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Pour passer un message important en proctologie, autant prendre le New England Journal of Medicine !

Treatment of anal high-grade squamous intraepithelial lesions to prevent anal cancer

Palefsky JM, Lee JY, Jay N, Goldstone SE, Darragh TM, Dunlevy HA, et al. For the ANCHOR Investigators Group
N Engl J Med 2022;386:2273-82.I, Augustin G, Bogdanic B, Bruketa T, Moric T
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Mots clés

Cancer de l’anus, HSIL, HIV, HPV, Anuscopie haute résolution, Dépistage, Traitement

Appréciation

L’incidence du cancer anal est plus élevée chez les sujets HIV (Human Immunodeficiency Virus) que dans la population générale. Comme pour le cancer du col, le cancer de l’anus est précédé par des lésions intra-épithéliales de haut grade appelées en langue anglaise HSILs (High-grade Squamous Intraepithelial Lesions). Pour le cancer du col, le traitement des HSILs par conisation diminue le risque de progression vers le cancer du col. Nous manquons cependant de données solides sur l’intérêt du traitement des HSILs anales afin de prévenir le cancer de l’anus.

Les auteurs ont donc proposé de combler cette lacune en menant une étude de phase 3 dans 25 centres aux USA (1).

Les sujets HIV de plus de 35 ans présentant des HSILs prouvées par biopsies ont été randomisés entre « traitement actif » ou « surveillance armée sans traitement vrai ». Etaient considérées comme un traitement actif diverses modalités, comme l’ablation des lésions en cabinet (coagulation par infrarouge, électrocoagulation, la technique la plus pratiquée dans 84% des cas, destruction laser), l’excision des lésions sous anesthésie au bloc opératoire, ou encore l’administration locale de topiques à base de fluorouracil ou d’imiquimod (5% des cas).

L’objectif principal de cette étude était la survenue d’un cancer de l’anus. Tous les participants bénéficiaient (j’insiste sur ce terme « bénéficiaient ») d’une anuscopie de haute résolution tous les 6 mois.

Au total, 4 446 sujets ont été inclus, randomisés et suivis sur une médiane de 25,8 mois. Neuf cas de cancer de l’anus ont été diagnostiqués dans le groupe « traitement actif » versus 21 cas dans le groupe « surveillance armée », et la différence était significative (p = 0,03). Les auteurs ont donc conclu, à juste titre dans cette étude à la méthodologie pratiquement irréprochable, que le risque de survenue d’un cancer de l’anus était significativement plus bas lorsque le patient était traité pour ses HSILs que lorsqu’il était soumis à une surveillance active. 

Pourtant, les sujets suivis tous les 6 mois dans le groupe surveillance active avaient une anuscopie haute résolution qui permet un diagnostic précoce d’une HSIL et des biopsies à la moindre anomalie, ce qui valorise encore le résultat de cette étude en faveur de l’indication d’un traitement des HSILs.

L’anuscopie haute résolution n’est pas encore disponible partout en France et incite donc à adresser ces sujets HIV, âgés de plus de 35 ans et ayant des lésions anales, vers des centres experts, d’autant plus s’ils sont porteurs d’HPV (Human Papilloma Virus) de phénotype 16 (le plus oncogène). En effet, les récentes recommandations de la SNFCP (coordonnées par le Dr Lucas Spindler) pour le suivi des HSILs recommandent de « trier » les patients à haut risque par un test HPV 16. Les études en cours du GREP, menées avec bonheur par le Pr. Laurent Abramowitz qui a sollicité plusieurs d’entre vous, membres de la SNFCP, apportent des réponses à certaines questions chez ces patients sélectionnés. Plusieurs articles sont ou vont ainsi être publiés prochainement sous l’égide de la SNFCP et du GREP.

Soyez fiers de participer aux travaux du Pr Laurent Abramowitz sur ce thème de l’HSIL et de la prévention du cancer anal chez le patient HIV / HPV et aussi d’être membres de la SNFCP et du GREP ! La proctologie peut déboucher comme ici sur un article de très haut niveau qui révolutionne la prise en charge des patients atteints d’un problème proctologique à la base. Vive la proctologie quand elle atteint ce niveau, mais pas que ! A suivre…