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Incidence du syndrome de résection antérieure dans l’essai ROLARR

The Incidence of Low Anterior Resection Syndrome as Assessed in an International Randomized Controlled Trial (MRC/NIHR ROLARR).

Bolton WS, Chapman SJ, Corrigan N, Croft J, Collinson F, Brown JM, Jayne DG.

Ann Surg 2021;274:e1223-e1229
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Mots clés

Cancer du rectum, chirurgie robotique, syndrome de résection antérieure

Appréciation

L’essai ROLARR est le plus large essai randomisé ayant comparé la proctectomie pour cancer par voie robotique à la voie laparoscopique1. Entre janvier 2011 et septembre 2014, 456 patients ont été randomisés entre chirurgie laparoscopique (n=224) et chirurgie robotique (n=235), au sein de 29 centres internationaux, avec 40 chirurgiens participants, ayant une expérience d’au moins 30 proctectomies par voie mini-invasive. Une résection antérieure du rectum était réalisée dans 68% des cas, les autres procédures étaient une résection rectosigmoidienne ou une amputation abdominopérinéale. Un traitement néoadjuvant (radio ± chimiothérapie) était réalisé chez quasiment 1 patient sur 2. Une stomie de protection était plus fréquemment réalisée dans le groupe laparoscopie que robotique (68% vs 60%).

L’objectif principal de l’essai était le taux de conversion. L’essai s’est avéré négatif, car la différence estimée n’était pas atteinte : 12.2% conversion lors de la laparoscopie vs 8.1% pendant la chirurgie robotique, p=0.16. En revanche, des sous-groupes de patients à risque de conversion ont été identifiés, dans lesquels la voie robotique réduit significativement le taux de conversion : le sexe masculin (OR=2,44, 95% IC=1,05-7,71, p=0,04), le patient obèse (OR=4,69, 95% IC=2,08-10,58, p<0,001) et la résection antérieure du rectum (par rapport à l’amputation, p=0,007).

Les objectifs secondaires étaient le taux de marge de résection circonférentielle positive, la qualité d’exérèse du mésorectum, les complications peropératoires, les complications postopératoires à 1 et 6 mois, la mortalité à 1 mois, les résultats fonctionnels urinaire et sexuel, ainsi qu’une analyse de coût. Mis à part le coût, qui était significativement plus élevé dans le groupe robotique, les autres critères de jugement secondaire étaient équivalents entre les 2 groupes. Enfin, les résultats oncologiques à 3 ans n’ont pas encore été publiés.

Le résultat fonctionnel en terme de syndrome de résection antérieure du rectum (LARS) a fait l’objet d’une publication à part entière, récemment parue dans Annals of Surgery. Parmi les patients inclus dans ROLARR, 155 patients étaient réellement éligibles à l’étude du LARS (vivant, sans récidive, sans stomie, etc…), parmi lesquels 132 ont répondu au questionnaire: un traitement néoadjuvant avait eu lieu dans 27,3% des cas, la voie d’abord était laparoscopique dans 47,7% et robotique dans 52,3% des cas.

Après un délai moyen de 2,9 ans (5,7 mois – 4,5 ans), 82,6% des patients présentaient un LARS, mineur (= 21-29) et majeur (= 30-40) dans respectivement 19,7 et 62,9% des cas. L’analyse multivariée a identifié 2 facteurs de risque indépendants associés au LARS majeur : la diminution de 1 cm de la hauteur de la tumeur par rapport à la marge anale (OR=1,29, 95% IC=1,101-1,511, p=0,0015) et le score ASA (American Society of Anesthesiologists)>1 (OR=2,9, 95% IC=1,239-6,883, p=0,014). Les facteurs de risque habituels, tels que l’âge, le sexe, l’IMC, le traitement néoadjuvant, le type d’anastomose, ou l’existence d’une stomie de protection, n’apparaissaient pas comme facteur de risque de LARS majeur. De même, la voie d’abord (robotique/laparoscopie) n’était pas associée à un LARS majeur.

Si cette étude présente l’avantage d’être un rare essai randomisé de prise en charge chirurgicale du cancer du rectum à avoir intégré l’évaluation du LARS, quelques limites sont à souligner :

  • la population analysée est beaucoup moins importante par rapport à la population d’origine, ce qui diminue la puissance d’analyse, notamment pour certains facteurs de risque connus.
  • la population analysée est biaisée par certains critères, tels que le traitement néoadjuvant présent chez moins d’un patient sur 3, la présence de tumeurs haut situées, jusqu’à 20 cm de la marge anale, le recrutement dans des centres spécialisés.
  • le délai d’analyse du LARS est trop variable, allant de moins de 6 mois jusqu’à 4,5 ans. Une évaluation après 6 mois et après 2 ans chez les mêmes patients aurait été plus informative.
  • l’absence de LARS score disponible en préopératoire, certes peu évalué par ce score avant la chirurgie par définition, mais qui permettrait d’identifier en préopératoire certains troubles de la continence, d’autant plus avec des patients âgés jusqu’à 88,8 ans
  • la formulation du facteur de risque indépendant, au sujet de la hauteur de la tumeur par rapport à la marge anale, n’est pas classique. Est-ce parce que la hauteur (en cm) de la tumeur n’était pas significative ? Pourquoi ne pas avoir réalisé des groupes de hauteur (> ou < à 1cm…) ?

En conclusion, le LARS est observé chez plus de la moitié des patients opérés d’un cancer du rectum, avec le risque de nécessiter une stomie définitive. Il est encore trop peu évalué par les essais randomisés s’intéressant à la prise en charge chirurgicale du cancer du rectum. Néanmoins, l’essai ROLARR, négatif pour son objectif principal de diminution du taux de conversion avec la voie robotique par rapport à la voie laparoscopique, s’est intéressé au LARS. Avec les limites évoquées, la voie robotique ne semble pas péjorer le résultat fonctionnel par rapport à la voie laparoscopique après proctectomie pour cancer.

A suivre…

Références :

  1. Jayne D, Pigazzi A, Marshall H, et al. Effect of Robotic-Assisted vs Conventional Laparoscopic Surgery on Risk of Conversion to Open Laparotomy Among Patients Undergoing Resection for Rectal Cancer: The ROLARR Randomized Clinical Trial. JAMA 2017;318:1569-80.
  2. Emmertsen KJ, Laurberg S. Low anterior resection syndrome score: development and validation of a symptom-based scoring system for bowel dysfunction after low anterior resection for rectal cancer. Ann Surg 2012;255:922-8.