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Rencontre avec Yann Redon, Chirurgien Digestif à la Clinique Mutualiste de l’Estuaire, Saint-Nazaire

ED : Bonjour Yann, merci beaucoup de nous accueillir au sein de la Clinique Mutualiste de l’Estuaire (Saint-Nazaire). Au cours de cette interview, tu vas nous dévoiler ton activité ici. Dans un premier temps, peux-tu nous indiquer depuis quand tu y exerces ?  

YR : Je me suis installé à Saint-Nazaire en 2003 et notre équipe a intégré cette structure en septembre 2012. Initialement nous étions dans une petite clinique du centre-ville. Nous avons déménagé ici en nous regroupant avec les médecins de l’hôpital dans un nouveau bâtiment qui s’appelle la Cité Sanitaire. Nous y partageons le bloc opératoire, la salle de réveil et la pharmacie avec le centre hospitalier, en ayant une répartition des activités entre chacune des structures. Côté clinique mutualiste, nous nous occupons de la chirurgie digestive, et donc, de la proctologie.

ED : Qu’est ce qui t’a amené à exercer la colo-proctologie ?

YR : Je me suis orienté vers cette pratique de la proctologie lorsque j’étais chef de clinique au CHU de Rennes. Nous pratiquions surtout la chirurgie hépatique, pancréatique et colorectale bien entendu, mais très peu de proctologie à proprement parler. Ce pan d’activité était pris en charge par la gastro entérologie, et notamment le Pr Laurent Siproudhis qui venait opérer dans le bloc dans lequel nous étions. Lorsque j’ai été amené à faire des remplacements en clinique privée, je me suis rendu compte qu’il me manquait cette expérience de la prise en charge chirurgicale proctologique qui était fréquemment rencontrée en libéral. Cela m’a incité à me former, à faire le DIU de coloproctologie que pilotait Laurent. C’est donc comme ça que je me suis orienté vers cette spécialité, avec initialement, peut-être, le désir de rester au CHU. Puis ensuite, comme je me suis installé et qu’à l’époque beaucoup de patients allaient sur le CHU de Nantes se faire soigner pour ces problèmes, c’était une niche intéressante à développer pour un libéral.

ED : C’est donc une activité que tu as montée quand tu t’es installé ? Ou existait-elle déjà avant ton arrivé ?

YR : Il existait déjà de la proctologie qui était faite par un des gastro-entérologues dans un cabinet libéral. Il faisait essentiellement de l’endoscopie et de la proctologie chirurgicale. Une fois que je suis arrivé, avec lui, nous avons développé cette activité de façon un peu plus importante sur Saint-Nazaire, pour éviter justement la fuite des patients sur Nantes. 

ED : As-tu trouvé compliqué d’initier ta pratique de colo-proctologie en libérale ? 

YR : Non pas spécialement, nous avons un statut de médecin salarié donc nous ne sommes pas intéressés à l’activité. Cela n’a donc pas été compliqué à mettre en œuvre. Nous avons une structure qui est assez à l’écoute. Quand on a besoin de matériel, ils sont prêts à nous le fournir.

ED : Fais-tu exclusivement de la colo-proctologie ? Ou fais-tu d’autres activités chirurgicales parallèlement ? 

YR : J’ai aussi une activité de chirurgie générale avec des cures de hernie, des cholécystectomies. Mais nous avons, chacun au sein de l’équipe, une spécificité et la mienne c’est la coloproctologie. Nous avons aussi une activité de cancérologie, avec de mon côté essentiellement la chirurgie des cancers colorectaux. Et il y a la statique pelvienne que nous partageons avec les gynécologues de la structure et les urologues qui sont à côté. On a monté récemment une RCP de statique pelvienne pour valider nos pratiques et faire en sorte qu’elles soient plus encadrées.

ED : Partages-tu la colo-proctologie avec d’autres de tes collègues chirurgiens ou gastroentérologues ? 

YR : Oui. Cinq gastroentérologues de l’établissement travaillent avec nous, et quatre font de la proctologie médicale. Dès qu’ils ont un patient potentiellement chirurgical, ils me l’adressent ainsi qu’à un autre de mes confrères qui fait aussi de la proctologie chirurgicale, qui est le Dr Jurzac. 

ED : Avez-vous une activité de recours ?

YR : Peu. Parce que le CHU de Nantes, qui est quand même un gros centre et avec lequel nous avons des contacts tout à fait cordiaux, s’occupe de cette activité de recours. Notamment pour ce qui est de la prise en charge de l’incontinence anale, ils sont quand même beaucoup plus à la pointe que nous. Nous leur confions aussi des malades dans le cadre de fistules anales complexes et des lésions anales de la maladie de Crohn. 

ED : En ce qui concerne vos infirmières, comment les avez-vous formées ?

YR : Avec le temps, petit à petit on essaye d’avoir des équipes dédiées au bloc opératoire, avec des aides qui soient au fait des techniques qu’on utilise. Ce qui n’est pas toujours facile parce que plus les blocs sont grands. De plus, l’établissement développe une politique de polyvalence des infirmières, et plus il faut de la polyvalence et moins on accède à cette demande de connaissance spécifique d’une spécialité. Mais nous avons tout de même réussi à avoir un noyau d’infirmières qui sont les plus à même de nous aider dans ces techniques-là.

ED : Comment s’organise ton activité de colo-proctologie au quotidien ? Fais-tu des actes au bloc opératoire et aussi en consultation, et quelle est la part d’ambulatoire ? 

YR : Avant le COVID, chaque chirurgien avait deux journées opératoires de 10h. Sur ces journées, en général, les actes de proctologie sont effectués le matin parce que toute l’activité proctologique est faite en ambulatoire. Cela permet au patient de sortir dans la journée. J’ai aussi une activité de consultation en proctologie au cours desquelles je fais des actes sous anesthésie locale. C’est le cas notamment de la sclérose infrarouge sur des pathologies hémorroïdaires, de la destruction de condylomes sous locale. Ces geste sont effectués dans des salles dédiées localisées sur le plateau de consultation. 

ED : Avez-vous du personnel infirmier qui vous aide en consultation ?

YR : Oui, nous avons la chance d’avoir des infirmières dites « de pansements » qui sont là pour nous aider lors de la réalisation de ces gestes, notamment des destructions de condylomes. Elles accompagnent le patient, elles nous aident dans l’exposition du champ opératoire. Cela nous facilite grandement cette pratique.

ED : Et si tu devais conseiller quelqu’un qui veut débuter une activité de colo-proctologie dans une structure privée, penses-tu que ce soit faisable sans l’aide d’une infirmière ? Ou est-ce pour toi indispensable d’avoir une infirmière en consultation ?

YR : C’est mieux d’être aidé par une infirmière, bien entendu. On doit pouvoir y arriver tout seul. Mais rien que pour l’ambiance, le confort à la fois des malades et des praticiens, ça me paraît quand même plus simple d’avoir une aide. Même si ce n’est pas forcément une infirmière. Quand nous étions à la clinique, c’était une aide-soignante qui exerçait cette fonction.

ED : Revenons à la chirurgie ambulatoire en proctologie, comment l’as-tu organisée ?

YR : Je me suis servi de tout le travail fait par la SNFCP, avec le guide de l’opéré de l’anus, avec la mise à disposition d’ordonnances postopératoires que je remets au patient dès le préopératoire, et globalement ça marche bien.

ED : Comment mets-tu à jour tes connaissances en colo-proctologie ?

YR : Alors, je participe au congrès de la SNFCP et aussi de l’ESCP (European Society of ColoProctology). Et je lis les revues ad-hoc. Même si je ne suis pas un grand lecteur, je m’astreins à lire Côlon & Rectum à chaque numéro, et bientôt la revue en ligne.

ED : Participes-tu aussi à la formation des plus jeunes ?

YR : Nous avons la chance d’avoir deux internes dans le service. Donc je les forme, mais je ne suis pas moi-même tuteur dans le cadre du DIU de proctologie. Mais je serais à même d’en accueillir, si toutefois c’était nécessaire. 

ED : Les internes que tu formes sont-ils internes de chirurgie ou de gastroentérologie ? 

YR : Il s’agit d’internes de chirurgie exclusivement, d’ailleurs ils ne sont pas tous des internes en chirurgie digestive. Certains font un autre cursus, mais comme on a une activité assez variée, on reçoit beaucoup d’internes de chirurgie digestive.

ED : Quand tu as besoin d’une aide pour des dossiers difficiles sur lesquels tu voudrais échanger, les discutes-tu au sein d’un réseau ? 

YR : Il n’y a pas vraiment de réseau constitué. On a constitué des groupes What’s App et grâce à ces groupes-là on peut partager des avis. J’ai gardé des contacts sur Rennes avec Laurent, et sur Nantes avec vous et Guillaume (Meurette). C’est comme ça que je demande de l’aide, quand j’ai besoin. 

ED : Participes-tu à des activités de recherche en colo-proctologie ?

YR : Oui, j’ai participé à l’essai de Paul-Antoine Lehur (LIGALONGO). Depuis, nous sommes aussi centre inclueur dans Right-Colocalcif qui est une étude proposée par nos confrères de La Roche sur Yon sur le risque de fistule anastomotique dans la chirurgie du côlon droit. Nous participerons prochainement à une étude visant à comparer les résultats de la ligature Doppler, à la radiofréquence hémorroïdaire proposée par Farouk Drissi et nos confrères de la Roche-sur-Yon, également. Enfin, nous avons été contactés par Aurélien Vénara d’Angers pour savoir si nous pouvons inclure des patients dans un projet qui évalue la rééducation périnéale avant cure du prolapsus.

ED : Connais-tu le GREP ?

YR : Oui. C’est l’association pilotée par Laurent Abramowitz. Pour le GREP, je rentre les patients dans Anabase et d’autres registres de ce type. Donc j’essaye d’inclure au mieux ces activités de recherche dans ma pratique.

ED : Au quotidien, que t’apporte la SNFCP ?

YR : La SNFCP et le GREP m’apportent tout d’abord, un tas de documents que je peux fournir aux patients avant de les opérer. Je pense que les fiches d’information destinées aux patients sont très bien faites. Nous avons d’ailleurs mis sur le site de l’établissement un lien qui permet aux malades d’atterrir directement sur le site de la SNFCP pour obtenir cette information. Et puis la SNFCP me permet de me tenir au courant des évolutions de la spécialité, c’est ce que j’attends d’une société savante.

ED : Et si tu devais définir la SNFCP en quatre mots, quels seraient-ils ?

YR : Alors je qualifie cette société de dynamique, moderne, stimulante et conviviale.

ED : Ce sera donc le mot de la fin. Merci beaucoup Yann !