Cas clinique :
En 2007, un gastroentérologue pose le diagnostic de maladie de Crohn pancolique sévère chez madame B, 28 ans. Un traitement par corticoïdes est introduit rapidement mais, devant l’absence de rémission clinique, il est remplacé par de l’infliximab 5mg/kg. Un an plus tard, la maladie de Crohn est en rémission clinique et biologique mais l’apparition d’effets secondaires (paresthésies, polyarthralgies) motive l’arrêt du traitement par anti-TNFa. Un traitement par azathioprine est donc instauré en 2009 mais arrêté en 2010 en l’absence de contrôle de la maladie. Finalement, en février 2010, un traitement par adalimumab est débuté à raison de 40mg/14 jours, puis à 40mg/7 jours en décembre 2011 en raison du contrôle insuffisant de la maladie.
Désormais en rémission clinique de sa maladie luminale, la patiente se plaint d’une « boule » anale apparue en octobre 2010 (photo 1). Un traitement par AINS per os s’est avéré inefficace en novembre 2011. Elle nous est adressée en avril 2013 pour la persistance de cette « boule », devenue douloureuse et récemment associée à une dermite péri-anale gênante. A noter que la patiente a également des lésions du cuir chevelu et de la peau des membres supérieurs. Les prélèvements à visée infectieuse n’ont rien montré de notable et les biopsies cutanées ont conclu à des lésions « eczématiformes » non spécifiques. Enfin, une corticothérapie per os (60 mg pendant 15 jours puis décroissance) s’est avérée inefficace sur la dermite ainsi que sur la « boule ».
Quel est le diagnostic à évoquer devant cette « boule » ?
A- Thrombose hémorroïdaire externe
B- Pseudo marisque inflammatoire de maladie de Crohn active
C- Abcès de la marge anale
D- Volumineuse marisque latérale
Réponse correcte : B
Quel est le diagnostic à évoquer devant cette dermite ?
A- Candidose ou dermatophytose
B- Syphilis
C- Maladie de Crohn cutanée « métastatique »
D- Eruption psoriasiforme induite par l’anti-TNF
Réponse correcte : D
En juin 2013, le traitement par adalimumab est arrêté pour inefficacité étant donné l’apparition de la pseudo marisque inflammatoire et la persistance de l’inflammation digestive sous traitement. Un traitement par méthotrexate à raison de 25 mg/semaine est institué. Nous observons une régression complète de la dermite cutanée périanale quelques mois après l’instauration du traitement (photo 2).
Etant donné le contexte clinique (traitement en cours par anti TNF), l’aspect classique de la dermite (aspect inflammatoire et érosif, non épaissi), la présence concomitante de lésions psoriasiques apparues sur le reste du corps et la réponse aux corticoïdes, cette éruption est étiquée « psoriasis paradoxal inversé induite par l’anti TNF ». La « boule » correspondait à une pseudo-marisque inflammatoire de maladie de Crohn active.
Take home message :
- La prévalence du psoriasis paradoxal inversé induit par les anti TNF chez les patients atteints de maladie inflammatoire chronique de l’intestin est évalué à 5%.
- Le psoriasis paradoxal inversé induit par les anti TNF doit être évoqué devant toute atteinte dermatologique qui apparait lors de l’induction du traitement ou après plusieurs mois de traitement d’entretien.
- Les facteurs de risque du psoriasis paradoxal inversé induit par les anti TNF chez les patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin sont l’âge jeune, le sexe féminin, l’antécédent atopique, l’indice de masse corporelle élevé et le tabagisme actif.
- La réalisation d’une biopsie cutanée n’est habituellement pas nécessaire, d’autant plus que les aspects histologiques peuvent être aspécifiques.
- Le traitement de première intention est celui du psoriasis classique, c’est-à-dire les dermocorticoïdes ou les dérivés topiques de la vitamine D.