Définition et épidémiologie
La pseudo obstruction intestinale chronique (POIC) est une entité syndromique qui s’inscrit dans le cadre nosologique des troubles de la motilité gastro-intestinale. La POIC est la forme la plus grave de dysmotilité intestinale et est associée à une morbidité significative.
Elle se caractérise par des épisodes occlusifs chroniques ou récurrents de l’intestin grêle avec à l’imagerie une dilatation intestinale sans obstacle anatomique. Le début est le plus souvent néonatal mais il peut apparaitre plus tardivement chez l’enfant ou l’adulte.
Le diagnostic positif chez l’enfant repose, selon la société savante européenne d’hépato-gastro-entérologie et nutrition pédiatrique (ESGPHAN), sur la présence d’au moins deux des quatre critères suivants :
- Présence d’une altération neuromusculaire objectivée par manométrie ou histologie ou mesure du transit
- Persistance ou épisodes récurrents d’anses grêles intestinales dilatées avec des niveaux hydro-aériques
- Anomalies génétiques ou métaboliques dont l’association à la POIC est connue
- Impossibilité à maintenir une croissance satisfaisante avec une alimentation normale
Il s’agit d’un syndrome rare dont l’incidence est difficile à préciser. Elle est estimée à 3.7/1 000 000 au Japon chez l’enfant (dont la moitié en période néonatale) et à 25/1 000 000 naissances aux Etats-Unis. Chez l’adulte l’incidence estimée est de 1 nouveau cas par an par million d’habitants, la prévalence de 0,2 à 0,9/100.000 habitants.
Physiopathologie
La motricité de l’intestin grêle est un processus complexe. Son rôle est triple 1/ mélanger les aliments avec les sécrétions digestives pour permettre la digestion 2/ faciliter le contact entre la muqueuse et le chyme pour augmenter l’absorption 3/ et enfin propulser le contenu intestinal en direction aborale.
En période de jeune, le complexe moteur migrant (CMM), ensemble de contractions cycliques et propagées constitué de 3 phases, assure la motricité inter-digestive normale de l’intestin grêle afin de permettre une vidange entre deux repas. En période post prandiale, le CMM est interrompu pendant une période variable (liée notamment aux caractéristiques du bol alimentaire) et la motricité est alors composée de deux types d’activité : 1/ une activité phasique segmentaire, faite d’ondes non propagées, qui favorisent l’absorption, 2/ ainsi que d’une activité péristaltique, faite d’ondes propulsives, qui favorise la progression des aliments. Tout ce système est sous la dépendance d’un contrôle (Figure 1) :
- Myogène : muscle lisse et cellule interstitielle de Cajal (sorte de pace-maker digestif responsable de la contraction du muscle lisse)
- Neurogène : système nerveux intrinsèque/entérique et central (sympathique et parasympathique)
- Hormonal : motiline, somatostatine qui favorisent l’apparition de la phase 3 du CMM
Ainsi, le dysfonctionnement d’un ou plusieurs de ces maillons engendre des troubles du péristaltisme intestinal avec stase dans la lumière digestive caractéristiques la POIC.
Classification
On distingue classiquement les POIC primitives des POIC secondaires (Tableau 1).
Les POIC primitives sont les plus fréquentes et s’expriment généralement dès l’enfance (début néonatal). Elles sont la conséquence d’un défaut intrinsèque, d’origine congénitale, familiale ou sporadique, au niveau d’un des maillons sus cités. Leur traitement est uniquement symptomatique.
Les POIC secondaires sont quant à elles liées à une pathologie organique, systémique ou métabolique sous-jacente avec atteinte digestive secondaire. Le traitement est alors étiologique (quand il existe).
Formes primitives | Formes secondaires |
Formes familiales ou sporadiques de myopathie viscérale ou de neuropathie : Syndrome de micro côlon- mégavessie hypopéristaltisme intestinal Cytopathies mitochondriales : – Encéphalopathie mitochondriale neurogastrointestinale (M.N.G.I.E) – Melas, MERF, POLG Néoplasie endocrine multiple 2b (NEM 2B) Malrotation associée Forme génétique non encore élucidée | Atteintes des muscles lisses intestinaux Sclérodermie, polymyosite, dermatomyosite, lupus érythémateux disséminé, syndrome d’Ehlers- Danlos Myopathies : dystrophie de Duchenne, dystrophie myotonique, amylose, ceroidose (syndrome de l’intestin brun) Atteintes du système nerveux entérique Dysautonomie familiale Dysfonctionnement primaire du système nerveux autonome Neurofibromatose, neuropathie diabétique, syndrome d’alcoolisme fétal, Atteinte virales (CMV, EBV, VZV, JC virus) Dysfonctionnement endocrinien Hypothyroïdie Diabète Hypoparathyroïdie Phéochromocytome Anomalies métaboliques Urémie, porphyrie Désordres hydro-électrolytiques (potassium, magnésium, calcium) Neuropathie post enterocolite ulceronécrosante forme primitive Divers Maladie cœliaque, gastroentérite à éosinophiles, maladie de Crohn, entéropathie radique, maladie de Chagas, maladie de Kawasaki, angiooedème, Traitement médicamenteux : opiacés, laxatifs à base d’anthraquinone, inhibiteurs calciques, antidépresseurs, chimiothérapie (vinca-alcaloides) Syndrome paranéoplasique, traumatisme ou chirurgie majeure, Anomalies chromosomiques |
(d’après PNDS POIC)
Les POIC peuvent également être classées selon le type d’atteinte (plusieurs atteintes peuvent être associées) :
- Les myopathies viscérales (liées à une atteinte des muscles)
- Les neuropathies viscérales (liées à une atteinte des nerfs)
- Les mésenchymopathies (liées à une atteinte des cellules de Cajal)
A l’heure actuelle la majorité des POIC sont de cause inconnue et sont dites idiopathiques. Celles-ci peuvent apparaître à l’âge adulte, sans histoire digestive préalable, de cause possiblement post-infectieuse entraînant une cascade dysimmunitaire. Des facteurs émotionnels ou encore anesthésiques sont également susceptibles de déclencher des poussées.