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La sphinctérotomie latérale interne à réhabiliter en France !?

Health and quality of life among a cohort of patients having lateral internal sphincterotomy for anal fissures.

Sutherland JM, Karimuddin A, Liu G, Crump T, Akbar H, Phang T, Redfern K, Manoharan S, Brown CJ, Raval MJ.

Colorectal Dis 2020;22:1658-66

Mots clés

Fissure anale, traitement chirurgical, sphinctérotomie latérale interne, PRO, incontinence anale

Appréciation

La fissure anale est une affection fréquente avec un retentissement sur la qualité de vie fréquent, marqué surtout par la douleur. Le but de cette étude était d’évaluer la qualité de vie par le biais de PRO (patient related outcomes) de patients opérés par sphinctérotomie latérale interne (SLI) pour une fissure anale. L’évaluation ne se focalisait donc pas uniquement sur la douleur. Elle tenait compte d’autres paramètres pour mieux appréhender les attentes des patients et évaluer leur éventuelle amélioration après la chirurgie.

Pour cela, tous les patients d’un centre hospitalier canadien pour qui une SLI avait été programmée entre octobre 2015 et octobre 2018 ont été prospectivement identifiés. Une chirurgie leur avait été proposée au vu de l’échec du traitement médical ; aucun d’entre eux n’avait de suppuration anale, ni de maladie hémorroïdaire associée. La SLI prévue était ouverte et limitée dans sa hauteur. Les patients ont été contactés par téléphone pour participer à l’étude avec une évaluation pré opératoire, puis 6 mois après l’intervention. La sévérité de l’incontinence anale (IA), la qualité de vie, la douleur et la dépression liées à l’éventuelle incontinence fécale ont été évaluées aux deux périodes.

Un total de 58 patients a participé à l’ensemble de l’évaluation. La majorité était des hommes, d’âge moyen de 50 ans et sans aucune comorbidité. Un score de Fecal Incontinence Severity Index (FISI) supérieur à 30 (prédictif d’un retentissement de l’incontinence fécale sur la qualité de vie) concernait 26% des patients en postopératoire contre 35% avant l’intervention. La qualité de vie a été améliorée la chirurgie (P < 0,05), de même que les marqueurs de dépression, de perception de soi (P = 0,01). Enfin, une amélioration significative de la douleur a été constatée par la plupart des participants (P < 0,01).

Ce travail avait comme objectif d’évaluer la qualité de vie par le biais de PRO des patients opérés par SLI pour une fissure anale. Malgré un faible effectif, il a montré une amélioration de la qualité de vie et des marqueurs de dépression, vraisemblablement du fait d’une diminution significative de la douleur constatée par la plupart des participants. L’autre point important était une amélioration des scores d’IA. Même si ce résultat est surprenant et sans explication claire, il montre cependant que les scores d’IA sont bas après une SLI et ne sont pas majorés.

Il en ressort 2 points.

Le premier est que le risque de trouble de la continence anale après SLI n’est plus ce qu’il était dans le passé. La particularité de la proctologie française a fait que, depuis plusieurs décennies, la prise en charge chirurgicale de la fissure anale a mis en avant la fissurectomie (avec ou sans anoplastie), au détriment de la SLI, jugée trop à risque de trouble de la continence anale. L’efficacité de cette modalité de prise en charge a été confirmée dans une évaluation récente des pratiques en France réalisée par la SNFCP. La grande majorité réalisait en effet une fissurectomie, parfois associée à une anoplastie et plus rarement une SLI. Dans le détail, en l’absence d’hypertonie, la SLI n’était en effet proposée en première intention que chez 5 % des patients et en cas de récidive chez 30% des hommes et 21% des femmes. En cas d’hypertonie, la SLI n’était proposée en première intention que chez 25 % des hommes et 15 % des femmes et en cas de récidive chez 35% des hommes et 30% des femmes. Il en ressort que la SLI est d’autant plus réalisée qu’il existe une hypertonie, que l’on est un homme et en seconde intention (in press, Hépatogastro et Oncologie Digestive). Cette attitude s’explique par la crainte d’une incontinence anale. Pourtant, ce risque a considérablement évolué ces dernières décennies. Si les évaluations de la SLI réalisées dans les années 1980 à 2000 rapportaient plus de 30% d’IA, ce taux est tombé par la suite à moins de 5%, avec des troubles essentiellement mineurs (gaz et suintements) (1) certainement du fait d’une sphinctérotomie plus mesurée, ne dépassant pas la ligne pectinée et d’une meilleure sélection des patients.

Le second point est que les PRO sont de plus en plus utilisés pour évaluer une prise en charge. Les scores utilisés dans cette étude étaient le FIQL (Faecal Incontinence Quality of Life Scale), mesurant les symptômes et la qualité de vie associés à l’incontinence fécale ; le FISI mesurant la gravité de l’incontinence fécale ; le PHQ-9 (Patient Health Questionnaire) mesurant la déficience fonctionnelle et les symptômes dus à la dépression, cette dernière étant en rapport avec l’incontinence anale ; le PEG (Pain intensity, interference with enjoyment of life and general activity instrument) mesurant le retentissement et l’intensité de la douleur ; le EQ-5D-5L (EurQol Five-Dimension three-level instrument) comprenant cinq items relatifs à la mobilité, les soins personnels, les activités habituelles, la douleur/inconfort et l’anxiété/dépression. Il existe pourtant un score validé évaluant la qualité de vie des patients souffrant d’une fissure anale : le score Burden Hemo/Fiss (2). Ce score permet une évaluation moins compliquée de la qualité de vie globale de ce type de patients.

Bref, ce travail est une pierre supplémentaire à l’édifice venant prouver le faible risque de la SLI sur la continence anale et l’intérêt de tenir compte des PRO dans la prise en charge. On en retiendra qu’il est peut-être temps de donner une place plus importante à la SLI dans la prise en charge chirurgicale de la fissure anale et peut être de l’évaluer ou la comparer à la fissurectomie en tenant compte du score Burden Hemo/Fiss.

A suivre…

Thierry Higuero,
Beausoleil-Monaco-Nice

Références

  1. Nelson RL, Manuel D, Gumienny C, et al. A systematic review and meta-analysis of the treatment of anal fissure. Tech Coloproctol 2017;21:605-5.
  2. Abramowitz L, Bouchard D, Siproudhis L, et al. Psychometric properties of a questionnaire (HEMO-FISS-QoL) to evaluate the burden associated with haemorrhoidal disease and anal fissures. Colorectal Dis 2019;21:48-58.