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Information des patients en proctologie, l’histoire

Commençons par parler d’un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Jusqu’en 1997, en effet, l’information donnée aux patients avant un geste invasif ou chirurgical était le plus souvent orale, voire sommaire, et assez souvent, il faut bien l’avouer, peu entendue ou mal comprise.
C’est l’affaire Hedreul, mettant en cause le supposé défaut d’information donnée par un gastro-entérologue rennais avant une coloscopie, et compliquée d’une perforation, qui va bousculer nos pratiques. Si le premier jugement, en 1997, va débouter le patient, car c’était à l’époque à ce dernier qu’il incombait de prouver qu’il n’avait pas été informé, la cour de cassation va finalement renverser la charge de la preuve. Il revient donc au médecin de prouver qu’il a donné cette information, et ceci a été confirmé par la loi Kouchner de 2002.

De nombreux médecins et chirurgiens, dont j’ai fait partie avec Laurent Siproudhis, n’ont pas attendu cet arrêt de la cour de cassation de juin 2000 pour améliorer leur procédure d’information, avec la création de fiches « maison », qui avaient le mérite d’exister…
Néanmoins, seules quelques équipes disposaient de fiches d’information, sur un nombre de procédures limitées, et avec un niveau de validation plutôt discutable puisque souvent issues d’un seul rédacteur.
En parallèle avec la nécessité de proposer une information efficace, et citons le code de déontologie : « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose », va se poser rapidement la question du recueil de la preuve que cette information a bien été donnée, et qu’elle a été comprise.
Des initiatives locales ont permis d’affiner la réflexion sur ce mode de recueil, parfois mal compris initialement (il ne s’agit pas d’un consentement, qui lui est tacite sauf cas particulier).
Ceci imposait de disposer de fiches d’information compréhensibles, suffisamment complètes sans être exhaustives, et qui devaient être validées, dans l’idéal avec une procédure qualité de type HAS.

En 2015, sur ma proposition au conseil d’administration (CA) de la SNFCP, cette procédure de création et de validation a été mise en place. Sous l’égide du secrétaire général de la société, et sous la responsabilité d’un référent (moi-même puis Thierry Higuero), un groupe de travail s’est mis en place, comprenant les membres du CA, 3 membres de la commission de proctologie du CREGG, et 3 membres de la SFCD. Un médecin expert d’une assurance médicale, en l’occurrence la MACSF, complète ce groupe.
Très rapidement, ont été créées des fiches d’information sur les principales procédures chirurgicales et instrumentales en colo-proctologie, avec deux tours de relecture et de discussion épistolaire avant validation.
Il était prévu une relecture triennale de façon à actualiser les fiches de façon régulière. Ce rythme s’est un peu essoufflé…

De façon contemporaine, une fiche d’attestation d’information a été créée, destinée à recueillir la preuve que le patient a bien été informé, et qu’il a pu poser toutes les questions nécessaires le cas échéant. Cette attestation peut être recueillie et archivée par le praticien, ou par l’établissement, et doit être dissociée de la fiche d’information, que le patient doit conserver.
D’autres sociétés savantes ont en parallèle développé ou suivi cette démarche, en particulier la SFED pour les procédures endoscopiques.

Aujourd’hui :

Il n’est plus imaginable, sauf urgence, de réaliser un geste technique ou chirurgical invasif sans une information orale et écrite préalable, avec un délai de réflexion raisonnable, et sans recueillir une attestation écrite.
Il y a moins de 10 ans, certains pratiquaient encore par exemple une ligature élastique à la première consultation, et donc par définition sans information… Il est facile d’imaginer les conclusions d’un expert en cas de complication grave !

Il n’est pas recommandé d’utiliser des supports qui ne soient pas validés par une société savante, seule garante d’une procédure rigoureuse et de la qualité de cette information. Il est logique d’utiliser la version la plus récente, et donc de télécharger et d’imprimer le document sur le site de la SNFCP. Il n’est pas inutile de noter dans son courrier de consultation que l’information a été donnée, ceci participant au faisceau de preuves.

Dans les situations qui nécessitent un consentement, en dehors de la recherche biomédicale qui ne nous concerne pas ici, et donc pour les mineurs et les incapables majeurs, l’information doit être remise également aux parents ou tuteurs, et l’attestation d’information remplie et signée par ces derniers. Le recueil du consentement est distinct, les établissements fournissent le plus souvent ce type de formulaire (autorisation d’opérer), obligatoire pour l’admission.

Si le patient est incapable de recevoir l’information, en raison de troubles cognitifs par exemple, ou en raison de la barrière de la langue, il faut impérativement rechercher des personnes ressources ou des aidants, qui vont prendre le relais du praticien. Cette intervention doit être tracée pour éviter les évidents reproches ultérieurs, une attestation signée par un non-francophone ou un non voyant pourrait être contestée.
Dans l’idéal, nos fiches devraient être disponibles dans plusieurs langues, c’est un gros travail, surtout si l’on tient compte des mises à jour… en pratique, à défaut, un copier-coller dans un logiciel de traduction, avec ses imperfections, rend bien service. On peut néanmoins s’émouvoir de l’absence de moteur de traduction en Breton.
Plus sérieusement, mettons en garde également les praticiens en ce concerne l’illettrisme. Nous nous faisons facilement piéger par nos 7 à 9 % de patients incapables de comprendre un écrit, et au moindre doute, il faut demander à la personne de lire les premières lignes du document. En cas d’incapacité manifeste, lui en faire la lecture, ou impliquer un aidant.

Gardons à l’esprit qu’en cas de complication, rien ne protégera mieux le praticien (et son assureur), qu’une bonne annonce du dommage lié au soin, et une prise en charge sans faille. Il ne faut pas s’abriter derrière de la paperasse, l’objectif principal de tout ce que nous avons évoqué ci-dessus étant d’éviter le « si j’avais su ». Le papier nous protégera avant tout contre la mauvaise foi, et simplifiera le travail de notre avocat et de notre assureur.