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Rectopexie ventrale laparoscopique : prothèse synthétique ou biologique ?

Points clés

  • La rectopexie ventrale laparoscopique prothétique est la technique de référence de prise en charge des troubles de la statique pelvienne postérieure.
  • Le taux de récidive postopératoire semble identique après mise en place d’une prothèse synthétique ou biologique.
  • L’utilisation d’une prothèse biologique pourrait diminuer le risque de complications liées à la prothèse (infection, érosion).
  • La littérature médicale actuelle ne permet pas de recommander de manière formelle l’utilisation d’une prothèse synthétique ou biologique puisque les études sont de faible niveau de preuve.

La rectopexie avec pose de prothèse

La rectopexie ventrale laparoscopique est actuellement le traitement de référence des troubles de la statique pelvienne postérieure (prolapsus extériorisé du rectum et rectocèle). Initialement décrite par d’Hoore, cette technique maintenant bien standardisée implique une dissection de la cloison recto-vaginale par voie abdominale en prenant soin de respecter les faces latérales du rectum afin d’éviter toute lésion nerveuse pouvant entraîner une constipation de novo [1]. Un renfort prothétique est ensuite mis en place dans cet espace.

Les résultats sont bons

Les résultats fonctionnels de cette procédure sont relativement satisfaisants puisque l’on estime qu’environ 70-80% des patients rapportent une amélioration de leurs symptômes même à long terme [2, 3]. Le taux de récidive post-opératoire rapporté dans la littérature varie entre 0 et 14% notamment en fonction de la définition de la récidive et de la durée de suivi des patients [2, 4–7]. La survenue de complications postopératoires dans le traitement de pathologies fonctionnelles reste cependant un vrai problème.

Un risque de complication dû à la prothèse

La complication sévère la plus fréquente induite par la rectopexie est secondaire à la présence du matériel prothétique (infection, érosion rectale/vaginale, douleurs) et décrite chez environ 2 à 3% des patients [8]. La mise en place d’implants biologiques résorbables a donc été développée en vue de limiter cette morbidité spécifique. Cette préoccupation a également mené les systèmes de santé à strictement encadrer la mise en place de matériel prothétique dans la chirurgie des prolapsus pelviens. Déjà en 2011 aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration avait tiré la sonnette d’alarme concernant la survenue de complications graves après utilisation de prothèses pelviennes par voie vaginale [9]. En 2021 en France, la Haute Autorité de Santé a imposé que les dossiers soient désormais validés par une équipe multidisciplinaire de pelvipérinéologie et la chirurgie réalisée par un opérateur entraîné [10]. La survenue de complications liées à la prothèse doit également être rapportée dans un registre dédié.

Une prothèse biologique diminuerait-elle les complications ?

Actuellement, il n’existe pas de consensus clair par rapport au type de prothèse devant être employé dans la rectopexie ventrale. En 2013, un panel d’experts internationaux avait émis un avis en faveur de l’utilisation des prothèses biologiques chez les patients jeunes, les femmes en âge de procréer et les situations à risque infectieux (diabète, tabagisme actif, irradiation pelvienne, maladie inflammatoire chronique de l’intestin, effraction rectale ou vaginale peropératoire) [11]. Si l’utilisation de prothèses synthétiques en polyester est maintenant déconseillée en raison d’un risque d’érosion accru en comparaison avec les autres matériaux synthétiques, la littérature actuelle ne permet pas de recommander formellement l’utilisation d’une prothèse synthétique ou biologique [12].

Qu’en dit la littérature ?

Deux revues systématiques et une méta-analyse ont regroupé les résultats des différentes études rapportant l’utilisation de prothèses synthétiques ou biologiques :

  • Smart et al. ont compilé les résultats de 13 études avec un total de 866 patients [13]. 767 patients avaient bénéficié de la mise en place d’une prothèse synthétique (polypropylène, polyester ou Goretex) et 99 patients recevaient une prothèse biologique porcine (Permacol). Après un suivi moyen de 12 mois, le taux de récidive était comparable dans les deux groupes (3,7 vs 4% respectivement). Cinq (0,7%) patients opérés avec une prothèse synthétique ont présenté une complication liée à la prothèse (érosion de l’intestin grêle, rectale ou vaginale, rejet de prothèse, dyspareunie). Quatre de ces 5 patients ont nécessité une reprise chirurgicale pour explantation. Aucun patient opéré avec une bioprothèse n’a présenté de telle complication. Les auteurs concluaient à l’absence de différence significative entre les deux types de matériel prothétique.
  • Balla et al. ont rapporté les résultats de 8 études rapportant des érosions prothétiques  après mise en place d’une prothèse synthétique ou biologique [8]. Parmi les 3956 patients, 439 (11%) ont bénéficié de la mise en place d’une prothèse biologique. Le taux d’érosion prothétique était significativement plus important chez les patients opérés avec une prothèse synthétique (1,87 vs 0,22% ; p=0,012). Les érosions étaient localisées au niveau rectal (0,73%), vaginal (0,9%) ou rectovaginal (0,22%) chez les patients recevant une prothèse synthétique. Une érosion périnéale a été rapportée après mise en place d’un renfort biologique. Le délai d’apparition de cette complication variait entre 1,7 et 124 mois. L’ensemble des patients présentant une érosion ont pu être traités chirurgicalement par voie trans-anale, trans-vaginale ou laparoscopique.
  • Plus récemment, van der Schans et al. ont retrouvé des taux respectifs de complications liées à la prothèse compris entre 0-2,4% et 0-0,7% après mise en place d’une prothèse synthétique ou biologique [14]. Le risque de récidive semblait comparable, de l’ordre de 6,1% et 5,8% respectivement dans les groupes synthétique et biologique.

Comment analyser ces résultats ?

Les études regroupées dans ces revues systématiques étaient malheureusement de faible niveau de preuve et l’on peut déplorer l’absence d’essais contrôlés randomisés. La mise en évidence d’une différence liée à la prothèse devrait être évaluée avec une technique (type et moyen de fixation de la prothèse, prothèse unique dans chaque groupe) et un suivi standardisés. Bien qu’il semble exister un léger avantage à la mise en place de prothèses biologiques en termes de complications locales, leur utilisation ne peut pas être formellement recommandée. Cependant, la gestion d’une complication liée à la prothèse est souvent plus aisée lorsqu’un matériel prothétique résorbable a été mis en place autorisant volontiers une prise en charge conservatrice. L’ablation d’une prothèse non résorbable infectée s’avère difficile avec parfois la nécessité de pratiquer une chirurgie agressive pouvant impliquer une résection rectale et/ou la confection de stomies puisque la gestion optimale du sepsis pelvien ne sera généralement permise qu’après une explantation prothétique radicale. En outre, la prise en charge ultérieure d’une pathologie colorectale (cancer du rectum, diverticulite…) se voudra plus facile en l’absence de prothèse sur le site opératoire.

Un surcoût…

Il n’existe pas à l’heure actuelle d’évaluation médico-économique des prothèses biologiques dans la rectopexie ventrale. Il existe certes un surcoût lié au matériel puisque la prothèse synthétique couramment utilisée coûte entre 150 et 300 euros alors que les bioprothèses sont plutôt chiffrées à 700 euros. Ce surcout saurait être justifié par une potentielle diminution des complications graves et leurs conséquences économiques directes et indirectes.

Conclusion pratique :

L’utilisation d’un matériel synthétique ou biologique est donc aujourd’hui laissée à l’appréciation de l’opérateur. Le risque de complications liées aux prothèses doit être clairement exposé aux patients lors de la consultation préopératoire. A l’avenir, l’utilisation des prothèses biologiques pourrait être de plus en plus répandue bien que leur bénéfice réel reste à prouver. Pour aller plus loin, la question de pratiquer une rectopexie non prothétique mérite d’être posée puisqu’une méta-analyse récente n’a pas permis de mettre en évidence de différence de récidive statistiquement significative après compilation de l’ensemble des études [15].

Références

  1. D’Hoore A, Cadoni R, Penninckx F (2004) Long-term outcome of laparoscopic ventral rectopexy for total rectal prolapse. Br J Surg 91:1500–1505. https://doi.org/10.1002/bjs.4779
  2. Emile SH, Elfeki H, Shalaby M, et al (2019) Outcome of laparoscopic ventral mesh rectopexy for full-thickness external rectal prolapse: a systematic review, meta-analysis, and meta-regression analysis of the predictors for recurrence. Surg Endosc 33:2444–2455. https://doi.org/10.1007/s00464-019-06803-0
  3. Singh S, Ratnatunga K, Bolckmans R, et al (2020) Patients’ Perception of Long-term Outcome after Laparoscopic Ventral Mesh Rectopexy; Single Tertiary Center Experience. Ann Surg. https://doi.org/10.1097/SLA.0000000000004559
  4. Mäkelä-Kaikkonen J, Rautio T, Klintrup K, et al (2014) Robotic-assisted and laparoscopic ventral rectopexy in the treatment of rectal prolapse: a matched-pairs study of operative details and complications. Tech Coloproctol 18:151–155. https://doi.org/10.1007/s10151-013-1042-7
  5. Albayati S, Chen P, Morgan MJ, Toh JWT (2019) Robotic vs. laparoscopic ventral mesh rectopexy for external rectal prolapse and rectal intussusception: a systematic review. Tech Coloproctol 23:529–535. https://doi.org/10.1007/s10151-019-02014-w
  6. van Iersel JJ, Paulides TJC, Verheijen PM, et al (2016) Current status of laparoscopic and robotic ventral mesh rectopexy for external and internal rectal prolapse. WJG 22:4977. https://doi.org/10.3748/wjg.v22.i21.4977
  7. Postillon A, Perrenot C, Germain A, et al (2020) Long-term outcomes of robotic ventral mesh rectopexy for external rectal prolapse. Surg Endosc 34:930–939. https://doi.org/10.1007/s00464-019-06851-6
  8. Balla A, Quaresima S, Smolarek S, et al (2017) Synthetic Versus Biological Mesh-Related Erosion After Laparoscopic Ventral Mesh Rectopexy: A Systematic Review. Ann Coloproctol 33:46–51. https://doi.org/10.3393/ac.2017.33.2.46
  9. Murphy M, Holzberg A, van Raalte H, et al (2012) Time to rethink: an evidence-based response from pelvic surgeons to the FDA Safety Communication: “UPDATE on Serious Complications Associated with Transvaginal Placement of Surgical Mesh for Pelvic Organ Prolapse.” Int Urogynecol J 23:5–9. https://doi.org/10.1007/s00192-011-1581-2
  10. Arrêté du 22 septembre 2021 encadrant la pratique des actes associés à la pose d’implants de suspension destinés au traitement du prolapsus des organes pelviens chez la femme par voie chirurgicale haute en application des dispositions de l’article L. 1151-1 du code de santé publique – Légifrance. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044087701.
  11. Mercer-Jones MA, D’Hoore A, Dixon AR, et al (2014) Consensus on ventral rectopexy: report of a panel of experts. Colorectal Dis 16:82–88. https://doi.org/10.1111/codi.12415
  12. Evans C, Stevenson ARL, Sileri P, et al (2015) A Multicenter Collaboration to Assess the Safety of Laparoscopic Ventral Rectopexy. Dis Colon Rectum 58:799–807. https://doi.org/10.1097/DCR.0000000000000402
  13. Smart NJ, Pathak S, Boorman P, Daniels IR (2013) Synthetic or biological mesh use in laparoscopic ventral mesh rectopexy – a systematic review. Colorectal Dis 15:650–654. https://doi.org/10.1111/codi.12219
  14. van der Schans EM, Boom MA, El Moumni M, et al (2022) Mesh-related complications and recurrence after ventral mesh rectopexy with synthetic versus biologic mesh: a systematic review and meta-analysis. Tech Coloproctol 26:85–98. https://doi.org/10.1007/s10151-021-02534-4
  15. Lobb HS, Kearsey CC, Ahmed S, Rajaganeshan R (2021) Suture rectopexy versus ventral mesh rectopexy for complete full-thickness rectal prolapse and intussusception: systematic review and meta-analysis. BJS Open 5:zraa037. https://doi.org/10.1093/bjsopen/zraa037