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Patients afro-américains HSH vivants avec le VIH : attention au sur-risque de cancer de l’anus ! 

Anal cancer incidence in men with HIV who have sex with men: are black men at higher risk?

McNeil CJ, Lee JS, Cole SR, Patel SA, Martin J, Mathews WC, Moore RD, Mayer KH, Eron JJ, Saag MS, Kitahata MM, Achenbach CJ; Centers for AIDS Research (CFAR) Network of Integrated Clinical Systems (CNICS).

AIDS 2022 Apr 1;36(5):657-664.

Mots clés

Cancer anal, facteur de risque

Appréciation

Dépister et prévenir le cancer de l’anus est une des missions importantes qui incombe aux proctologues que nous sommes. Et c’est un sujet qui fait actuellement beaucoup parler de lui ! En effet, entre l’essai randomisé contrôlé de Palefsky et al., récemment publié dans le New England Journal of Medicine et qui a démontré pour la première fois que le traitement de la dysplasie de haut grade permettait de diminuer le risque de cancer de l’anus, et la parution des dernières recommandations de la SNFCP pour la prise en charge des lésions précancéreuses anales liés aux HPV (lien), le dépistage du cancer de l’anus ne peut être qu’au cœur de vos préoccupations…

Il s’agit ici d’une étude américaine qui s’est intéressée au risque de cancer de l’anus des patients afro-américains HSH (Hommes ayant des rapports Sexuels avec des Hommes) vivant avec le VIH. Les auteurs ont utilisé les données d’une cohorte prospective multicentrique suivant plus de 32 000 patients vivants avec le VIH sur 8 centres universitaires américains. Ils se sont intéressés à 7 473 patients HSH vivant avec le VIH, inclus entre 1996 et 2014. Les patients étaient inclus au moment où ils commençaient un traitement antirétroviral, puis ils avaient un suivi longitudinal. Durant cette période, 41 cas de cancer ont été diagnostiqués. Les américains recueillant toujours les caractéristiques ethniques de leur patients (par auto-questionnaire), ils ont pu comparer l’incidence du cancer chez les patients « afro-américains » versus « non afro-américains ». Il en résulte que ces premiers ont un sur-risque de cancer de l’anus de 2,37 (IC 95 : 1,17-4,82) par rapport aux « non afro-américains », soit une incidence de 204 vs 61/100 000 personnes années. Cette analyse était ajustée sur les facteurs démographiques, le nadir de CD4, les co-infections et les facteurs comportementaux. Ce sur-risque de cancer de l’anus chez les patients afro-américains devient significatif 5 ans après le début du traitement antirétroviral (Figure 1).

courbe de risque de cancer de l’anus pondérée sur l’âge
Figure 1 : courbe de risque de cancer de l’anus pondérée sur l’âge, le nadir de CD4, la charge virale du VIH, l’année de début de traitement du traitement antirétroviral, le tabac, l’alcool, la consommation de drogue intra veineuse, le statut VHB et VHC, le centre. 
Ligne continue : « non afro-américain », ligne discontinue : « afro-américain ».

D’autres études américaines ont déjà souligné ce sur-risque de cancer anal chez les patients afro-américains mais aucune n’a mis en évidence de lien entre le fait d’être afro-américain et le risque d’AIN ou de progression vers le cancer. Les auteurs soulignent qu’il existait entre les différents centres des modalités assez différentes de dépistage du cancer de l’anus. Les centres les plus précoces avaient commencé à faire des frottis dès 2000 et à faire des AHR (Anuscopie Haute Résolution) dès 2002 alors que les derniers centres avaient commencé à faire des frottis en 2009 et des AHR en 2012. Malheureusement, les auteurs n’ont pas pu analyser si l’accès au dépistage différaient entre les afro-américains et les autres patients. Il est donc difficile de conclure quant aux hypothèses expliquant ce sur-risque : problème d’accès aux soins, facteurs socio-économiques ou génétiques ?

Il est difficile de savoir également si ces résultats sont applicables en France, mais étant donné le sur-risque observés dans cette population afro-américaine HSH vivant avec le VIH (204 pour 100 000 personnes années !) il serait licite d’étudier également dans nos cohortes ce facteur de risque plutôt méconnu et de proposer si nécessaire une vigilance particulière chez nos patients d’origine subsaharienne HSH vivant avec le VIH…

A suivre…