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Le cancer du rectum fait la une dans la presse

« Patients guéris d’un cancer colorectal : l’intégralité des malades est entrée en rémission, sans effets secondaires sévères » titre Libération, « Cancer : succès prometteur d’une immunothérapie à un stade précoce » pour Le Figaro, et encore « A Cancer Trial’s Unexpected Result: Remission in Every Patient »  du côté du New York Times, quel que soit votre penchant politique et que vous soyez plutôt presse nationale ou internationale, vous n’avez pas pu manquer la nouvelle.

L’étude publiée par Cercek et al. dans le New England Journal of Medecine au début du mois de Juin 2022 a fait du bruit. (1) D’ailleurs, le premier point qui surprend à la lecture du résumé de ce travail, c’est son effectif. Une étude interventionnelle sans groupe contrôle portant sur 12 patients publiée dans une revue affichant un impact factor à 92,2 mérite quelques minutes d’attention.

L’hypothèse posée dans ce travail est simple : puisque l’immunothérapie par anticorps monoclonal ciblant le PD1 a montré son efficacité dans plusieurs cancers avec instabilité des microsatellites, notamment dans le cancer colorectal métastatique (2), les auteurs ont voulu évaluer ce traitement dans le cas spécifique du cancer du rectum localement avancé présentant ce même phénotype mutationnel. Pour répondre à cette question, les auteurs proposent dans cette étude de phase 2 d’administrer dans un premier temps 9 cycles d’immunothérapie anti-PD1 puis une radiochimiothérapie et enfin de proposer une proctectomie avec exérèse totale du mésorectum chez des patients atteints d’un cancer du rectum localement avancé, non métastatique et avec instabilité des microsatellites. À noter qu’en cas de réponse clinique complète à l’immunothérapie, les auteurs précisent que le patient se voit proposer une simple surveillance sans radiochimiothérapie ni chirurgie. La définition de la réponse clinique complète reposait sur l’absence de lésion résiduelle au toucher rectal, à l’endoscopie ainsi qu’à l’IRM rectale. Après 12 patients inclus avec un suivi médian de 12 mois suivant la fin de l’immunothérapie, le résultat est sans appel… L’intégralité des patients est en réponse clinique complète uniquement grâce à l’immunothérapie sans avoir eu recours ni à la radiochimiothérapie ni à la chirurgie. Même le TEP-scanner ne parvient pas à détecter d’activité métabolique résiduelle, la trace de la tumeur du rectum a été totalement perdue. Qu’en est-il de la tolérance de ce traitement ? Aucune complication grave de grade 3 ou plus n’a été rapportée, 75 % des patients ont développé des complications non graves type dermatite, prurit, fatigue ou nausée. Au niveau microscopique, l’analyse des biopsies du rectum a confirmé l’effet attendu de l’immunothérapie à savoir l’augmentation considérable de la densité en lymphocytes B et T dans la muqueuse rectale.

Pour rappel, l’agence du médicament américaine (FDA) avait approuvé en 2017 l’administration de l’immunothérapie ciblant le couple PD1-PD1L pour tous les cancers solides présentant une instabilité des microsatellites en échec d’une première ligne de traitement. L’efficacité de l’immunothérapie sur le cancer du rectum localement avancé non métastatique avec instabilité des microsatellites était donc fortement suspectée, bien que n’ayant jamais été directement testée auparavant. Alors pourquoi ce séisme médiatique et cet engouement autour des résultats de cette étude ? Les précédents travaux sur le cancer colorectal métastatique, le cancer du poumon ou encore le mélanome ont toujours mis en évidence une proportion non négligeable de patients non-répondeurs à l’immunothérapie malgré la présence d’une instabilité des microsatellites, dans le cancer colorectal métastatique par exemple, un taux de 56 % de non-répondeurs a été rapporté. (2) Dans l’étude de Cercek et al. sur le cancer colorectal localement avancé, 100 % des patients ont présenté une réponse clinique complète après au moins 6 mois de suivi. Pour expliquer cela, les auteurs suspectent l’implication du microbiote intestinale, mais ce n’est à ce stade qu’une idée. Quoiqu’il en soit, ce résultat inédit est particulièrement encourageant, laissant penser que ces patients pourraient être guéris définitivement de leur cancer et sans les séquelles de la radiochimiothérapie et de la chirurgie. Gardons en tête néanmoins que cette étude n’a porté que sur 12 patients avec un suivi médian de 1 an seulement. Ces résultats méritent donc d’être confirmés sur une plus longue période afin d’évaluer le risque de récidive à distance malgré une réponse clinique initiale complète. Par ailleurs, une confirmation sur une cohorte plus importante serait aussi souhaitable. Il va aussi sans dire que le cancer du rectum avec instabilité des microsatellites concerne entre 5 et 10 % des cancers du rectum, il reste donc les autres patients.

Références

  1. A. Cercek et al., PD-1 Blockade in Mismatch Repair-Deficient, Locally Advanced Rectal Cancer. N Engl J Med,  (2022).
  2. T. Andre et al., Pembrolizumab in Microsatellite-Instability-High Advanced Colorectal Cancer. N Engl J Med 383, 2207-2218 (2020).