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Traitement des douleurs pelvi-périnéales chroniques

La prise en charge des douleurs pelvipérinéales est holistique et personnalisée. 

Introduction

La validation de la plainte du patient est un préalable indispensable. Elle passe par une écoute active et est essentielle pour lier la relation de confiance avec le patient. Il peut être intéressant de « mettre un nom » sur la pathologie présentée ou au moins définir un cadre nosologique. Même si les termes employés ne sont pas scientifiques, cela permet au patient de mettre une image sur sa maladie. 

Ensuite il convient de définir ensemble des objectifs thérapeutiques concrets (rester assis 2h pour déjeuner au restaurant, assister au match de basket d’un de ses enfants…) afin que le patient comprenne petit à petit qu’il est l’acteur principal du traitement, les professionnels étant des accompagnants. 

On peut garder en tête qu’une douleur semblant disproportionnée par rapport à la lésion (existante ou ayant disparu) invite à se poser la question d’une hypersensibilisation (et d’utiliser le score de convergence PP). 

Le mécanisme de la douleur chronique

Une explication physiologique peut être proposée au patient (le livre Explain pain étant particulièrement bien fait). Le corps informe le cerveau quand il est en danger, non pas quand il est douloureux. Le cerveau est le chef, il n’est pas obligé d’écouter les messages de danger qui proviennent du corps et pourraient contribuer à la douleur. Il répond à ce message en fonction de l’histoire personnelle, des croyances, du contexte (si vous vous cognez l’orteil alors que vous traversez en courant une autoroute très fréquentée, il y a peu de chance que cela fasse mal, en revanche, si vous vous cognez l’orteil sur un coin de mur en vous levant la nuit, cela risque fort de vous faire mal). Dans les douleurs persistantes, quand le nerf messager de danger et les noeuds d’allumage de la douleur sont sensibilisés, n’importe quelle menace même minime peut entretenir la douleur. 

L’hypersensibilisation peut être comparée à un détecteur lumineux de présence devant la porte de sa maison qui reste allumé toute la nuit non pas parce qu’il y a des cambrioleurs mais à cause du vent et des mouvements des arbres ; il n’y a pas de danger, c’est la sensibilité du détecteur qui est trop élevée. Les images parlent énormément aux patients. 

Le traitement

  • Tout d’abord, des moyens simples peuvent être mis en place :  utilisation d’une bouée, application locale de chaleur ou de froid, aménagement des activités…  
  • L’hypertonie sympathique, réaction au stress chronique que nous vivons au XXIème siècle, est une des causes des douleurs chroniques. Il convient d’activer le nerf vague pour équilibrer la balance sympatho-vagale. Il existe des moyens très simples : se balancer, chanter, faire des gargarismes, mais aussi la respiration profonde (la cohérence cardiaque : des applications sont disponible sur smartphone), la technique EFT (technique de libération émotionnelle), la méditation. Il convient de pratiquer 10 à 20 minutes par jour. Il existe aussi la stimulation transcutanée. 

La stimulation vagale transcutanée est indiquée pour la dépression et l’épilepsie rebelle. Néanmoins son domaine d’application s’étend à la douleur chronique (action anti-inflammatoire, action sur la capacité d’apprentissage, phénomène de démémorisation…) même si son indication n’est pas encore formellement validée dans les douleurs chroniques. Il est certain que le nerf vague est encore trop méconnu !

Sa facilité d’utilisation et sa faible innocuité invitent à la proposer facilement. En France, elle peut être prescrite par les gastro-entérologues, les électrodes étant cependant à la charge du patient (entre 20 et 80 euros). Modalités empiriques du TENS : électrodes positionnées en rétromalléolaire tibiale (Figure 1) ou lombaires (en face de L1 L2) (Figure 2), 20 à 30 minutes par jour à basse fréquence (de 2 à 25 Hz). On dit habituellement que le patient peut ressentir des paresthésies mais que cela ne doit pas être douloureux. 
La seule contre-indication est le syndrome d’apnée du sommeil. 

Figure 1 : Positionnement des électrodes du TENS en rétromalléolaire tibiale
Figure 2 : positionnement des électrodes du TENS en regard de L1 et L2

Il faut insister sur l’importance de l’activité physique progressive en rassurant le patient sur ses bienfaits (tant physiques que mentaux et émotionnels) : trouver une activité douce appréciée par le patient, qui soit progressive en encourageant le patient à aller dans sa zone « orange » (ni trop dur ni trop facile). On peut proposer au patient de réaliser des étirements quotidiens, du yoga, du pilate. 

  • Pour les syndromes myofasciaux (conséquence et/ou cause des douleurs), le traitement est la kinésithérapie douce, pilier de la prise en charge. Il convient de la prescrire à la moindre suspicion. 
    Le syndrome de Maigne se traite en première intention par des séances d’ostéopathie, celles-ci pouvant être suffisantes. 
    En cas d’échec, la posturologie peut être proposée. 
  • De nombreuses études actuelles mettent en évidence le lien entre gluten et douleurs chroniques (pour l’endométriose, la fribromyalgie, les rhumatismes…) ; l’éviction du gluten permettant d’améliorer le microbiote intestinal, la perméabilité digestive et donc de diminuer nla micro inflammation entraînant des douleurs. 
    Je pense que nous pouvons facilement étendre cette éviction à toutes les douleurs chroniques et donc proposer à nos patients une éviction du gluten, mais aussi des sucres raffinés en privilégiant les graisses et les protéines pendant 6 à 12 mois. L’aide d’une nutritionniste peut être précieuse pour initier ces changements. 
  • Par ailleurs, dans une étude américaine 50 % des femmes ayant une douleur pelvienne chronique souffraient d’anxiété modérée à sévère et 25% présentaient une dépression modérée à sévère, avec une forte corrélation à un catastrophisme (réponse cognitive et émotionnelle inadaptée avec ruminations, amplification des symptômes, impuissance et pessimisme).  Il est davantage probable que les troubles de l’humeur soient une conséquence de la douleur (plus qu’une cause), certaines aires cérébrales étant activées à la fois par la douleur et par les émotions. 

Il convient de proposer simplement au patient un accompagnement psychologique, en favorisant les TCC (thérapie cognitives et comportementales) mais aussi l’EMDR (Eye Movement Desensitizationand Reprocessing) pour les états de stress post traumatiques (un viol, un accouchement, un deuil, un licenciement…), qu’il convient de traiter impérativement, le reste de la prise en charge risquerait fortement d’être inutile…

L’EMDR sera d’autant acceptée par le patient que vous l’expliquez : le praticien propose au patient de penser au moment du traumatisme en laissant monter ses émotions. Puis, il lui demande de suivre du regard son doigt qu’il déplace devant lui de gauche à droite pendant une dizaine de secondes. Le patient exprime alors au thérapeute ses émotions et ses sensations. Ce processus est reproduit plusieurs fois pendant la séance. L’intensité de l’émotion provoquée par le souvenir du traumatisme va peu à peu diminuer, jusqu’à disparaître. 1 à 5 séances peuvent être suffisantes pour traiter un état de stress post-traumatique mais aussi une anxiété, un trouble du comportement alimentaire…

Il convient d’encourager le patient à être… patient et le rassurer sur les effets attendus.

  • Enfin le traitement chimique peut être proposé avec une efficacité modérée : un antidépresseur tricyclique (Amitriptyline Laroxyl) ou un inhibiteur de recapture de la sérotonine (duloxetine Cymbalta), ou la Gabapentine (la seule contre indication pour cette molécule étant l’allaitement ). Il est recommandé de commencer à faible dose et d’augmenter par palier toutes les 2 à 4 semaines jusqu’à la dose efficace tolérée. Ce traitement peut être particulièrement utile en cas de syndrome d’hypersensibilisation pour « éteindre l’incendie » afin de se concentrer secondairement sur la cause de l’incendie. 
  • Enfin, la chirurgie est validée pour les névralgies pudendales répondant aux 5 critères cliniques de Nantes et résistantes au traitement médical. Par un abord transfessier, la pince ligamentaire du ligament sacro-épineux est sectionnée, le canal d’Alcock est incisé et le nerf pudendal est libéré (neuroloyse). 

Références :

  1. Livre Expliquer la douleur, David Butler & Lorimer Moseley
  2. https://www.stgeorges.nhs.uk/wp-content/uploads/2020/09/Pain-Science-Workbooks-French-1.pdf.bkl3sfa-1.pdf
  3. Clin Obstet Gynecol. 2019 March ; 62(1): 22–36. doi:10.1097/GRF.0000000000000412.
  4. Manuel d’EFT de Gary Craig
  5. Bryant C, Cockburn R, Plante A-F, Chia A. The psychological profile of women presenting to a multidisciplinary clinic for chronic pelvic pain: high levels of psychological dysfunction and implications for practice. J Pain Res. 2016;9:1049–1056. [PubMed: 27895510]
  6. Baldi S, Pagliai G, Dinu M, Di Gloria L, Nannini G, Curini L, Pallecchi M, Russo E, Niccolai E, Danza G, Benedettelli S, Ballerini G, Colombini B, Bartolucci G, Ramazzotti M, Sofi F, Amedei A. Effect of ancient Khorasan wheat on gut microbiota, inflammation, and short-chain fatty acid production in patients with fibromyalgia. World J Gastroenterol. 2022 May 14;28(18):1965-1980. doi: 10.3748/wjg.v28.i18.1965. PMID: 35664958; PMCID: PMC9150053.
  7. Marziali M, Venza M, Lazzaro S, Lazzaro A, Micossi C, Stolfi VM. Gluten-free diet: a new strategy for management of painful endometriosis related symptoms? Minerva Chir. 2012 Dec;67(6):499-504. PMID: 23334113.
  8. Ploteau S, Robert R, Bruyninx L, Rigaud J, Jottard K. A new endoscopic minimal invasive approach for pudendal nerve and inferior cluneal nerve neurolysis: An anatomical study. Neurourol Urodyn. 2018 Mar;37(3):971-977. doi: 10.1002/nau.23435. Epub 2017 Oct 26. PMID: 29072775.

Ce dossier a été coordonné par les Dr Amélie SENEAU-LEVESQUE et Dr François PIGOT pour La Revue et Convergences PP.