Use of telemedicine in the postoperative assessment of proctological patients: a case-control study
Gaj F, Peracchini M, Passannanti D, Quaresima S, Giovanardi F, Lai Q.
Tech Coloproctol 2022 Nov 2:1-6.
Mots clés
Télémédecine, suites opératoires, chirurgie proctologique, WhatsApp
Appréciation
La pandémie récente de COVID-19 a conduit la communauté médicale à utiliser davantage la télémédecine devant la restriction d’accès aux soins et aux soignants, avec par exemple une démocratisation de la messagerie WhatsApp, permettant la communication entre patients et médecins, dans la période postopératoire notamment. Le postulat de la présente étude était que l’utilisation de la télémédecine pourrait améliorer la perception de la sécurité et de la qualité des soins après chirurgie proctologique.
Un protocole a été mis en place après le retour à domicile des patients après chirurgie proctologique, au cours de la première semaine après l’intervention, sur la base d’un journal quotidien, envoyé par le patient à son chirurgien via l’application WhatsApp. La pertinence et l’efficacité de ce protocole ont été évaluées par questionnaire un mois après la chirurgie.
Sur l’année 2019, 98 patients opérés en proctologie (environ la moitié pour une maladie hémorroïdaire), à Rome, sur deux centres (hôpital israélite et clinique AOU Umberto I), ont été répartis en deux groupes.
Le groupe A était composé de 36 patients opérés entre le 1er septembre et le 31 décembre 2019, par le même opérateur. Ils avaient reçu un protocole à compléter quotidiennement après leur sortie, et à renvoyer à leur chirurgien via WhatsApp. Ce protocole contenait des recommandations à suivre : alimentation riche en fibres, hydratation suffisante (3L d’eau par jour), soins d’hygiène deux fois par jour et après chaque selle, traitements médicamenteux laxatif, ferments lactiques et antalgiques (cases à cocher si la recommandation était suivie), et on demandait aux patients de noter le nombre de selles par jour et leur consistance, la température si supérieure à 38,5°c et les éventuels saignements, et également d’évaluer leur douleur entre 0 et 10. Les patients prenaient une photo du protocole dûment rempli chaque jour, et l’envoyaient à leur chirurgien à J3 et J7 de la première semaine post opératoire.
Il était comparé au groupe B, concernant 62 patients opérés entre le 1er janvier et le 31 aout de la même année, toujours par le même opérateur, qui avaient reçu de « simples » recommandations à suivre après leur sortie, à propos de l’alimentation, l’hydratation, les traitements à prendre… Ceux-là n’étaient pas en contact direct avec l’équipe médicale et les données recueillies dans le protocole étaient colligées de façon rétrospective.
Un mois après la chirurgie pour les patients du groupe A (groupe WhatsApp), dans un délai plus long pour les patients du groupe B, on demandait aux récents opérés de répondre par téléphone à une enquête par questionnaire comprenant 6 questions. Ces questions portaient sur le caractère compréhensible ou non du protocole (pour le groupe A) ou des recommandations postopératoires (pour le groupe B), sur la facilité de remplissage du protocole (pour le groupe A seulement), sur l’utilité du protocole ou des recommandations mis en place, et enfin sur la vision qu’avait le patient de l’utilisation de WhatsApp dans cette utilisation précise (moyen de communication ou violation de la vie privée, pour le groupe A seulement).
Aucune différence significative n’était notée entre les deux groupes en termes d’âge, sexe, niveau d’études, profession et pathologie proctologique opérée. La « compréhensibilité » était significativement meilleure pour le groupe A avec protocole et WhatsApp que pour le groupe B avec recommandations écrites seulement. Seul un patient du groupe A jugeait le remplissage du protocole compliqué. 86,1% des patients du groupe A trouvaient que le protocole rempli au quotidien et envoyé par WhatsApp était de nature à améliorer les résultats de l’intervention chirurgicale, contre 59,7% dans le groupe B avec recommandations seules (p = 0,007). Une sensation de mieux-être dans la période post opératoire grâce au protocole de sortie était notée chez 100% des patients du groupe A vs 77,4% du groupe B (p = 0,002).
Cette étude a montré que l’outil WhatsApp utilisé dans un but de communication entre patient et chirurgien dans la première semaine après chirurgie proctologique apportait une meilleure perception de cette période par les patients. En effet, le fait d’envoyer au chirurgien régulièrement les réponses au protocole incitait les patients à une meilleure observance aux traitements et aux conseils postopératoires et leur procurait un sentiment de réassurance et de sécurité.
Toutefois on ne sait pas si l’utilisation de la télémédecine en postopératoire aidait à améliorer les résultats de la chirurgie en elle-même, ni si elle aurait permis une prise en charge accélérée et d’éviter d’éventuelles complications postopératoires. On ne sait pas non plus quelle surcharge de travail cela a pu engendrer pour le chirurgien.
La télémédecine est incontestablement un outil d’avenir, eu égard aux nombreux avantages qu’elle comporte : réduction des coûts de santé et de transport, économies d’énergie par limitation des déplacements, diminution des arrêts de travail, et même limitation de la propagation des virus en période d’épidémie dans les salles d’attente. Par ailleurs les données colligées devront pouvoir servir à alimenter des bases de données, utiles à l’amélioration de nos pratiques. Mais elle a ses limites, la principale étant de ne pas permettre la pratique d’un examen physique.
Reste à évaluer la télémédecine comme alternative à la médecine « présentielle » et non comme nécessité en période de réduction d’accès aux soins (pour cause de pandémie par exemple). De plus ces résultats méritent d’être confirmés au sein d’échantillons plus larges de patients et par des études prospectives contrôlées randomisées.
A suivre…