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Monkeypox, une IST à connaître

Mr N. 22 ans consulte en juin 2022 pour des douleurs anales évoluant depuis 24 heures. Il n’a pas d’antécédent médico-chirurgical. Il a des rapports anaux non protégés et est sous traitement préexposition (PrEP). Le dernier rapport à risque a eu lieu 6 jours avant la consultation. Il n’a pas voyagé récemment hors de la métropole.

Lors de l’interrogatoire, le patient relate une fièvre à 39°C sans frisson survenue 5 jours avant la consultation et ayant duré 48 heures. Dans les suites, il a présenté des douleurs anales associées à ce qu’il décrit comme des « boutons » répartis sur l’ensemble du corps.

A l’examen clinique, les lésions élémentaires cutanées sont des papules et des vésicules d’environ 3 à 4 mm de diamètre, certaines ombiliquées. Au total, on en dénombre une vingtaine, situées sur les membres inférieurs et supérieurs, y compris les paumes des mains, le torse, le dos, et la muqueuse buccale (Figure 1). On palpe des adénopathies cervicales, axillaires et inguinales.
Plusieurs vésicules sont réparties sur la marge anale (Figure 2). L’anuscopie n’a pas été réalisée en raison de la douleur.

Figure 1 : lésions cutanéo-muqueuses.
Figure 2 : lésions péri-anales.

Parmi les propositions suivantes, quels diagnostics peut-on évoquer ?

A. Varicelle
B. Infection herpétique
C. Syphilis secondaire
D. Monkeypox (ou variole du singe ou variole simienne)
E. Infection à Coxsackie

A. VRAI – la varicelle est un diagnostic différentiel à évoquer en l’absence d’antécédent de varicelle dans l’enfance. Elle est toutefois plus rare chez l’adulte. On note un prurit intense. Les lésions élémentaires sont des macules, des papules et des vésicules à liquide claire, avec intervalle de peau saine, ainsi que des lésions croûteuses. L’atteinte muqueuse est possible, ainsi que le cuir chevelu, mais épargne la plupart du temps la paume des mains et la plante des pieds. Les lésions cutanées évoluent par poussées successives, contrairement à la variole du singe.

B. VRAI – les lésions anales peuvent faire évoquer une infection herpétique. Les lésions élémentaires sont des vésicules pouvant atteindre le visage, le tronc, les doigts, et les muqueuses : buccale, ano-génitale et oculaire. Les vésicules laissent rapidement place à des lésions érosives disséminées. Une fièvre ainsi que des adénopathies inguinales et une dysurie peuvent être associées.

C. VRAI – à évoquer dans ce contexte de rapports non protégés. Toutefois, l’aspect des lésions n’est typique d’une syphilis. En effet, les lésions ne sont jamais vésiculeuses, ni bulleuses. Les lésions élémentaires de la syphilis sont un exanthème roséoliforme ou maculo-papuleux. Les lésions atteignent le plus souvent le visage, le tronc et les membres : l’atteinte palmo-plantaire est évocatrice. Les muqueuses buccales et génitales peuvent être atteintes. Il n’y a généralement pas de fièvre associée.

D. VRAI – il s’agit ici du diagnostic confirmé. L’incubation dure en moyenne 7 à 14 jours avec un délai maximum de 21 jours. Les lésions élémentaires sont des macules, des vésicules, des pustules, pouvant avoir une ombilication centrale. Les lésions peuvent siéger sur l’ensemble du corps.  L’atteinte des paumes et des plantes de pieds ainsi que du visage et du cuir chevelu est évocatrice. L’atteinte muqueuse est possible : région ano-génitale et muqueuse buccale, selon le mode de contamination. L’atteinte génitale et anale est douloureuse, et une odynophagie est décrite en cas d’atteinte buccale. Le prurit n’est pas au premier plan. La présence de polyadénopathies cervicales et inguinales est fréquente. La fièvre est inconstante, parfois intense, et peut être associée à un syndrome grippal.

E. VRAI – il s’agit d’un diagnostic différentiel bien moins probable sur le terrain : cela touche préférentiellement le jeune enfant (avant l’âge de 4 ans). Les lésions, à type de papules et de vésicules sont localisées au pharynx, à la langue, sur les joues, au niveau des doigts (notamment autour des ongles), sur la paume et le dos des mains, sur les plantes de pied et en région péri-anale. Un prurit est souvent présent au stade de vésicules. Une fièvre et des douleurs abdominales sont parfois associées.

Votre patient est suspect d’infection à la variole du singe s’il présente les symptômes suivants :

• Fièvre > 38° précédant l’éruption cutanée

• Polyadénopathies

• Lésions élémentaires = macules, papules, vésicules, pustules puis croûtes

• Localisation = tout le corps, y compris paumes des mains, plantes des pieds et muqueuses

Quelques données épidémiologiques sur la variole du singe :

• Zoonose virale causée par l’orthopoxvirus simien (virus enveloppé à ADN double brin)

• Localisation endémique : forêt tropicale humide d’Afrique du Centre et de l’Ouest

• Hôtes naturels : les écureuils, les loirs, les primates ainsi que d’autres espèces

• Premier cas documenté humain : en 1970, Congo

Quelles sont les mesures de protection à prendre immédiatement en consultation ?

A. Port du masque par le patient et le médecin
B. Port de surblouse par le médecin
C. Port de gants par le médecin
D. Désinfection des surfaces après la sortie du patient de la salle de consultation
E. Traitement des déchets via la filière DASRI

Toutes les propositions sont vraies. Le patient est contagieux du début des symptômes jusqu’à la guérison complète des lésions cutanées. La contamination se fait par contact direct avec les liquides biologiques (urines, selles, sperme, larmes, rhinorrhée) du patient contaminé, et aussi avec les lésions cutanées ou muqueuses. La transmission peut également se faire par voie aérienne (gouttelettes).

Il est recommandé de mettre en place dès la suspicion les mesures de protection suivantes :

• Patient : port de masque chirurgical, lavage des mains à l’eau et au savon

• Soignant : friction des mains à la solution hydro-alcoolique, port d’un masque FFP2, port de gants, et de lunettes de protection si contact avec les lésions. Port d’une surblouse, associée à un tablier en cas de contact avec les liquides corporels

• Traitement des surfaces : désinfectant norme 14476 (type Surfanios)

• Traitement des déchets : filière des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI)

Quels sont les examens complémentaires à réaliser ?

A. PCR Chlamydia et gonocoque sur écouvillon anal
B. Sérologie syphilis
C. PCR Orthopoxvirus sur prélèvement d’une vésicule
D. IRM ano-périnéale
E. Sérologie VIH, VHB, VHC

A. VRAI – dans un contexte de rapports anaux non protégés, un bilan exhaustif d’infections sexuellement transmises est indiqué afin de ne pas méconnaître une co-infection.

B. VRAI – les sérologies syphilitiques doivent être systématiquement prescrites en raison du polymorphisme clinique de la « grande dissimulatrice ».

C. VRAI – Cet examen est réalisé dans le laboratoire de virologie d’un centre référent.

D. FAUX

E. VRAI – même commentaire que pour la réponse A.

Le diagnostic d’infection au virus de la variole du singe est confirmé après PCR sur prélèvement de lésion, réalisé en centre de référence. Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire.

Dans le cas présent, le diagnostic de Monkeypox a été évoqué, et le patient a été pris en charge dans le centre référent, où le diagnostic a été confirmé par PCR sur prélèvement d’une lésion cutanée.

Quelle prise en charge thérapeutique proposer au patient ?

A. Traitement antalgique de paliers II à III
B. Antibiothérapie empirique
C. Topiques dès la phase maculo-papulo-vésiculeuse
D. Topiques au stade de croûtes
E. Lavage des plaies à l’eau et au savon doux

A. VRAI – les lésions ano-périnéales sont douloureuses, il convient donc de proposer au patient un traitement systématique de palier II, voire III si nécessaire. Des laxatifs peuvent être prescrits en cas de constipation.

B. FAUX – l’antibiothérapie n’est pas indiquée.

C. FAUX – l’application de topiques contenant un antibiotique, antiviral, antiprurigineux ou anesthésique est déconseillée au stade de macules, papules et vésicules. En effet, cela pourrait favoriser la surinfection en raison du caractère occlusif et retarder le diagnostic de surinfection.

D. VRAI – au stade de croûtes, l’utilisation de crèmes cicatrisantes contenant du sulfate de cuivre et du sulfate de zinc est recommandée.

E. VRAI – il est recommandé de prendre des douches une à deux fois par jour à l’eau tiède, avec un soin lavant de type savon surgras.

Le traitement des formes dermatologiques est symptomatique, il repose sur des soins locaux et le traitement de la douleur.

• Antalgie : palier II à III, régularisation du transit pour lésions périanales

• Soins locaux : nettoyage eau et savon, topiques cicatrisants à partir du stade de croûtes

• Limiter la surinfection : mains propres, ongles courts, ne pas se gratter ni toucher les lésions. Contre-indication aux anti-inflammatoires.

• Application d’écran solaire après guérison pour limiter la pigmentation des cicatrices

La variole du singe guérit en général spontanément et les symptômes durent de 2 à 4 semaines.

Quid des complications ?

Les complications possibles sont une surinfection cutanée, un sepsis, une pneumopathie, une atteinte neurologique et cornéenne. Les personnes immuno-déprimées sont plus à risque de formes graves, ainsi que les nouveau-nés. La transmission materno-fœtale / périnatale est possible. Les personnes vaccinées contre la variole (nées avant 1977) seraient protégées des formes graves. Le taux de mortalité décrit est de 3 à 6%.

Quelles sont les mesures à prendre vis-à-vis des sujets contacts ?

Définition d’un contact à risque :

• Contact physique direct non protégé avec la peau lésée ou les fluides biologiques d’un cas probable ou confirmé symptomatique

• Contact avec des textiles (vêtements, linge de bain, literie) ou de la vaisselle sale utilisés par un cas probable ou confirmé symptomatique

• Contact non protégé (port de masque) à moins de 2 mètres pendant 3 heures (cumulées durant 24h) avec un cas probable ou confirmé symptomatique

Définition d’un contact à risque négligeable :

• Mesures de protection respiratoires portées par le cas et/ou le contact (masque chirurgical, FFP2 ou hygiaphone)

• Mesures de protection contact portées par le contact (gants étanches en latex, nitrile ou caoutchouc)

En cas de contact à risque, la vaccination est indiquée dans les 4 jours après le contact, et au maximum 14 jours après. Il convient de contacter l’Agence Régionale de Santé pour les contacts communautaires, ou l’équipe d’hygiène hospitalière pour les contacts en milieu de soins. La vaccination est effectuée avec le vaccin de 3ème génération Imvanex® (ou Jynneos®) de la firme Bavarian Nordic. Le schéma vaccinal de primovaccination comprend deux doses (ou trois doses chez les sujet immunodéprimés) administrées avec un intervalle d’au moins 28 jours entre les deux doses.

Il est recommandé aux personnes contacts à risque de surveiller deux fois par jour leur température pendant 3 semaines après le dernier contact à risque, la fièvre signant le début de la contagiosité et étant plus précoce que l’éruption.

Que faire pour limiter la transmission au domicile ?

• S’isoler si possible dans une pièce séparée, limiter les sorties

• Eviter tout contact physique y compris avec les animaux domestiques

• Porter un masque chirurgical en présence d’autres personnes

• Se laver les mains régulièrement

• Laver ses affaires séparément (vaisselle et linge à 60°)

• Nettoyer / désinfecter les surfaces touchées, surtout sanitaires

• Si utilisation de pansements / bandages : les jeter dans un sac poubelle spécifique, à fermer

Epidémiologie de la variole et de la variole du singe :

La variole est une maladie causée par un virus appartenant à la famille des poxviridae, à la sous-famille des chordopoxvirinae et au genre orthopoxvirus. Il faut distinguer l’orthopoxvirus humain, responsable de la variole humaine, et l’orthopoxvirus simien, encore appelé virus de l’orthopoxvirose simienne (OVS) ou virus du monkeypox, responsable de la variole du singe ou monkeypox.

La variole humaine a été éradiquée en 1980 grâce à la vaccination qui n’est plus d’ailleurs obligatoire depuis 1977.

La variole du singe est une maladie zoonotique (maladie animale transmissible à l’homme) observée habituellement dans les zones forestières d’Afrique du Centre et de l’Ouest, où elle est transmise par contact de rongeurs ou de singes, sauvages ou en captivité, morts ou vivants. Une transmission interhumaine est également possible, en particulier au sein du foyer familial ou en milieu de soins. Elle  est responsable de cas sporadiques dans les zones africaines d’endémie. Cependant, depuis mai 2022, des cas autochtones ont été rapportés dans plusieurs pays situés en dehors des zones d’endémie. L’infection n’est pas connue comme une infection sexuellement transmissible, mais il est possible que le contact direct avec une peau/muqueuse lésée durant un rapport sexuel facilite la transmission

La vaccination anti variole humaine confère-t-elle une protection ?

La vaccination anti-variole humaine a été obligatoire en France jusqu’en 1977. Une immunité croisée est rapportée jusque 85% des cas avec ce vaccin, qui semble être de longue durée, cependant sans en connaître la durée.

Peut-on se réinfecter ?

Des réinfections ne sont pas exclues, plus de recul est nécessaire afin de savoir si une première infection à la variole du singe procure une protection durable. De plus, la diffusion systémique du virus ainsi que la réponse immune ne sont pas connues en cas de présentation très localisée.

Point épidémiologie (Santé Publique France) :

A la date du 30 juin 2022, 498 cas confirmés ont été répertoriés en France, âgés de 19 à 71 ans (âge médian 35 ans), dont 336 en Ile de France. La majorité des cas concernent des hommes, on dénombre trois femmes infectées. Parmi les cas investigués, 78% ont présenté une éruption génito-anale, 73% une éruption sur une autre partie du corps, 75% de la fièvre et 72% des adénopathies. Vingt-huit patients sont immunodéprimés. Aucun n’est décédé. La majorité des cas mais non exclusivement est survenue chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, sans lien direct avec des personnes de retour de zone d’endémie. La majorité des patients rapporte des partenaires sexuels multiples.

Ressources documentaires :