Tout ce que vous avez voulu savoir sur EPIC* !
*Abramowitz L., Mandelbrot L., Bourgeois-Moine A. et al. Caesarean section in the second delivery to prevent anal incontinence after asymptomatic obstetric anal sphincter injury: the EPIC multicentre randomised trial. BJOG 2020 doi : 10.1111/1471-0528.16452.
E.D. : Merci Laurent d’avoir accepté cette interview.
Peux-tu nous résumer cette étude EPIC en nous rappelant le principe, son design et les principaux résultats obtenus.
L.A. : A l’époque de la conception de cette étude (il y’a 11 ans), la question qui se posait régulièrement était la suivante : une patiente qui a eu une déchirure sphinctérienne après un accouchement, ou chez qui on diagnostique en échographie un defect sphinctérien en rapport avec un accouchement précédent, doit-elle systématiquement avoir une césarienne pour un accouchement ultérieur ?
La logique était de dire qu’en présence d’une rupture sphinctérienne il ne fallait pas aggraver les choses, et pour préserver la fonction périnéale on recommandait une césarienne plutôt qu’un accouchement par voie basse.
Mais cette attitude n’était basée sur aucune donnée scientifique.
Nous avons inclus des femmes au troisième trimestre d’une 2ème grossesse, qui avaient eu lors d’un 1er accouchement une déchirure périnéale de grade 3, ou un accouchement avec des forceps, donc à haut risque d’avoir une rupture sphinctérienne.
Les patientes avaient une échographie sphinctérienne, si je trouvais une rupture sphinctérienne je leur proposais d’entrer dans cette étude qui tirait au sort le mode d’accouchement (voie basse ou césarienne).
Ça ne posait pas top de problème éthique puisque à l’époque on ne savait pas s’il fallait faire une césarienne ou une voie basse avec des avantages et des inconvénients des deux côtés. Globalement la plupart des patientes ont accepté.
Ces patientes étaient revues au moins six et douze mois, après leur deuxième accouchement pour savoir si une incontinence anale était apparue et comment les ruptures sphinctériennes avaient évolué.
E.D. : Et vos résultats ?
L.A. : Contrairement à ce qu’on attendait il n’y avait pas de différence significative du score de continence anale six mois après l’accouchement chez les femmes ayant été césarisées ou ayant eu une voie basse.
Ce résultat est un argument fort pour dire qu’il n’y a pas de raison de proposer systématiquement une césarienne en cas de rupture sphinctérienne échographique asymptomatique.
Il est intéressant de noter que 26 femmes avaient été incluses à tort avec une incontinence anale. De faible importance il est vrai, simples fuites de gaz ou minimes pour les selles ou des suintements. L’analyse de ce sous-groupe a montré un petit avantage à la césarienne.
On peut conclure qu’il faut bien interroger ces patientes, et que si leur continence est strictement normale une rupture sphinctérienne isolée n’est pas une indication à une césarienne systématique. Par contre s’il y est associée une incontinence anale, même mineure, c’est un petit argument pour discuter une césarienne. J’insiste donc sur l’importance de bien rechercher ces troubles mineurs de la continence.
Cette étude montre que le dialogue avec le proctologue, est important pour dépister les patientes symptomatiques après une déchirure périnéale post obstétricale, afin de définir la prise en charge ultérieure.
E.D. : Depuis ce travail, as-tu mis en place une consultation dédiée à ces femmes ?
L.A. : Je pense que ces échanges avec les obstétriciens sont importants, c’est une collaboration que nous devons avoir avec nos collègues. Elle se faisait jusqu’à maintenant essentiellement par le biais de l’échographie endoanale, mais elle pourrait se faire en amont avec un interrogatoire précis. Cette consultation peut être le moment de suggérer des mesures protectrices périnéales comme traiter une constipation ou une dyschésie et proposer à ces patientes les traitements les moins agressifs pour l’anus en cas de pathologies anales.
Donc oui, cet échange et est primordial avec nos collègues.
E.D. : Merci beaucoup Laurent de nous avoir éclairé sur cette étude EPIC.
L.A. : Bonne journée à tous.