclu, à l’origine de malabsorption lors de la fermeture de stomie. La physiopathologie de l’implication de la stomie de protection nécessite d’être explorée.

II – Diagnostic du LARS

Un consensus international a récemment retenu la définition suivante du LARS : au moins un des 8 symptômes identifiés, à l’origine d’au moins une des 8 conséquences possibles (cf schéma ci-dessous) [2].

Parmi les scores disponibles pour quantifier la sévérité du LARS (absent, mineur, majeur), le LARS score est le plus pratique [1]. Cependant, il ne prend pas en compte les autres troubles fonctionnels souvent observés (urinaire, sexuel), ni les troubles psychologiques liés au contexte.

III – Prévention du LARS

La prédiction préopératoire du LARS à l’aide du POLARS (prenant en compte : âge, sexe, exérèse totale/partielle du mésorectum, hauteur de l’anastomose, stomie de protection, radiothérapie néoadjuvante) [3] permettrait d’adapter la stratégie thérapeutique à chaque patient. Cependant, les facteurs de risque ne sont pas facilement modulables, d’autant plus à l’ère où le traitement néoadjuvant total se développe, dans un objectif de conservation sphinctérienne et de conservation d’organe.

IV – Explorations en présence de LARS

Une récidive tumorale et/ou une complication postopératoire doivent absolument être éliminées.
L’examen clinique (avec toucher rectal) est indispensable. L’endoscopie est à prévoir en fonction de l’examen clinique et du programme de surveillance oncologique.

La manométrie anorectale est utile pour guider la rééducation ano-périnéale.

V – Prise en charge thérapeutique du LARS

Elle repose sur une escalade thérapeutique, et surtout sur une association de petits moyens.

  • Les traitements aggravant les troubles du transit doivent être supprimés si possible.
  • Dans un premier temps, une prise en charge diététique permet d’adapter le régime alimentaire des patients, sans carence ou privation majeure.
  • Des traitements médicaux de type ralentisseurs du transit (loperamide), plus ou moins associés à des lavements trans-anaux, des anti-5-HT3 (sétrons) et des chélateurs biliaires (cholestyramine) sont à proposer.
  • La rééducation ano-périnéale est indispensable pour réduire les fuites, améliorer la sensibilité et la discrimination.
  • L’étape suivante est l’irrigation transanale (PéristeenÒ), qui nécessite une certaine compliance et éducation du patient. 
  • Si échec ou contre-indication, les autres options thérapeutiques sont :
    L’irrigation antérograde, via une caecostomie percutanée endoscopique ou chirurgicale (Malone), est possible, mais à l’origine d’une morbidité dans 1/3 des cas.
    La neuromodulation des racines sacrées a montré son efficacité dans des séries de cas.
    La stimulation tibiale, certes moins invasive que la précédente option, a des résultats moins évidents dans le LARS.
    Des essais randomisés sont en cours pour ces 2 options peu invasives.
    Avant le stade ultime de la stomie définitive.
  • Quel que soit le stade de prise en charge thérapeutique du LARS, un accompagnement psychologique, avec des infirmières stomathérapeutes, et des associations de patient sont à proposer.

Conclusion

Le LARS est inhérent à la prise en charge chirurgicale du cancer du rectum. Il existe des facteurs de risque, plus ou moins modulables. Sa prise en charge diagnostique et surtout thérapeutique est pluridisciplinaire. Elle repose sur la connaissance des différentes options exposées dans ce « MANUEL », options souvent encore peu connues ou non maitrisées par les chirurgiens colo-rectaux et oncologues.

Références

  1. Emmertsen KJ, Laurberg S, Rectal Cancer Function Study Group. Impact of bowel dysfunction on quality of life after sphincter-preserving resection for rectal cancer. Br J Surg. 2013;100(10):1377–87.
  2. Keane C, Fearnhead NS, Bordeianou L, Christensen P, Basany EE, Laurberg S, et al. International consensus definition of low anterior resection syndrome. Colorectal Dis. 2020;22:331–41.
  3. Battersby NJ, Bouliotis G, Emmertsen KJ, et al. Development and external validation of a nomogram and online tool to predict bowel dysfunction following restorative rectal cancer resection: the POLARS score. Gut. 2018;67(4):688–96.