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La fissure anale : une rupture douloureuse…

Abréviations

FA : fissure anale
IA : incontinence anale
SLI : sphinctérotomie latérale interne

Introduction et définition

La fissure anale (FA) est la 2ème cause de consultation en proctologie après la pathologie hémorroïdaire. Elle représenterait 10% des motifs de consultation en proctologie 1. Sa fréquence est estimée entre 10 et 15% dans la population générale.

La FA correspond à une déchirure du revêtement cutané de la partie basse du canal anal qui s’étend vers le haut jusqu’à la ligne pectinée, sans jamais la dépasser. Elle concerne surtout l’adulte d’âge moyen (entre 30 et 50 ans) avec une incidence équivalente dans les deux sexes. On parle de FA aiguë lorsqu’elle évolue depuis moins de 6 semaines et de FA chronique au-delà 2. Les principales complications de la FA sont la FA hyperalgique, la récidive après guérison, le passage à la chronicité et l’infection.

Physiopathologie

La physiopathologie de la FA idiopathique reste imparfaitement comprise. Elle fait dans tous les cas intervenir un traumatisme initial responsable de la déchirure. Il s’agit le plus souvent de selles dures avec d’importants efforts de poussée dans un contexte de constipation. Plus rarement il peut s’agir d’une irritation dans un contexte de diarrhée voire d’un traumatisme par un facteur mécanique extérieur (rapport sexuel ou introduction intra-anale ou intra-rectale d’un dispositif par exemple). Enfin, la FA est également fréquente dans les suites d’un accouchement et alors souvent antérieure. La FA est à l’origine d’une contracture sphinctérienne « réflexe » responsable d’un phénomène d’ischémie qui pourrait empêcher la cicatrisation. Cette hypertonie participe également aux douleurs parfois intenses.

Symptômes et présentation clinique

La douleur rythmée par la défécation est le principal symptôme. Elle évolue en trois temps permettant de suspecter le diagnostic dès l’interrogatoire :

  • une douleur immédiate au cours de la défécation (liée au passage des selles), puis
  • une période d’accalmie transitoire et enfin
  • une recrudescence de la douleur de durée variable, quelques minutes à quelques heures (liée à la contracture sphinctérienne).

Il est classique d’observer des saignements de sang rouge vif à la défécation. Contrairement aux saignements de cause hémorroïdaire qui sont indolores, les saignements fissuraires sont fréquemment contemporains de la douleur. Enfin, en cas d’infection des écoulements purulents par l’anus ou par un orifice cutané au niveau de la marge anale sont possibles.

Le diagnostic de FA est posé à l’inspection de la marge anale. L’examen est parfois difficile du fait de la contracture sphinctérienne. Il est important de bien déplisser la marge anale au risque sinon de ne pas voir la FA. On peut demander au patient de pousser légèrement afin de mieux s’exposer. La FA se situe dans 80 à 90% des cas au pôle postérieur (zone physiologiquement la moins bien vascularisée et la plus exposée aux traumatismes du fait de l’orientation en triangle des fibres musculaires du sphincter anal externe à ce niveau) (figure 1). Elle a la forme d’une raquette dont le « manche » se prolonge dans le canal anal. Le toucher anorectal n’est pas utile au diagnostic. S’il est réalisé, le toucher est très douloureux et confirme l’hypertonie sphinctérienne. L’anuscopie est inutile au diagnostic et est rarement réalisée en période aiguë du fait de la douleur. En cas de FA anale hyperalgique, le principal diagnostic différentiel est l’abcès intramural du rectum. Un examen sous anesthésie générale ou loco-régionale est parfois nécessaire pour redresser le diagnostic.

En cas de FA chronique, les berges de la FA apparaissent souvent décollées et épaissies. Les fibres musculaires du sphincter interne peuvent être visibles dans le lit fissuraire. Une marisque et une papille hypertrophique sont fréquemment associées à la FA (figure 2). Avec le temps la FA devient souvent moins douloureuse et la contracture sphinctérienne peut être absente.

La présence d’un enduit puriforme dans le lit de la fissure n’est pas un signe d’infection, mais résulte de la sécrétion de la plaie et de la macération locale.

En cas de FA infectée (figure 3), il existe un abcès et/ou une fistule sous la fissure. La présentation est variable : palpation d’un nodule induré sous le lit fissuraire, visualisation d’une issue de pus par la FA, voire d’un orifice secondaire fistuleux le plus souvent proche de la FA qui est souvent cicatrisée à ce stade. Le diagnostic peut également être posé devant un véritable abcès de la marge anale, plus rarement de la fesse.

Enfin, une FA latérale et/ou indolore et/ou indurée ou très creusante, étendue au-delà de la ligne pectinée est atypique et doit faire évoquer entre autres, une maladie de Crohn (figures 4), un carcinome épidermoïde (figure 5) ou une infection sexuellement transmissible (figure 6) (tableau 1). Le traitement est alors spécifique de la cause sous-jacente.

Maladie de Crohn 
Infection sexuellement transmissible : gonocoque, chlamydia, syphilis (chancre, syphilis secondaire), VIH
Carcinome épidermoïde
Tuberculose
Ulcération traumatique
Maladie de système : Behçet, sarcoïdose
Agranulocytose, hémopathie
Tableau 1 : Principaux diagnostics différentiels devant une fissure anale « atypique »

Examens complémentaires

Le diagnostic de FA anale est clinique. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic. Les examens complémentaires sont indiqués pour éliminer un cancer colo-rectal en cas de rectorragies (après 40 ou 45 ans), une cause de FA secondaire ou en cas de doute sur une surinfection faire le bilan du trajet fistuleux sous-jacent (échographie endo-anale ou IRM anopérinéale). Enfin, les dernières recommandations italiennes suggèrent l’intérêt de la manométrie anorectale en cas de FA anale chronique afin d’évaluer le tonus sphinctérien et de guider le traitement chirurgical 3. Sa place apparaît cependant limitée chez des patients souvent algiques.

Prise en charge

Un algorithme de prise en charge est proposé figure 7 d’après [4]

Algorithme de prise en charge
Figure 7 : Algorithme de prise en charge de la fissure anale idiopathique d’après [4 et 5]

Le traitement médical et conservateur

Le traitement médical est recommandé en première intention sauf pour la FA infectée dont le traitement est chirurgical. En cas de FA anale hyperalgique, sa durée sera limitée s’il n’est pas rapidement efficace. Il a trois objectifs principaux : soulager les symptômes, traiter le facteur déclenchant (une constipation le plus souvent) et obtenir la cicatrisation de la FA 4, 5.

La correction du trouble du transit

C’est l’élément essentiel. Le traitement médical non spécifique associe des bains de siège, des règles hygiéno-diététiques avec un régime riche en fibres, des laxatifs à dose efficace permettant d’obtenir des selles molles (« bouse de vache ») prescrits même chez les patients non constipés (plus rarement des ralentisseurs du transit en cas de diarrhée), des antalgiques et fréquemment (mais sans données scientifiques solides concernant leur efficacité) des crèmes à visée antalgique et cicatrisante. Ce traitement permet de guérir près de 90% des FA aiguës dans un délai de 3 semaines.

Le traitement médical spécifique

Il peut être associé d’emblée en cas de FA aiguë et chronique, ou en cas d’échec du traitement médical non spécifique. Il s’agit des topiques à base de dérivés nitrés (Rectogésic®) et surtout d’inhibiteurs calciques (Nifexine® ou à défaut par préparation magistrale à base de diltiazem ou de nicardipine). Ces topiques ont un effet myorelaxant sur le sphincter anal. Ils permettent de diminuer la contracture sphinctérienne et ainsi diminuer la douleur et améliorer la vascularisation locale qui favorisera la cicatrisation. L’efficacité de ces différents myorelaxants semble assez proche 6. Le taux de cicatrisation est d’environ 50% pour les dérivés nitrés en cas de FA chronique avec cependant un taux de récidive à long terme compris entre 51 et 67% 5. Les dérivés nitrés sont responsables d’effets secondaires, principalement des céphalées (jusqu’à 30% des patients), qui peuvent aboutir à l’interruption du traitement. Actuellement l’utilisation d’inhibiteurs calciques est privilégiée. Ils ont une efficacité similaire à celle des dérivés nitrés, avec moins d’effets secondaires (prurit essentiellement) et permettent d’obtenir un taux de cicatrisation de 65 à 95 %. Comparés à la toxine botulinique, un essai randomisé a montré une efficacité équivalente sur la douleur et la cicatrisation locale à trois mois 7. L’utilisation de la nifédipine ou du diltiazem par voie orale est possible avec une efficacité similaire mais avec des effets secondaires systémiques plus importants que la préparation topique et sans AMM pour cette indication.

L’observance du traitement médical (spécifique ou non) est dans tous les cas un facteur déterminant. Un traitement bien conduit multiplie par 3 le taux de cicatrisation. Un délai de 6 à 8 semaines est généralement retenu avant de conclure à l’échec du traitement.

L’injection locale de toxine botulinique

L’injection locale de toxine botulinique (qui agit au niveau de la plaque motrice en bloquant la recapture pré-synaptique de l’acétylcholine) a été largement étudiée. La toxine botulinique a une efficacité supérieure au placebo et équivalente à celles des traitements topiques à base d’inhibiteurs calciques et de dérivés nitrés 2-5. Une seule étude multicentrique randomisée a montré un taux de guérison supérieur de l’injection locale de toxine botulinique en comparaison aux dérivés nitrés 8. Le bénéfice de la toxine botulinique en cas d’échec du traitement médical spécifique apparaît donc modeste 2. En revanche, l’association de la toxine botulinique au traitement médical spécifique semble améliorer le taux de guérison. La toxine botulinique est moins efficace que la sphinctérotomie latérale chirurgicale (SLI) mais le risque d’incontinence anale (IA) est inférieur. Elle pourrait être une alternative pour les patients ayant une ou plusieurs contre-indications chirurgicales ou ceux ayant un haut risque d’IA 5. Le taux de récidive est cependant élevé, 50 % à un an. Les recommandations italiennes suggèrent que l’injection locale de toxine botulinique pourrait être une option en 2ème ligne de traitement en cas d’échec des topiques à base d’inhibiteurs calciques et de dérivés nitrés (faible niveau de preuve) 3. Il n’existe pas de protocole standardisé (produit, doses, nombre et site d’injection). Le site d’injection est fréquemment situé entre 3 et 9 h ou de part et d’autre de la FA. La toxine botulinique expose à un risque d’IA transitoire (environ 5%). En France la toxine botulinique n’est pas remboursée et n’a pas l’AMM dans cette indication.

Les techniques de neuromodulation

Enfin, plusieurs travaux ont évalué les techniques de neuromodulation, qu’elle soit implantée (Neuromodulation des Racines Sacrées – NMS) ou par voir percutanée ou transcutanée (stimulation du nerf tibial postérieur – pTENS, TENS) pour le traitement de la FA chronique. Le mécanisme d’action n’est pas certain. La diminution des douleurs s’appuierait sur la théorie du « gate control ». Il est possible aussi que le TENS améliore la constipation des patients aidant ainsi à la cicatrisation. Bien que de nombreux travaux aient été publiés, la littérature reste hétérogène et le niveau de preuve limité 9. Un essai contrôlé randomisé a comparé la pTENS aux dérivés nitrés topiques. Le taux de cicatrisation après 2 mois de traitement était supérieur dans le groupe pTENS (87,5% versus 65% dans le groupe dérivé nitrés) avec une meilleure tolérance 10. A contrario, le TENS apparaît moins efficace que la SLI. Dans les dernières recommandations italiennes, la pTENS pourrait représenter une alternative à la chirurgie pour les patients ayant une ou plusieurs contre-indications chirurgicales ou refusant la chirurgie 3. Toutefois, les résultats de ces études sur de petits effectifs méritent d’être confirmés. D’autre part le risque de récidive est élevé, environ 40% à un an. Enfin, la lourdeur du dispositif (particulièrement la NMS et le pTENS), la disponibilité du matériel et son coût limitent sa diffusion.

Le traitement chirurgical

Le traitement chirurgical est proposé en cas d’échec du traitement médical, de FA récidivante ou d’emblée en cas de FA infectée ou hyperalgique. Si les indications sont relativement consensuelles, le choix de la technique chirurgicale est plus discuté. La sphinctérotomie latérale interne (SLI) est considérée comme le traitement de référence dans les pays anglo-saxons et la plupart des pays européens alors qu’en France la fissurectomie avec ou sans anoplastie muqueuse est la technique privilégiée 2, 3, 5.

La SLI bénéficie d’une littérature abondante. Elle consiste à réaliser une section partielle du sphincter interne soit jusqu’à la ligne pectinée soit jusqu’à l’apex de la fissure (« tailored sphincterotomy »). L’objectif est de diminuer la pression de repos pour permettre la cicatrisation de la FA qui est laissée en place. La sphinctérotomie est réalisée latéralement (sur le rayon de 9h ou de 3h) pour limiter le risque de déformation du canal anal « en trou de serrure » 11 (figure 8). Le geste est rapide, réalisé sous anesthésie locale, locorégionale ou générale. On décrit deux techniques de sphinctérotomie : la sphinctérotomie ouverte ou fermée (les fibres du sphincter interne sont sectionnées en passant sous la peau à l’aide d’un bistouri sans effraction de la muqueuse et de la sous-muqueuse du canal anal). Ces deux techniques ont une efficacité similaire 2, 3. En revanche, les douleurs post-opératoires et le risque de retard de cicatrisation seraient plus élevés avec la sphinctérotomie ouverte alors que la sphinctérotomie fermée serait plus à risque de complications infectieuses. Dans tous les cas la cicatrisation est rapide (quelques jours pour la technique fermée) et la régression de la douleur quasi immédiate.

Plusieurs essais randomisés et contrôlés ont confirmé la supériorité de la SLI par rapport aux dérivés nitrés, aux inhibiteurs calciques ou encore à l’injection de toxine botulinique avec des taux de guérison de 88 à 100%, un risque faible de récidive (moins de 10%) et des suites opératoires relativement simples 2-5. La complication la plus grave de la sphinctérotomie est l’IA qui concernerait jusqu’à 30% des patients selon les études. Cependant ce taux est probablement surestimé aujourd’hui. Les résultats d’une méta-analyse de 2017 rapportaient un taux de 3,4% pour les études effectuées après l’année 2000 (contre 10% avant) 12. Il s’agit principalement d’une IA aux gaz et des suintements, plus rarement d’une IA aux selles. Le développement de la sphinctéromie contrôlée ou sur mesure (« tailored sphincterotomy ») explique probablement en partie cette diminution du risque d’IA par rapport aux études les plus anciennes. En effet la SLI contrôlée limite la section du sphincter interne à l’apex de la FA. Cette technique diminue le risque d’IA avec des résultats équivalents à la sphinctérotomie classique. C’est la technique préconisée par les recommandations américaines 2.

En cas de récidive de la FA, la réalisation d’une nouvelle sphinctérotomie serait possible sans augmenter de manière significative le risque d’IA. Mais les données de la littérature sont limitées.

Dans tous les cas la sélection des patients pouvant bénéficier d’une SLI est essentielle : présence d’une hypertonie sphinctérienne, absence d’IA préexistante, absence de facteurs de risque d’IA (antécédent d’accouchement traumatique, rupture sphinctérienne connue, diarrhée chronique, maladie de Crohn, etc.). La définition de l’hypertonie anale chez un malade fissuraire est sujette à discussion. Elle est, dans les études italiennes notamment 3, définie en manométrie. Pour certains elle pourrait être évaluée lors d’un toucher anal effectué soit sur un malade vigile, soit lors d’une anesthésie générale…  Il faut être particulièrement prudent dans l’indication d’une sphinctérotomie chez la femme. Certains auteurs préconisent la réalisation d’une manométrie anorectale et d’une échographie endo-anale avant d’envisager une sphinctérotomie afin d’éliminer une faiblesse et/ou une rutpure sphinctérienne préexistante.

Même si la SLI est le traitement chirurgical de choix pour la plupart des sociétés savantes, en France, la technique chirurgicale de référence reste à ce jour la fissurectomie (avec ou sans anoplastie) (figures 9) 4, 5. C’est une « exception à la française » motivée par le risque d’IA après SLI. La fissurectomie consiste à réséquer les berges de la FA en emportant ses annexes (marisque et papille hypertrophique). Le but est de permettre la régénération d’un tissu de meilleure qualité. Par rapport à la SLI, la fissurectomie épargne (théoriquement) le sphincter anal interne. Par ailleurs, elle permet l’analyse histologique de la FA (cf les diagnostics différentiels) et l’exérèse des annexes. L’intervention est rapide, réalisée sous anesthésie générale ou locorégionale et en ambulatoire le plus souvent. La littérature est plus pauvre que pour la SLI. Plusieurs études observationnelles ont montré un taux de guérison élevé, supérieur à 90%, un taux de récidive d’environ 10% 13-17 et un risque faible d’IA (entre 0 et 7%). L’injection per-opératoire de toxine botulinique en association à la fissurectomie améliorerait le taux de guérison mais le niveau de preuve reste faible 16. Malgré les bons résultats de la fissurectomie, la plupart des données de la littérature sont en faveur de la SLI. Deux essais contrôlés randomisés ayant comparé la fissurectomie et la SLI ont montré un taux de satisfaction postopératoire des patients supérieur dans le groupe SLI et un taux d’IA plus élevé dans le groupe fissurectomie 18, 19. Une méta-analyse de la Cochrane a montré un taux de guérison plus élevé et un risque similaire d’IA après SLI par rapport à la fissurectomie 20. Dans une étude multicentrique prospective française, le taux d’IA de novo (score de Wexner > 5) après fissurectomie (dont 83% avec anoplastie muqueuse) était de 7% 14. Il s’agit d’une fourchette haute. La fissurectomie reste considérée comme une intervention à faible risque d’IA. Toutefois, même s’il s’agit d’une technique « d’épargne sphinctérienne », le risque d’IA n’est pas nul et le patient doit en être informé. Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’IA : lésions du sphincter interne lors de la mise en place des écarteurs, lors de la dissection, coagulation des fibres musculaires lors de l’hémostase per-opératoire ou encore déformation anale post-opératoire, même minime, « en trou de serrure ». Il s’agit le plus souvent de fuites de gaz et exceptionnellement d’une IA aux selles. Les autres complications post-opératoires sont les retards de cicatrisation, les infections, la rétention aiguë d’urine (plus fréquente qu’après SLI) et le fécalome. Les suites opératoires après fissurectomie sont globalement plus contraignantes qu’après SLI. La durée de cicatrisation est plus longue, environ 8 semaines. Les douleurs post-opératoires peuvent être importantes, notamment lors de la première selle. Elles justifient le plus souvent une cessation d’activité de 15 jours environ.

L’anoplastie consiste à recouvrir la zone fissuraire ou la plaie de fissurectomie par un lambeau cutané (option nord-américaine) ou muqueux (option française) dont on a conservé le pédicule vasculaire. De nombreuses techniques ont été développées : anoplastie muqueuse, lambeau d’avancement cutané en V-Y, lambeau de rotation, etc. En France, la technique la plus répandue est l’anoplastie muqueuse qui consiste à recouvrir la plaie endocanalaire de fissurectomie par un lambeau de muqueuse rectale. L’efficacité de l’anoplastie apparaît proche de la SLI avec un risque plus faible d’IA post-opératoire 21. Les dernières recommandations américaines et italiennes positionnent l’anoplastie en alternative à la SLI en cas de facteurs de risque d’IA : hypotonie sphinctérienne, antécédent de traumatisme obstétrical, antécédent de chirurgie ou de traumatisme anopérinéal, rupture sphinctérienne préexistante. L’anoplastie cutanée en association à la SLI diminuerait les douleurs post-opératoires et la durée de cicatrisation 2, elle exposerait à un risque moindre de déformation en trou de serrure que l’anoplastie muqueuse. En pratique, l’intérêt de l’anoplastie associée à la fissurectomie reste débattu. Certains auteurs ont suggéré qu’elle réduirait le délai de cicatrisation, le risque de sténose et de déformation anale (et donc d’IA) mais la littérature est hétérogène et le niveau de preuve faible. En effet, la plupart des essais ont comparé la fissurectomie avec anoplastie à la SLI et non à la fissurectomie « seule ». De plus les techniques décrites dans la littérature reposent le plus souvent sur des lambeaux cutanés qui sont « remontés » dans le canal anal pour recouvrir la FA alors qu’en France, la technique de choix consiste à abaisser un lambeau de muqueuse rectale pour recouvrir seulement la plaie intra-canalaire de fissurectomie. Dans une étude multicentrique française, aucune différence significative n’avait été mise en évidence en termes de complications, notamment d’IA ou de taux ou de délai de cicatrisation à un an entre la fissurectomie seule et la fissurectomie avec anoplastie muqueuse 14. De plus, une étude rétrospective récente également française a inclus 226 patients opérés pour une FA postérieure non infectée. Cette étude a comparé 182 patients opérés par fissurectomie seule et 44 patients opérés par fissurectomies avec anoplastie muqueuse. Il n’y avait aucune différence entre les deux groupes concernant la durée de la période douloureuse, le délai de disparition du saignement et le délai de cicatrisation (environ 2 mois) 17.

En cas de FA infectée l’anoplastie est contre-indiquée. Le traitement de la FA infectée repose sur la mise à plat du trajet fistuleux qui rend le plus souvent la fissurectomie inutile . Le risque d’IA est supérieur à celui de la fissurectomie « simple ».

Enfin, il n’y a aucun consensus sur le traitement de la récidive ou de la persistance après traitement chirurgical. Le traitement médical est souvent privilégié par les auteurs et permet de guérir un certain nombre de récidives. Il semble logique de le proposer en 1ère intention et de proposer une nouvelle chirurgie seulement en cas d’échec.

Conclusion

La FA est fréquente et invalidante. Le traitement médical est recommandé en première intention sauf en cas de infectée dont le traitement est d’emblée chirurgical. Le traitement médical repose d’abord sur la régularisation du transit. Les traitements topiques à base d’inhibiteurs calciques peuvent être associés d’emblée ou proposés en cas d’échec. En cas d’échec du traitement médical la chirurgie permet de guérir 9 patients sur 10 avec un faible risque de récidive. La SLI est considérée comme le traitement de référence dans les pays anglo-saxons et la plupart des pays européens. C’est une technique éprouvée mais pour laquelle la sélection des patients est essentielle afin de limiter le risque d’IA séquellaire. En France la fissurectomie avec ou sans anoplastie muqueuse est la technique privilégiée car elle épargne le sphincter anal. C’est une technique efficace mais dont le niveau de preuve dans la littérature est plus faible que pour la SLI. Il s’agit d’une « exception à la française » dont le rationnel scientifique pourrait se heurter en partie à « l’evidence-based medecine ». Vers la fin d’un dogme ?

Sources et références

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