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Les exosomes : une alternative aux cellules souches ?

Evaluating the safety and efficacy of mesenchymal stem cell-derived exosomes for treatment of refractory perianal fistula in IBD patients: clinical trial phase I

Nazari H, Alborzi F, Heirani-Tabasi A, Hadizadeh A, Asbagh RA, Behboudi B, Fazeli MS, Rahimi M, Keramati MR, Keshvari A, Kazemeini A, Soleimani M, Ahmadi Tafti SM.
Gastroenterol Rep (Oxf) 2022 ; 10 : goac075.

Mots clés

Fistule anale, maladie de Crohn, cellules souches, exosomes

Appréciation

Les cellules souches mésenchymateuses (CSM) agissent par contact direct des cellules de l’inflammation comme les macrophages en les transformant d’un profil M1 en M2, en inhibant la prolifération des lymphocytes T et B et en précipitant la transformation vers un profil TH1 ou T régulateurs permettant ainsi une diminution de la sécrétion des interleukines pro-inflammatoires. Elles agissent également par un effet indirect appelé paracrine grâce à un sécrétome (médiateurs solubles) et des vésicules extracellulaires (exosomes et microvésicules). Les médiateurs solubles comprennent des cytokines pro-inflammatoires mais surtout anti-inflammatoires. Les exosomes sont des nano-vésicules à membrane lipidique faisant 30-100 nm de diamètre. Elles contiennent des protéines, des lipides, du DNA, du m-RNA, du micro-RNA, du t-RNA et du RNA non codant. Ces exosomes agissent par un effet paracrine en libérant leur contenu dans le cytosol des cellules cibles. D’une manière similaire aux CSM, elles ont montré un effet cicatrisant, immuno-modulateur, anti-apoptique et antioxydant. Elles auraient même un effet synergique responsable d’une augmentation de la croissance et de la plasticité des cellules mésenchymateuses de l’hôte présentes au niveau du site d’injection.

Le recours à cette alternative repose sur plusieurs arguments : le pouvoir immunogène des CSM allogéniques, le phénomène de sénescence qui peut être observé lors de la phase d’expansion, le délai entre le prélèvement et l’injection nécessitant le rajout d’excipients potentiellement délétères, leur demi-vie courte dès leur décongélation, leur durée de vie limitée au niveau du site de l’injection, etc… pouvant avoir un impact négatif sur leur fonctionnalité et leur différenciation in vivo. Par ailleurs, des doutes, même s’ils sont minimes, persistent quant à leur effet oncogène potentiel à plus long terme.

Dans cette étude de phase I, des CSM extraites du sang du cordon ombilical et évaluées en terme de capacité de différenciation adipocytaire et ostéogénique, étaient mises en culture. Les exosomes étaient extraits au bout de seulement 2 ou 3 passages en culture. Les patients inclus avaient des fistules complexes, sans rectite, en échec de l’infliximab optimisé pendant un délai minimal de 6 mois avant l’injection. La qualité du drainage de la fistule était vérifiée lors d’une exploration sous anesthésie et d’une IRM. L’injection de 5 ml d’exosomes était réalisée dans le trajet fistuleux et au niveau de l’orifice interne. La réponse clinique était considérée complète quand il y avait une épithélialisation de tous les orifices externes, sinon partielle quand il y avait une diminution des écoulements et enfin considérée comme un échec quand il n’y avait aucun changement clinique ni symptomatique voire aggravation.

Cinq patients ont été inclus (2 femmes) d’âge médian de 35 (31-47) ans. La durée médiane d’évolution de la maladie de Crohn était de 8 (2-5) ans et celle de la fistule de 24 (6-36) mois. Trois patients avaient un trajet unique, un patient deux trajets et le dernier quatre trajets fistuleux. Trois patients avaient une atteinte inflammatoire de la peau péri-anale due aux écoulements fistuleux responsable d’une sensation de brulure quotidienne. Après injection, aucun effet indésirable n’a été noté. Au bout des 6 mois de suivi, une réponse combinée clinique et radiologique a été observée chez 80 % de patients. Sur le plan clinique, 3 patients avaient une réponse complète, 1 partielle et 1 échec. L’atteinte inflammatoire de la marge anale et les sensations de brulures avaient régressé chez les 3 patients concernés. L’IRM a montré une disparition complète des trajets chez 2 patients. Chez le patient avec 4 trajets, 3 ont cicatrisé en IRM. Enfin, chez un patient, il y avait une régression du signal inflammatoire mais persistance d’un trajet fistuleux visible.

Il s’agit de la première étude ayant démontré le bon profil d’innocuité et l’efficacité des exosomes dans le traitement de fistules anales réfractaires de la maladie de Crohn. Le seul échec observé était en rapport avec une fistule complètement fibreuse évoluant de longue date posant la question de la pertinence de ce traitement en cas de d’atteinte non inflammatoire.

La thérapie régénérative basée sur l’utilisation des CSM est une révolution dans le domaine médical et intéresse de nombreuses spécialités dont la proctologie du fait de leur pouvoir régénératif, immuno-modulateur et leur capacité de différenciation. Ceci étant dit, beaucoup de ces effets ont davantage été démontrés in vivo et beaucoup de questions restent en suspens quant à leur réel effet in vitro. Des alternatives comme les exosomes auraient une efficacité plus stable, n’engendreraient pas de réaction de rejet et n’auraient pas de pouvoir oncogène potentiel. De plus, elles ont la possibilité d’être commercialisés pour une utilisation à grande échelle. Ceci étant dit, seules des études avec des effectifs plus importants et au mieux « head-to-head » versus les CSM pourront conforter la place de cette nouvelle thérapie.

A suivre…