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La perspective d’un traitement endoscopique par toxine botulique pour nos patientes incontinentes souffrant d’impériosités !

Intrarectal injections of botulinum toxin versus placebo for the treatment of urge faecal incontinence in adults (FI-Toxin): a double-blind, multicentre, randomised, controlled phase 3 study.

Leroi AM, Queralto M, Zerbib F, Siproudhis L, Vitton V, Amarenco G, Etienney I, Mion F, Bridoux V, Philip J, Brochard C, Damon H, Lacroix E, Gillibert A, Gourcerol G.

Lancet Gastroenterol Hepatol. 2023 Dec 15:S2468-1253(23)00332-1.

Mots clés

Incontinence, impériosités, rectum, toxine botulique

Appréciation

La toxine botulique est utilisée depuis plusieurs années en urologie pour traiter l’incontinence urinaire par hyperactivité vésicale par injection dans le muscle détrusor lors d’une endoscopie vésicale avec une bonne tolérance et une efficacité reconnue 1.

En colo-proctologie, l’hyperactivité motrice du recto-sigmoïde a été identifiée comme l’un des principaux mécanismes d’incontinence anale par impériosité 2 et est à l’origine d’une altération majeure de la qualité de vie des patients.

L’injection sous-muqueuse de toxine botulique a fait l’objet de deux séries de cas préliminaires au cours des 15 dernières années. La première série, chez 6 patients ayant eu une proctectomie avec hyperactivité du réservoir, a permis d’observer une amélioration des symptômes d’incontinence, des scores de qualité de vie et des données manométriques 3. La seconde, portant sur 26 patients dont 17 avaient un rectum natif, a montré que les scores d’incontinence de Cleveland passaient de 15 à 8 (p= 0,001) 3 mois après injection sous-muqueuse de toxine botulique, avec une amélioration prolongée dans le temps et des injections renouvelées chez près d’un patient sur deux 4.

Il s’agit bien ici du premier essai randomisé contrôlé contre placebo de phase 3 évaluant l’efficacité des injections sous-muqueuses de toxine botulique dans l’incontinence anale par impériosité. Entre novembre 2015 et novembre 2020, 200 patients ont été inclus et 191 analysés (92% de femmes, d’âge moyen 61,7 ans). Ils souffraient d’incontinence anale par impériosité pure malgré les traitements médicaux, la rééducation par biofeedback ou la neurostimulation.

Les injections de toxine étaient pratiquées lors d’une recto-sigmoïdoscopie sans anesthésie, après une préparation colique complète par PEG : 200 unités (Botox® ; Allergan, Irvine, CA, USA) étaient injectées en sous-muqueux, dans la paroi rectale, de façon hémi-circonférentielle, en 11 sites situés entre 5 et 15 cm de la marge anale.

Le critère principal de jugement était le nombre d’épisodes d’incontinence ou d’impériosités à 3 mois de l’injection. Les patients du groupe contrôle recevaient une éventuelle injection de toxine de rattrapage après le 6ème mois et la levée l’aveugle.

Le nombre d’impériosités ou d’épisodes d’incontinence à 3 mois est passé de 1,9 à 0,8 dans le groupe traité par toxine contre un passage de 1,4 à 1,0 dans le groupe placebo. Cet effet n’était pas significatif à 6 mois. Les patients traités retrouvaient une capacité à reporter les passages à la selle. En outre, 76 % des patients traités par toxine ont déclaré un bénéfice contre 40% dans le groupe contrôle (p<0,0001). Enfin, il y avait un impact positif sur la qualité de vie (score FIQL). La tolérance était bonne et le principal effet indésirable était la constipation dans le groupe traité (jusqu’à 40%). Les données manométriques ne mettaient pas en évidence de différence significative de la physiologie recto-sigmoïdienne.

Il s’agit d’une étude de forte puissance utilisant un critère principal de jugement composite, afin de prendre en compte les symptômes d’impériosité qui sont très mal vécus par les patients et sont souvent non pris en compte dans les études sur l’incontinence fécale et les scores cliniques d’incontinence. Cette voie thérapeutique d’injection endoscopique est nouvelle arme en devenir dans notre arsenal thérapeutique souvent insuffisant pour soulager efficacement ces patients souffrant d’impériosités. D’autre travaux devront préciser les critères pronostiques de réponse au traitement, les meilleurs protocoles d’administration, de doses, etc.

A suivre donc…

Références

  1. Rapp DE, Lucioni A, Katz EE, O’Connor RC, Gerber GS and Bales GT: Use of botulinum-A toxin for the treatment of refractory overactive bladder symptoms: an initial experience. Urology 2004 ; 63 : 1071-5. ↩︎
  2. Chan CLH, Lunniss PJ, Wang D, Williams NS, Scott SM. Rectal sensorimotor dysfunction in patients with urge faecal incontinence: evidence from prolonged manometric studies. Gut 2005 ; 54 : 1263-72. ↩︎
  3. Bridoux V, Gourcerol G, Kianifard B, et al. Botulinum A toxin as a treatment for overactive rectum with associated faecal incontinence. Colorectal Dis 2012 ; 14 : 342-8. ↩︎
  4. Gourcerol G, Bénard C, Melchior C, et al. Botulinum toxin:
    an endoscopic approach for treating fecal incontinence. Endoscopy 2016 ; 48 : 484-8. ↩︎