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Maladie de Paget, mise au point pratique & complète ! – 3/3 – Prise en charge

Traitement

Des recommandations américaines sont récemment parues concernant la prise en charge de la maladie de Paget extramammaire [3]. Toutefois, ces recommandations ne sont cependant pas spécifiques aux formes ano-périnéales. De surcroît, la maladie de Paget extramammaire, et à fortiori ano-périnéale, est rare et le niveau de preuve de la littérature est globalement faible. Les données sont issues essentiellement d’études rétrospectives et de séries de cas. Un algorithme de prise en charge est proposé.

Le choix du traitement dépend de plusieurs paramètres : du caractère invasif ou non de la maladie de Paget, de son étendue, de la présence de métastases ganglionnaires et à distance et aussi de l’état général du patient, de ses comorbidités et de la disponibilité des traitements.

L’exérèse chirurgicale est le traitement de choix de la maladie de Paget limitée à l’épiderme et lorsqu’elle est techniquement réalisable. Plusieurs techniques ont été étudiées : l’exérèse élargie avec des marges > 1 cm (figure 2) et la chirurgie avec contrôle peropératoire des marges (technique micrographique de Moh et analyse complète peropératoire des marges latérales et profondes).

Figure 2

La chirurgie avec contrôle peropératoire des marges a pour avantage de diminuer de 2 à 3 fois le taux de récidive par rapport à l’exérèse élargie sans contrôle peropératoire [3]. Elle permet de réduire le taux de résidus microscopiques d’autant que les limites lésionnelles ne sont pas toujours clairement visibles à l’œil nu. Elle permettrait également de limiter le sacrifice cutané et donc le risque d’incontinence anale et de sténose [3, 7, 9]. Après exérèse la cicatrisation est dirigée ou la plaie refermée par sutures, greffe cutanée ou lambeau. Le choix de l’une ou l’autre technique dépend de la localisation et de l’étendue des lésions. Le recours à une colostomie peut se discuter en cas de lésions étendues (> 50% de la circonférence) [9]. Il est parfois nécessaire de pratiquer plusieurs exérèses pour obtenir des marges saines R0. Et certaines localisations peuvent nécessiter une prise en charge chirurgicale multidisciplinaire. Néanmoins, ces chirurgies peuvent être très délabrantes avec un risque de récidive très important du fait de zones histologiquement saines entre deux zones tumorales. Avant toute intervention, la prise en charge et les différents risques doivent être discutés si possible dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire.

Plusieurs alternatives à la chirurgie peuvent être envisagées particulièrement en cas de balance bénéfice-risque défavorable.  Les principaux traitements étudiés sont : l’imiquimod, le 5-FU, le laser CO2 ou encore la photothérapie dynamique. Le niveau de preuve est faible et/ou l’efficacité modeste. Ainsi pour l’imiquimod le taux de réponse complète est de 30% et le taux de récidive de 35% à l’arrêt du traitement [3]. Il n’existe aucun consensus sur la fréquence et la durée des applications. La photothérapie dynamique a montré des résultats prometteurs mais là aussi le taux de récidive dépasse 30% et il s’agit d’une technique particulièrement douloureuse.

Une radiothérapie à visée curative peut être proposée lorsque la chirurgie est contre-indiquée. La radiothérapie peut également être envisagée en traitement adjuvant en cas de maladie résiduelle ou de récidive après exérèse chirurgicale [3].

En cas de maladie de Paget invasive, récidivante et/ou étendue (impliquant notamment le canal anal), une exérèse étendue avec curage ganglionnaire voire une amputation abdomino-périnéale peuvent être proposées [3, 9]

En cas de maladie de Paget secondaire, la prise en charge est avant tout celle du cancer primitif.

Enfin en cas de maladie métastatique, une chimiothérapie est indiquée. Toutefois il n’existe pas de protocole standardisé ni de recommandations concernant les drogues et les doses à privilégier. Le docetaxel, le 5-FU, la cisplatine ont été proposées. L’inclusion dans des protocoles de recherche doit être encouragée. L’utilisation de thérapies ciblées notamment le trastuzumab en cas de surexpression ERBB2 est une alternative et a pu être rapporté comme efficace dans certains cas [3, 9].

Le pronostic est de la maladie de Paget extramammaire varie dans la littérature entre 75 et 95% de survie à 5 ans [12]. Concernant plus spécifiquement la maladie ano-périnéale, une récente étude de la Mayo Clinic montrait une survie à 5 ans de 82% [13]. Ainsi, chez des patients âgés et fragiles, une surveillance simple est parfois proposée. Le pronostic est bien entendu moins bon en cas de maladie invasive, métastatique et pour les formes secondaires [3, 7, 14]. Les autres facteurs de risque de récidive ou de mauvais pronostique sont l’âge avancé, le sexe masculin, les localisations ano-périnéales ou vaginales, une invasion des annexes et une surexpression de p53 [3].

Surveillance

Le risque de récidive locale et métastatique (ganglionnaire ou à distance) de la maladie de Paget après traitement est élevé, de l’ordre de 30% à 3 ans [3, 13]. D’autre part il existe un risque de cancer métachrone de l’ordre de 20% à 5 ans [3]. Cela impose une surveillance étroite et rigoureuse des patients pour dépister une éventuelle récidive et l’apparition d’un cancer. Il n’existe aucune étude longitudinale ayant évalué les modalités du suivi. Les dernières recommandations américaines préconisent un examen physique tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans puis tous les 6 à 12 moins jusqu’à 5 ans. En cas de maladie invasive ou métastatique, une surveillance radiologique est préconisée. Il n’existe pas de marqueurs tumoraux sanguins.

Conclusion

La maladie de Paget ano-périnéale est une maladie rare. Son diagnostic est histologique. Des examens complémentaires sont nécessaires pour rechercher un cancer synchrone, principalement un adénocarcinome ano-rectal. Son traitement est mal codifié. La chirurgie d’exérèse large si la maladie est limitée et si elle n’entraine pas une perte de la fonction sphinctérienne est le traitement de choix en l’absence de métastases à distance. Une surveillance rapprochée et prolongée est nécessaire compte tenu du risque de récidive et de cancer métachrone.

Références

  1. Dos Santos JS, Bonafé GA, Pereira JA, Kanno DT, Martinez CAR, Ortega MM. Rare perianal extramammary Paget disease successfully treated using topical Imiquimod therapy. BMC Cancer 2018 ; 18 : 921.
  2. Paget J. On the disease of the mammary gland areola preceding cancer of the mammary gland. St Bartholomew’s Hosp Rep 1874 ; 10 : 87-9.
  3. Kibbi N, Owen JL, Worley B, et al. Evidence-Based Clinical Practice Guidelines for Extramammary Paget Disease. JAMA Oncol 2022 ; 8 : 618-28.
  4. Kyriazanos ID, Stamos NP, Miliadis L, Noussis G, Stoidis CN. Extra-mammary Paget’s disease of the perianal region: a review of the literature emphasizing the operative management technique. Surg Oncol 2011 ; 20 : e61-71.
  5. Darier J, Coulillaud P. Sur un cas de maladie de Paget de la region perineo- anale et scrotale. Ann Dermatol Syphiligr (Paris) 1893 ; 4 : 25e31.
  6. Lam C, Funaro D. Extramammary Paget’s disease: summary of current knowledge. Derm Clin 2010 ; 28 : 807-26.
  7. Fathallah N, Fite C, Duchatelle V, Aubert M, de Parades V. A persistent lesion of the anus. Rev Prat 2018 ; 68 : 531-5.
  8. Minicozzi A, Borzellino G, Momo R, Steccanella F, Pitoni F, de Manzoni G. Perianal Paget’s disease: presentation of six cases and literature review. Int J Colorectal Dis 2010 ; 25 : 1e7.
  9. Thompson HM, Kim JK. Perianal Paget’s Disease. Dis Colon Rectum 2021 ; 64 : 511-5.
  10. Perez DR, Trakarnsanga A, Shia J, et al. Management and outcome of perianal Paget’s disease : a 6-decade institutional experience. Dis Colon Rectum 2014 ; 57 : 747-51.
  11. Rajendran S, Koh CE, Solomon MJ. Extramammary Paget’s disease of the perianal region: a 20-year experience. ANZ J Surg 2017 ; 87 : 132-7.