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Traitement néoadjuvant de l’adénocarcinome localement avancé : la révolution est en marche !

Neoadjuvant chemotherapy with FOLFIRINOX and preoperative chemoradiotherapy for patients with locally advanced rectal cancer (UNICANCER-PRODIGE 23): a multicentre, randomised, open-label, phase 3 trial

Conroy T, Bosset JF, Etienne PL, Rio E, François É, Mesgouez-Nebout N, Vendrely V, Artignan X, Bouché O, Gargot D, Boige V, Bonichon-Lamichhane N, Louvet C, Morand C, de la Fouchardière C, Lamfichekh N, Juzyna B, Jouffroy-Zeller C, Rullier E, Marchal F, Gourgou S, Castan F, Borg C; Unicancer Gastrointestinal Group and Partenariat de Recherche en Oncologie Digestive (PRODIGE) Group.

Lancet Oncology, 2021 May;22(5):702-715

Mots clés

Cancer du rectum, radiochimiothérapie néoadjuvante, réponse complète, préservation d’organe

Appréciation

Cet essai randomisé de phase 3 a comparé les résultats de 2 stratégies de traitement néoadjuvant pour la prise en charge de l’adénocarcinome du rectum localement avancé : le classique CAP50, actuellement recommandé, à un schéma renforcé associant une chimiothérapie d’induction par FORFIRINOX précédant la radiochimiothérapie néoadjuvante, avec la survie sans maladie à 3 ans comme critère de jugement principal.

Un total de 461 patients a ainsi été randomisés. Pour être inclus, les patients devaient être âgés de 18 à 75 ans, être en bon état général (avec un indice de performance OMS de 0 ou 1, et être porteurs d’un adénocarcinome du rectum (≤ 15 cm de la marge anale) non métastatique, prouvé histologiquement et classé cT3 ou cT4 à l’issue du bilan d’extension locorégional (IRM ± écho-endoscopie), quel que soit le statut cN. Les patients randomisés dans le groupe « standard » recevaient une radiochimiothérapie associant une irradiation longue, de 50 Gy en 5 semaines, et une chimiothérapie orale par capecitabine pendant la durée de l’irradiation. Les patients randomisés dans le groupe « PRODIGE 23 » recevaient une chimiothérapie intraveineuse par FOLFIRINOX pour 6 cycles puis, dans un délai de 1 à 3 semaines, la même radiochimiothérapie que les patients du groupe « standard ». Dans les 2 groupes, tous les patients ont été opérés d’une proctectomie radicale avec exérèse total du mésorectum à 6-8 semaines de la fin de l’irradiation pelvienne. Enfin, dans les 2 groupes, l’ensemble des patients recevaient une chimiothérapie adjuvante par FOLFOX6 modifié ou capecitabine, quel que soit les résultats histologiques de la pièce opératoire.

Et les résultats sont assez extraordinaires… Les patients du groupe « PRODIGE 23 » avaient une survie sans maladie à 3 ans (76% contre 69% ; p=0,034) et une survie sans métastases à 3 ans (79% contre 72% ; p=0,017) significativement plus élevées que celles des patients du groupe « standard ». Il existait même, ce qui est assez rare pour être noté quand on parle de traitement néo-adjuvant du cancer du rectum, une tendance à une amélioration de la survie globale à 3 ans dans le groupe « PRODIGE 23 » avec une p-value à la limite de la significativité statistique à 0,077 ! De plus, le taux de réponse histologique complète au traitement néoadjuvant (ypT0N0) doublait littéralement puisqu’il passait de 12% dans le groupe « standard » à 28% dans le groupe « PRODIGE 23 ». Le seul défaut était que l’ajout du FOLFIRINOX exposait les patients à des effets indésirables sévères dans 20% des cas, ce qui pose bien sûr la question de la tolérance de cette chimiothérapie lourde pour les patients les plus fragiles.

Le traitement néoadjuvant est une question centrale dans la prise en charge du cancer du rectum localement avancé (T3/T3 et ou N+). La radiothérapie 1, puis la radiochimiothérapie 2, 3, a fait la preuve, depuis de longues années, de son intérêt dans cette indication en diminuant le risque de récidive locale après chirurgie, aboutissant à la recommandation du CAP50 pour ces malades dans les dernières RPC françaises 4. Plusieurs idées avaient depuis été proposées pour améliorer encore le contrôle tumoral : la réalisation d’une chimiothérapie d’induction 5, 6, avant la radiochimiothérapie, ou la réalisation d’une chimiothérapie de consolidation 7, après l’irradiation. Ces idées avaient abouti à des résultats parfois encourageants mais il s’agissait d’essais de phase 2, sans démonstration d’un véritable bénéfice oncologique à long terme pour les patients. Deux essais de phase 3 très récents viennent changer les choses : la présente étude et l’essai RAPIDO 8. Dans RAPIDO, le classique CAP50 était comparé à un schéma avec consolidation associant une radiothérapie courte, de 25 Gy sur un total de 5 jours, suivie d’une chimiothérapie à base d’oxaliplatine (CAPOX ou FOLFOX) pour les malades porteurs d’un adénocarcinome du rectum à très haut risque puisqu’avec au moins un des critères suivants : cT4, cN2, présence d’EMVI (extramural vascular invasion), ou avec marge circonférentielle prévisible ≤ 1 mm. De la même façon que dans PRODIGE 23, les résultats sont très bons puisque les patients du groupe « RAPIDO » avaient une probabilité d’échec du traitement lié à la maladie et une probabilité de métastases à long terme significativement plus faible que le groupe « standard ». Là encore, le taux de réponse complète histologique était bien plus élevé et atteignait lui aussi 28%.

Les schémas PRODIGE 23 et RAPIDO doivent donc être considérée aujourd’hui comme les nouveaux standards de traitement néoadjuvant. Bien sûr, il n’existe aucune donnée comparant ces 2 stratégies et les différents centres vont devoir adapter leur décision de RCP au cas par cas, en particulier sur des problématiques de tolérance prévisible des patients. Enfin, le taux de 28% de réponse complète obtenus après de tels schémas ouvre un peu plus la porte aux stratégies de préservation d’organe, mais cet impact reste encore à évaluer puisque l’ensemble des patients inclus dans ces essais recevaient une chirurgie radicale…

A suivre…

Léon Maggiori
Paris

Références

  1. Rahbari NN, Elbers H, Askoxylakis V, Motschall E, Bork U, Buchler MW, et al. Neoadjuvant radiotherapy for rectal cancer: meta-analysis of randomized controlled trials. Ann Surg Oncol 2013; 20: 4169-4182.
  2. Bosset JF, Collette L, Calais G, Mineur L, Maingon P, Radosevic-Jelic L, et al. Chemotherapy with preoperative radiotherapy in rectal cancer. N Engl J Med 2006; 355: 1114-1123.
  3. Gerard JP, Conroy T, Bonnetain F, Bouche O, Chapet O, Closon-Dejardin MT, et al. Preoperative radiotherapy with or without concurrent fluorouracil and leucovorin in T3-4 rectal cancers: results of FFCD 9203. J Clin Oncol 2006; 24: 4620-4625.
  4. Lakkis Z, Manceau G, Bridoux V, Brouquet A, Kirzin S, Maggiori L, et al. Management of rectal cancer: the 2016 French guidelines. Colorectal Dis 2017; 19: 115-122.
  5. Rouanet P, Rullier E, Lelong B, Maingon P, Tuech JJ, Pezet D, et al. Tailored Treatment Strategy for Locally Advanced Rectal Carcinoma Based on the Tumor Response to Induction Chemotherapy: Preliminary Results of the French Phase II Multicenter GRECCAR4 Trial. Dis Colon Rectum 2017; 60: 653-663.
  6. Fernandez-Martos C, Garcia-Albeniz X, Pericay C, Maurel J, Aparicio J, Montagut C, et al. Chemoradiation, surgery and adjuvant chemotherapy versus induction chemotherapy followed by chemoradiation and surgery: long-term results of the Spanish GCR-3 phase II randomized trialdagger. Ann Oncol 2015; 26: 1722-1728.
  7. Chua YJ, Barbachano Y, Cunningham D, Oates JR, Brown G, Wotherspoon A, et al. Neoadjuvant capecitabine and oxaliplatin before chemoradiotherapy and total mesorectal excision in MRI-defined poor-risk rectal cancer: a phase 2 trial. Lancet Oncol 2010; 11: 241-248.
  8. Bahadoer RR, Dijkstra EA, van Etten B, Marijnen CAM, Putter H, Kranenbarg EM, et al. Short-course radiotherapy followed by chemotherapy before total mesorectal excision (TME) versus preoperative chemoradiotherapy, TME, and optional adjuvant chemotherapy in locally advanced rectal cancer (RAPIDO): a randomised, open-label, phase 3 trial. Lancet Oncol 2021; 22: 29-42.