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Maladie de Paget, mise au point pratique & complète ! – 1/3 – Qu’est-ce que c’est ?

Définition et épidémiologie

La maladie de Paget a été décrite pour la première fois par Sir James Paget en 1874 [1, 2]. On distingue la maladie de Paget mammaire et extra-mammaire. La maladie de Paget extra-mammaire se développe au niveau des zones de distribution des glandes apocrines. Elle siège le plus souvent au niveau de la vulve, environ 45% des cas, et au niveau du pénis et du scrotum dans 27% des cas [3]. La localisation ano-périnéale représente moins de 9% des cas de maladie de Paget extramammaire soit la 4ème localisation en termes de fréquence (tableau 1) [4].

LocalisationFréquence (%)
Vulve44,8
Pénis/scrotum27
Génitale sans précision9,6
Ano-périnéale8,6
Inguinal2,1
Axillaire0,9
Tableau 1

Les autres localisations sont les creux axillaires, les plis inguinaux, les conduits auditifs externes, l’ombilic ou encore les paupières. La maladie de Paget ano-périnéale a été décrite pour la première fois en 1893 par Darier et Coulillaud [5]. C’est une maladie rare. Son incidence exacte n’est pas connue. Elle touche les deux sexes avec cependant une (discrète) prédominance féminine (53,5% des cas) et caucasienne (> 60% des cas). Elle est exceptionnelle chez les patients noirs. Elle survient le plus souvent entre 50 et 80 ans avec un âge moyen au diagnostic autour de 70 ans [1, 3, 6, 7].

Physiopathologie

On classe la maladie de Paget extra-mammaire en maladie de Paget primaire (la plus fréquente) et secondaire. La physiopathologie demeure imparfaitement comprise dans les deux cas. La maladie de Paget primaire correspond à un adénocarcinome intraépithélial. Cependant l’origine des cellules de Paget est débattue. Elles se développeraient aux dépens des glandes sudoripares apocrines intra-épidermiques ou à partir des cellules souches épidermiques. Les cellules de Toker (cellules claires arrondies localisées également dans l’épiderme) pourraient également jouer un rôle dans l’apparition de la maladie. La maladie de Paget secondaire correspondrait à une infiltration cutanée par une tumeur primitive régionale : le plus souvent gastro-instestinale (adénocarcinome anorectal majoritairement) ou génito-urinaire (majoritairement prostatique chez l’homme) [8, 9]. On estime qu’environ 40% des cas de maladie de Paget ano-périnéale sont associés à un cancer synchrone ou métachrone [8]. Toutefois le mécanisme de diffusion des cellules pagétoïdes n’est pas complètement élucidé. La maladie de Paget primaire peut elle-même devenir invasive en franchissement la membrane basale entre épiderme et derme. Elle prend alors un aspect d’adénocarcinome sudoral.

Circonstances diagnostiques

Le prurit anal est le symptôme le plus fréquent (jusqu’à 75% des cas) [10]. Les autres symptômes sont les saignements, les douleurs, les suintements ou encore la palpation d’un relief inhabituel voire d’une masse. La maladie de Paget ano-périnéale est asymptomatique dans environ 10% des cas.

L’aspect clinique n’est pas spécifique et volontiers polymorphe : lésions planes érythémateuses ou érythémato-squameuses, eczématiformes voire érosives, ulcérées, suintantes et/ou lichénifiées voire leucoplasiques.

La présence de lésions ulcérées, infiltrées à la palpation, en relief ou nodulaires doit faire suspecter une invasion. Dans cette situation une adénopathie inguinale est parfois présente et doit être recherché par une échographie voire un pet scanner. Cette présentation aspécifique retarde souvent le diagnostic. Le délai peut atteindre 2 ans à partir du début des symptômes [11]. Il est souvent précédé d’un échec des traitements topiques et notamment des dermocorticoïdes. Ainsi, le diagnostic de maladie de Paget doit être évoqué devant toute dermatose prurigineuse chronique, particulièrement en cas d’échec des dermocorticoïdes [9]. Cette situation doit conduire à la réalisation systématique de biopsies cutanées aux ciseaux ou au punch [7]. En cas de lésions étendues, il est recommandé de pratiquer des biopsies multiples (cartographie biopsique). En cas de lésions nodulaires, en relief, des biopsies profondes jusqu’à l’hypoderme sont nécessaires afin de ne pas méconnaître une infiltration [3]. Les principaux diagnostics différentiels sont résumés dans le tableau 2.

Dermatoses infectieusesMycose
Erythrasma
Dermatoses inflammatoiresPsoriasis inversé
Eczéma
Lichen scléreux
Lichen atrophique
Dermatoses tumoralesLésion malpighienne intra-épithéliale de haut grade de la marge anale
Lichénification secondaireGrattage, excès d’hygiène, macération
Tableau 2

Références

  1. Dos Santos JS, Bonafé GA, Pereira JA, Kanno DT, Martinez CAR, Ortega MM. Rare perianal extramammary Paget disease successfully treated using topical Imiquimod therapy. BMC Cancer 2018 ; 18 : 921.
  2. Paget J. On the disease of the mammary gland areola preceding cancer of the mammary gland. St Bartholomew’s Hosp Rep 1874 ; 10 : 87-9.
  3. Kibbi N, Owen JL, Worley B, et al. Evidence-Based Clinical Practice Guidelines for Extramammary Paget Disease. JAMA Oncol 2022 ; 8 : 618-28.
  4. Kyriazanos ID, Stamos NP, Miliadis L, Noussis G, Stoidis CN. Extra-mammary Paget’s disease of the perianal region: a review of the literature emphasizing the operative management technique. Surg Oncol 2011 ; 20 : e61-71.
  5. Darier J, Coulillaud P. Sur un cas de maladie de Paget de la region perineo- anale et scrotale. Ann Dermatol Syphiligr (Paris) 1893 ; 4 : 25e31.
  6. Lam C, Funaro D. Extramammary Paget’s disease: summary of current knowledge. Derm Clin 2010 ; 28 : 807-26.
  7. Fathallah N, Fite C, Duchatelle V, Aubert M, de Parades V. A persistent lesion of the anus. Rev Prat 2018 ; 68 : 531-5.
  8. Minicozzi A, Borzellino G, Momo R, Steccanella F, Pitoni F, de Manzoni G. Perianal Paget’s disease: presentation of six cases and literature review. Int J Colorectal Dis 2010 ; 25 : 1e7.
  9. Thompson HM, Kim JK. Perianal Paget’s Disease. Dis Colon Rectum 2021 ; 64 : 511-5.
  10. Perez DR, Trakarnsanga A, Shia J, et al. Management and outcome of perianal Paget’s disease : a 6-decade institutional experience. Dis Colon Rectum 2014 ; 57 : 747-51.
  11. Rajendran S, Koh CE, Solomon MJ. Extramammary Paget’s disease of the perianal region: a 20-year experience. ANZ J Surg 2017 ; 87 : 132-7.