A. Legrand est spécialisé depuis près d’un siècle dans le matériel de proctologie. L’entreprise assure la conception, la fabrication et la commercialisation non seulement d’équipements comme le photocoagulateur et les systèmes d’éclairage, mais également de dispositifs à usage unique comme les anuscopes, les ligateurs ou encore les rectoscopes. Depuis plusieurs années, la société affirme sa volonté de s’inscrire dans une démarche éco-responsable. Elle a ainsi axé sa production du matériel de proctologie sur une consommation raisonnée et écologique des matières première, limitant ainsi les émissions de gaz à effet de serre ainsi que le volume des déchets. En 2020, A. Legrand a ainsi repensé toute sa chaine de fabrication de ses anuscopes et le conditionnement de l’ensemble de ses dispositifs à usage unique.
L’objectif premier des innovations de l’entreprise est de réduire l’utilisation du plastique issu de la pétro-chimie. L’enjeu est de taille puisque d’après l’Association The SeaCleaners, les émissions cumulées de gaz à effet de serre lors du cycle de vie des plastiques pourraient représenter 10% du budget carbone total en 2050. Il s’agit donc là d’un défi écologique majeur pour le domaine médical, auquel on se trouve confronté dans le cabinet du proctologue.
Pour les lecteurs de La Revue, nous nous sommes entretenus avec Monsieur Vincent MOURONVAL, PDG de la société A. Legrand, afin qu’il nous expose les mesures et nouveautés mises en place ainsi que les projets futurs dans le but de réduire l’empreinte carbone de l’entreprise ainsi que celle des praticiens.
P. M. : Sur le plan écologique, quelles sont les valeurs et les motivations de l’entreprise ?
V. M. : Je ne suis pas né écolo ou éco-responsable. C’est à force de regarder des reportages sur les 6ème et 7ème continents dans lesquels on voit des amas de déchets joncher les rues et les espaces naturels que j’ai pris conscience de l’importance de réduire ma production de déchets. On ne peut plus continuer comme ça, et il est à la portée de tous de faire attention et d’agir pour la protection de la planète par des gestes simples, moins pollueurs.
Sur le plan professionnel, c’est une émission télévisée qui m’a permis d’avoir le déclic : il s’agissait d’un reportage sur un producteur français de maïs dont la production permettait la fabrication de plastique végétal. La démarche était née.
P. M. : Une partie de vos anuscopes est donc dorénavant en plastique végétal : d’où provient cette matière première ?
V. M. : J’avais contacté ce producteur (et d’autres) mais les terres agricoles françaises dédiées à un usage non alimentaire sont limitées, faisant grimper les prix de manière exponentielle. Nous devons nous battre contre les gros donneurs d’ordre que sont les géants de l’agro-alimentaire pour leurs emballages. Je ne me suis pas avoué vaincu pour autant, et j’ai poursuivi mes recherches.
Depuis 2017, le plastique utilisé pour tous les anuscopes à bords droits ainsi que les poussoirs provient de la canne à sucre. Cette dernière est cultivée au Brésil. Selon l’A.D.E.M.E., nous savons aujourd’hui qu’un hectare de culture de canne à sucre permet de produire environ 4 tonnes de plastique végétal, soit une économie estimée de 7,5 tonnes de CO2 par rapport à l’utilisation du pétrole. Cette matière première nous revient 40% plus chère mais nous avons fait le choix de ne pas répercuter ce surcoût sur le prix de vente.
P. M. : Avez-vous pour ambition de remplacer également le plastique, des anuscopes à bords biseautés, rectoscopes, et d’autres dispositifs ?
V. M. : Cela est en effet un de nos objectifs mais il est pour le moment impossible que l’on remplace tout le plastique en raison de la difficulté d’accès au plastique végétal en quantité désirée.
P. M. : Quelles sont les modifications que vous avez opérées concernant l’emballage et le conditionnement ?
V. M. : Lors des commandes, il est désormais possible pour le praticien d’opter pour un mode d’emballage « Zéro déchet » : les anuscopes et rectoscopes sont alors livrés sans sachets individuels. Si toutefois, il opte pour des sachets individuels, ceux-ci sont en papier recyclable, et pourront donc faire l’objet d’un tri pour être recyclés. Ces nouveaux sachets remplacent ceux avec une face papier et l’autre face plastifiée générant davantage de volume de déchets et utilisant du plastique que nous ne souhaitons plus.
De plus, les anuscopes sont maintenant livrés par défaut sans étuis protecteurs pour les dispositifs d’éclairage. Il convient d’en faire la demande si le praticien le souhaite, sans coût supplémentaire.
Le conditionnement a également été repensé afin que les cartons contiennent plus d’unités, que ce soit pour les anuscopes comme tout autre produit vendu, y compris consommable (savons, gels, essuis tout, etc.). Les médecins sont ainsi encouragés à opter pour le conditionnement en grande quantité et les commandes en gros.
Par ailleurs, nous nous sommes rapprochés d’un site de recyclage à qui nous rachetons les fins de stock de cartons afin de les réutiliser pour nos livraisons, notamment en hôpitaux et cliniques.
P. M. : Vous impliquez-vous dans le choix des transporteurs et mode de livraison ?
V. M. : Nous travaillons avec des prestataires reconnus pour leurs engagements sur la limitation d’émissions carbone, notamment le transporteur GLS qui s’implique beaucoup à ce niveau via une politique « THINK GREEN » mise en place et 2008, et disposant d’une certification ISO 14001. Leurs véhicules sont moins polluants et préférentiellement électriques sur petits trajets, ils utilisent également des outils d’optimisation informatique, dispensent des formations etc.
A Paris, nous utilisons quand nous le pouvons des sociétés de coursiers moto mais également à vélo.
P. M. : Existe-il un circuit organisé pour l’élimination des déchets, notamment les anuscopes en plastique végétal ?
V. M. : De toute évidence, ces anuscopes sont moins polluants. Cependant, aucun circuit particulier d’élimination n’est possible puisqu’il reste recommandé que ces déchets soient incinérés, dans la mesure où les dispositifs ont été en contact avec le corps humain et donc potentiellement souillés par des selles ou du sang, avec le risque infectieux en découlant.
P. M. : Existe-il des directives ou aides gouvernementales guidant cette transition écologique ?
V. M. : Non, je n’en ai pas la connaissance et je n’ai pas non plus fait la démarche pour une demande d’aides éventuelles. Néanmoins, lors d’appels d’offre de marchés auprès des hôpitaux et cliniques, nos actions pour la réduction de l’empreinte carbone peuvent entrer en compte et cela reste incitatif.
P. M. : A visée écologique, quels sont vos projets futurs ?
V. M. : Je suis confiant à l’idée m’approvisionner un jour en plastique végétal français, surtout que d’autres matières premières existent et se développent (comme le colza). L’objectif est aussi, comme déjà dit, de remplacer le plastique de toute notre gamme par ces matériaux écologiques.
Toutes ces actions sont importantes et extrapolables à d’autres domaines tant personnels que professionnels. Il appartient à chacun d’agir au quotidien pour la réduction de son impact sur la planète. Au cabinet, cela peut commencer par des gestes simples comme le tri des déchets, l’utilisation de matériel recyclé, recyclable ou réutilisable selon la fonction, en allant jusqu’aux choix des collaborateurs (producteurs, transporteurs, laboratoires) impliqués dans cette démarche comme A. Legrand, mais ces derniers semblent encore en minorité et il reste du chemin à parcourir.