Sacral Neuromodulation in Patients With Low Anterior Resection Syndrome: The SANLARS Randomized Clinical Trial
Marinello F, Fraccalvieri D, Planellas P, Adell Trapé M, Gil JM, Kreisler E, Pellino G, Espín-Basany E.
Dis Colon Rectum. 2024 Mar 1;67(3):435-447.
Mots clés
LARS, neuromodulation sacrée
Appréciation
En dehors du succès des stratégies de préservation d’organe, la résection antérieure du rectum occupe une place prépondérante dans la prise en charge du cancer du rectum. Les séquelles fonctionnelles digestives à long terme causées par cette chirurgie, impactant significativement la qualité de vie, ont été regroupées sous l’appellation de syndrome de la résection rectale (LARS) intégrant les troubles de la continence anale, les impériosités, la fréquence des selles et la fragmentation des selles 1.
Actuellement, la prise en charge du LARS repose sur des recommandations d’experts et ne fait pas l’objet d’un consensus corroboré par des études de fort niveau de preuve. Elle débute par une prise en charge médicale conservatrice comprenant des conseils diététiques, une régularisation du transit et de la kinésithérapie. En cas d’échec, l’utilisation d’irrigations coliques et la neuromodulation des racines sacrées sont proposées en dernier recours avant d’envisager une colostomie définitive en cas d’impact majeur sur la qualité de vie des patients.
Les résultats de la neuromodulation des racines sacrées dans le traitement du LARS ont été rapportés dans des séries rétrospectives. Le taux de succès est assez intéressant avec environ 90% de tests positifs et un succès thérapeutique chez 75% des patients implantés 2. Les effets bénéfiques portent essentiellement sur une diminution du nombre de fuites, une diminution du score de Wexner et une amélioration de la qualité de vie.
A l’initiative de l’équipe de Franco Marinello (Hôpital Vall d’Hebron, Barcelone), le premier essai randomisé évaluant les résultats de la neuromodulation sacrée dans la prise en charge du LARS a été mis en place.
Les patients de l’étude avaient eu une résection antérieure du rectum au moins un an avant l’inclusion et avaient un LARS majeur (score de LARS > 29) en échec de traitement conservateur. Ils bénéficiaient d’un test de neuromodulation puis, en cas de test positif après 3 semaines (diminution d’au moins 50% du score de LARS), le générateur était mis en place. Immédiatement après cette phase, les patients étaient randomisés en double aveugle en 2 groupes : stimulation active « ON » et absence de stimulation « OFF » pendant 4 semaines. Ensuite, après une période de washout de 2 semaines (pile éteinte), la séquence était inversée selon le principe du cross-over pendant 4 semaines : le générateur restait éteint si les patients étaient initialement stimulés (ON->OFF) et le générateur était activé si les patients n’étaient initialement pas stimulés (OFF->ON). La stimulation était laissée active passé ce délai et ce jusqu’à 12 mois (Figure 1).
Le critère de jugement principal de l’étude était le score de LARS. Les autres données recueillies étaient la qualité de vie et un calendrier des selles permettant d’évaluer les urgences défécatoires, les fuites et la qualité de l’évacuation.
Un total de 46 patients a ainsi bénéficié d’un test de neuromodulation qui s’est avéré positif chez 35 d’entre eux soit un taux de succès du test de 76%. Une donnée intéressante est que les patients ayant eu une fistule anastomotique en postopératoire étaient plus à risque de ne pas répondre au test. Trente-cinq patients ont donc été randomisés : 18 dans le groupe OFF->ON et 17 dans le groupe ON->OFF.
Après la période de test, le score de LARS diminuait en moyenne de 15 points de manière significative. Lors de la période de cross-over, il était retrouvé une réascension du score de LARS dans le groupe OFF->ON lorsque la pile était éteinte puis une diminution non significative à l’activation secondaire de la pile. Dans le groupe ON->OFF, la désactivation de la pile entrainait une réascension significative du score de LARS.
Après 6 et 12 mois de stimulation active, à l’échelle de la cohorte, il existait un bénéfice significatif du traitement par neuromodulation sacrée avec une diminution moyenne du score de LARS d’environ 7 points. Le score moyen à un an était de 30,97 en comparaison avec un score initial de 37,94 (p<0,001).
De la même manière, un bénéfice était retrouvé sur le score d’incontinence fécale avec une amélioration d’environ 40% en comparaison avec la situation initiale. Il existait une amélioration significative des urgences défécatoires, de la qualité de l’évacuation et de la discrimination gaz/selles. Le taux de satisfaction des patients était de 83% après le test et de 68 et 70% respectivement à 6 et 12 mois. Sur le plan de la qualité de vie, il était retrouvé une amélioration globale de l’état de santé et une diminution de la fatigue, des douleurs et des insomnies.
Les auteurs ont donc conclu au bénéfice de la neuromodulation sacrée dans le traitement du LARS en termes d’amélioration des scores de LARS et d’incontinence mais aussi des problématiques d’urgences défécatoires, de fragmentation des selles et de troubles de la discrimination gaz/selles. Corrélativement, la qualité de vie était améliorée.
Cependant, l’amélioration très significative du score de LARS retrouvée après la phase de test n’était pas maintenue dans le temps à 6 et 12 mois. Ces données diffèrent des résultats de la littérature mais sont expliquées par une mauvaise performance du score de LARS dans l’évaluation qualitative des troubles fonctionnels. En effet, les résultats des scores de continence, les symptômes spécifiques (urgences, fragmentation, vidange rectale) et la qualité de vie étaient très améliorés en dépit d’un effet moins substantiel sur le score de LARS.
A juste titre, les auteurs signalent quelques limites à cet essai. Tout d’abord, l’objectif principal de l’essai, qui était une réduction de 40% du score de LARS à un an, n’a pas été atteint. L’évaluation des bénéfices fonctionnels de la neuromodulation devrait plutôt se référer à d’autres critères tels que la qualité de vie. Ensuite, le délai entre stimulation active et inactive est critiquable en raison d’un risque d’efficacité persistante de la stimulation après l’arrêt de la thérapie qui peut donc limiter l’interprétation des effets purement attribuables à la neurostimulation.
Les données de cet essai randomisé vont tout de même dans le sens de l’utilisation de la neuromodulation sacrée dans le LARS. Tout l’enjeu est de savoir où placer cette thérapie dans l’escalade thérapeutique. Cette procédure a l’avantage d’être très bien tolérée par les patients et entraîne peu de complications. L’acceptabilité des autres thérapeutiques, notamment les irrigations coliques antérogrades ou rétrogrades qui peuvent s’avérer invasives et astreignantes, doit être discutée avec les patients et mise en balance avec le coût élevé de la neuromodulation. Espérons que la prise en charge moderne du LARS permettra de diminuer le taux de colostomies définitives après résection rectale pouvant avoisiner les 20% à 10 ans 3.
Plus que la prise en charge du LARS, c’est bien sur la prévention qu’il faut miser. Actuellement, les résultats fonctionnels des stratégies d’omission ou de fermeture précoce de l’iléostomie ainsi que de la préservation d’organe sont à l’étude 4,5. Leur bénéfice reste à démontrer mais, souhaitons-le, permettra d’améliorer le confort des patients pris en charge pour un cancer du rectum dans les années à venir.
Références
- Emmertsen KJ, Laurberg S. Low Anterior Resection Syndrome Score: Development and Validation of a Symptom-Based Scoring System for Bowel Dysfunction After Low Anterior Resection for Rectal Cancer. Annals of Surgery 2012;255:922–8. https://doi.org/10.1097/SLA.0b013e31824f1c21. ↩︎
- Pires M, Severo M, Lopes A, Neves S, Matzel K, Povo A. Sacral neuromodulation for low anterior resection syndrome: current status—a systematic review and meta-analysis. Int J Colorectal Dis 2023;38:189. https://doi.org/10.1007/s00384-023-04485-8. ↩︎
- Celerier B, Denost Q, Van Geluwe B, Pontallier A, Rullier E. The risk of definitive stoma formation at 10 years after low and ultralow anterior resection for rectal cancer. Colorectal Disease 2016;18:59–66. https://doi.org/10.1111/codi.13124. ↩︎
- Denost Q, Sylla D, Fleming C, Maillou‐Martinaud H, Preaubert‐Hayes N, Benard A, et al. A phase III randomized trial evaluating the quality of life impact of a tailored versus systematic use of defunctioning ileostomy following total mesorectal excision for rectal cancer— GRECCAR 17 trial protocol. Colorectal Disease 2023;25:443–52. https://doi.org/10.1111/codi.16428. ↩︎
- Bach SP, the STAR‐TREC Collaborative. Can we Save the rectum by watchful waiting or TransAnal surgery following (chemo)Radiotherapy versus Total mesorectal excision for early REctal Cancer (STAR‐TREC)? Protocol for the international, multicentre, rolling phase II/III partially randomized patient preference trial evaluating long‐course concurrent chemoradiotherapy versus short‐course radiotherapy organ preservation approaches. Colorectal Disease 2022;24:639–51. https://doi.org/10.1111/codi.16056. ↩︎