Par le Dr I. Etienney et le Pr L. Abramowitz
La SNFCP a proposé en novembre 2022 des recommandations pour la pratique clinique, de dépistage et de prise en charge des lésions anales intra épithéliales de haut grade (HSIL), chez les hommes de plus de 30 ans vivant avec le VIH ayant des relations sexuelles avec des hommes (PVVIH-HSH), chez les femmes transplantées d’organe solide de plus de 10 ans et les femmes avec un antécédent de lésions cancéreuses ou pré-cancéreuses de la vulve (1).
Le dernier rapport de prise en charge des PVVIH (rapport Delobel) a validé ces indications de dépistage anal par HPV-16 dans ces trois populations à très haut risque et proposé d’ajouter les femmes vivant avec le VIH (FVVIH) avec antécédent de lésion cervicale intra-épithéliale de haut grade ou de lésions cancéreuses du col (CIN2+) (2).
Les trois populations cibles, choisies par la SNFCP, pour la mise en place du dépistage, ont une incidence du cancer de l’anus > 40/100 000 PA, notamment de par leur surexposition à HPV au niveau anal, et/ou de la diminution de la clairance virale HPV de par l’immunodépression.
Considérant la méta-analyse de Clifford et al, si un seuil de dépistage plus bas avait été choisi, 25 ou 30/100 000 PA par exemple, d’autres populations (hommes et femmes vivant avec le VIH âgés de plus de 45 ans) auraient pu se voir proposer ce dépistage (3). Dans cette méta-analyse, la prévalence du cancer anal chez les FVVIH CIN2+ n’est pas individualisée et des données précises manquent dans cette population.
Néanmoins, une étude française chez les FVVIH, a permis de mettre en évidence un portage d’HPV-HR au niveau anal presque deux fois plus fréquent qu’au niveau du col (48 % versus 26 %), avec notamment la présence d’HPV-16 au niveau anal dans 13 % des cas contre 5 % au niveau du col (4) (versus 27% d’HPV-16 chez les PVVIH-HSH en France (5)). Dans cette étude, un taux de CD4<350 et la présence d’une lésion cervicale représentaient les deux principaux facteurs de risque de portage d’HPV-HR au niveau anal (4).
D’autres arguments plaident aussi pour étendre le dépistage à cette population de FVVIH :
- Les femmes qu’elles vivent ou non avec le VIH représentent la majorité des cancers de l’anus.
- Le risque de cancer anal est majoré dans la population CIN 2 +.
- L’extension du dépistage à cette fraction des FVVIH ne représente pas une population très importante.
- Le frottis anal peut être pratiqué lors de la consultation gynécologique avec de bonnes performances en termes de sensibilité et spécificité pour la détection des lésions anales précancéreuses chez les FVVIH (4).
Cependant, le manque de données concernant le risque de cancer anal en cas de portage HPV-16 chez ces FVVIH fait courir un risque de dépistage excessif qu’il faudra évaluer dans la vraie vie. Ce point renforce également l’intérêt de travailler sur d’autre outils de triage plus spécifiques du risque de cancer dans ces populations à moindre risque que les 3 populations ciblés par les recommandations de la SNFCP.
Il a également été souligné dans le rapport que le non remboursement de la recherche anale d’HPV-16 et la diffusion trop modeste de l’anuscopie de haute résolution sont des obstacles à la généralisation de cette stratégie de dépistage et un défi à relever pour nous tous.
Sources et références
- Spindler L, Etienney I, Abramowitz L, de Parades V, Pigot F, Siproudhis L, et al. Screening for precancerous anal lesions linked to human papillomaviruses: French recommendations for clinical practice. Tech Coloproctol. 2024;28(1):23.
- https://anrs.fr/wp-content/uploads/2024/06/vih-cancer-recommandation-rapport-dexperts–20240521.pdf.
- Clifford GM, Georges D, Shiels MS, Engels E, Albuquerque A, Poyten I, et al. A meta-analysis of anal cancer incidence by risk group: Toward a unified anal cancer risk scale. Int J cancer 2021;148:38-47.
- Heard I, Poizot-Martin I, Potard V, Etienney I, Crenn-Hebert C, Moore C, et al. Prevalence of and risk factors for anal oncogenic human papillomavirus infection among HIV-infected women in France in the combination antiretroviral therapy era. J Infect Dis 2016;213(9):1455-61.
- Combes JD, Heard I, Poizot-Martin I, Canestri A, Lion A, Piroth L, et al. Prevalence and risk factors for anal human papillomavirus infection in HIV-positive men having sex with men. J Infect Dis 2018;217:1535-43.