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Graciloplastie dynamisée, l’arrêt de production des électrodes est-il un alibi suffisant pour laisser tomber ?

La graciloplastie dynamisée fait partie des dernières options dans la prise en charge thérapeutique de l’incontinence anale. Elle arrive après l’échec des traitements conservateurs (adaptation diététique, traitements ralentisseurs du transit, lavements, irrigation trans-anale, et rééducation anopérinéale), des procédures chirurgicales pour corriger/compenser les défects sphinctériens limités (sphinctérorraphie, neuromodulation des racines sacrées) et/ou les troubles de la statique pelvienne (rectopexie ventrale avec prothèse). Elle peut aussi être proposée très rapidement en cas de défect sphinctérien majeur. Lorsque la graciloplastie dynamisée est proposée, comme le sphincter artificiel, c’est la dernière option avant la stomie de dérivation [1].

Initialement décrite pour traiter les enfants avec troubles neurologiques graves, la graciloplastie n’a pas été d’emblée dynamisée [2]. Mais le muscle gracilis étant essentiellement composé de fibres fatigables, à la différence du muscle sphincter de l’anus, sa stimulation électrique a été proposée [3] pour le rapprocher de celui-ci. C’est ainsi que la graciloplastie dynamisée avec stimulation électrique permanente pour traiter l’incontinence anale a vu le jour en 1991 [4].

Si le lambeau musculaire gracilis est relativement fréquemment indiqué pour traiter une fistule recto- vaginale/urétrale, large ou en échec des autres traitements, ou encore pour combler une cavité d’amputation abdominopérinéale/pelvectomie, la graciloplastie dynamisée est en revanche pratiquée par très peu de centres spécialisés. En effet, ses indications sont devenues très limitées avec l’essor de la neuromodulation des racines sacrées. La graciloplastie dynamisée est actuellement proposée uniquement aux défects sphinctériens majeurs (après traumatisme périnéal par exemple) pour lesquels une neuromodulation des racines sacrées serait illusoire. De plus, la réalisation d’une graciloplastie dynamisée nécessite une certaine expertise. Les principes de la procédure chirurgicale sont les suivants : le muscle gracilis est prélevé, pédiculisé, et transposé autour de l’anus pour le recouvrir sur 360°. Afin de le dynamiser, 2 électrodes 4350-45 (Medtronic®, Minneapolis, MN, USA) sont insérées, avec l’anode dans la portion distale et la cathode dans la portion proximale du muscle. Le placement le plus adapté est repéré à l’aide de stimulation peropératoire (1 volt, 5 hertz) avec un stimulateur externe. Puis, les électrodes sont connectées au stimulateur (Interstim II 3058, Medtronic®, Minneapolis, MN, USA), à l’aide d’une pièce intermédiaire (depuis que les Interstim II sont sur le marché ; référence 09106, Medtronic®, Minneapolis, MN, USA). Le stimulateur avec la pièce intermédiaire et les électrodes connectées sont placés au niveau de la fosse iliaque homolatérale au prélèvement musculaire [5]. Outre la difficulté technique, cette option thérapeutique ne se démocratise pas à cause des taux de morbidité postopératoire non négligeables (de 35% à 79%), avec les sepsis périnéaux ou du site de prélèvement notamment, mais également à cause de la perte d’efficacité à long terme (55% à 11 ans) [6].

La problématique actuelle de la graciloplastie dynamisée est l’arrêt de la commercialisation des électrodes dédiées (4350-45) par Medtronic, l’électrode de neuromodulation des racines sacrées n’étant pas adaptée. Il n’y a donc plus de matériel dédié pour réaliser cette procédure.
Cette situation interroge sur l’avenir de la graciloplastie dynamisée.

Faut-il définitivement arrêter cette procédure ? Malgré une efficacité chez certains patients très sélectionnés, qui nécessiteraient alors une stomie définitive.

Si cette procédure continue à être indiquée dans d’exceptionnelles situations, des solutions alternatives doivent être trouvées :

Faut-il continuer à dynamiser la graciloplastie ? Comme cela a été proposé récemment par une équipe indienne, chez 17 patients, avec aucune complication majeure et une efficacité de 76% à 3 ans [7].

Ou au contraire dynamiser la graciloplastie à l’aide d’électrodes non labellisées dans cette indication (par exemple,  les électrodes de stimulation gastrique) ?

Bref…

Même si il s’agit d’une niche de patients, ils nécessitent d’être améliorés, et la stomie définitive ne peut pas être l’unique solution. 

REFERENCES

  1. Lee YY (2014) What’s New in the Toolbox for Constipation and Fecal Incontinence? Front Med. 1.
  2. Pickrell KL, Broadbent TR, Masters FW, Metzger JT (1952) Construction of a rectal sphincter and restoration of anal continence by transplanting the gracilis muscle: a report of four cases in children. Ann Surg. 135:853-862.
  3. Konsten J, Baeten CG, Havenith MG, Soeters PB (1993) Morphology of dynamic graciloplasty compared with the anal sphincter. Dis Colon Rectum. 36:559-563.
  4. Baeten CGMI, Konsten J, Soeters PB, et al (1991) Dynamic graciloplasty for treatment of faecal incontinence. The Lancet. 338:1163-1165.
  5. Sans A, Mege D, Sielezneff I (2017) One-stage dynamic graciloplasty for anal incontinence. J Visc Surg. 154:437-448
  6. Mege D, Omouri  A, Maignan  A, Sielezneff I (2021) Long-term results of dynamic graciloplasty for severe fecal incontinence. Tech Coloproctol ;25:531-537.
  7. Gohil AJ, Gupta AK, Jesudason MR, Nayak S (2019) Graciloplasty for Anal Incontinence-Is Electrical Stimulation Necessary? Ann Plast Surg. 82:671-678.