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Fissure anale : stimuler pour cicatriser ?

Effects of neuromodulation on treatment of recurrent anal fissure: A systematic review

Bananzadeh A, Sohooli M, Shamsi T, Darabi M, Shahriarirad R, Shekouhi R.

Int J Surg. 2022 (en ligne)

Mots clés

fissure anale, neuromodulation, TENS

Appréciation

Comme une récente enquête de la SNFCP l’a récemment montré, le choix du traitement de la fissure anale (FA) connait des variantes selon les cultures et les sociétés savantes avec néanmoins deux traitements « phares » : la sphinctérotomie latérale interne (SLI) et la fissurectomie.

La neuromodulation, qu’elle soit implantée (Neuromodulation des Racines Sacrées – NMS) ou par voir percutanée ou transcutanée (stimulation du nerf tibial postérieur – pTENS, TENS), est un traitement reconnu de l’incontinence anale. Néanmoins, l’utilisation de ces techniques a été proposée pour le traitement de différentes pathologies périnéales avec des résultats variables. En revanche, l’efficacité sur la douleur est bien démontrée avec le TENS. Dans le cas particulier du traitement de la FA, de nombreuses publications sont disponibles mais les méthodes et résultats restent hétérogènes. Cette revue de la littérature a tenté d’analyser les résultats de la neuromodulation (NMS, pTENS, TENS) dans le traitement de la FA.

Après lecture puis sélection des articles disponibles, les auteurs ont retenu seulement 7 articles (sur 3487 articles initialement identifiés !) dont 2 essais randomisés correspondant à un total de 186 patients (autant de femmes que d’hommes). Deux séries de cas (7 patients au total) concernaient la NMS. Ces deux séries rapportaient une amélioration de la douleur et une cicatrisation de la FA en 3 semaines. Pour le pTENS, une série de 3 cas et une étude randomisée versus topiques nitrés (n=80) étaient rapportées. Dans cette dernière, les résultats étaient en faveur d’une efficacité supérieure du PTENS (2 sessions de 30 minutes par semaine pendant 8 semaines) avec un taux de cicatrisation de 87,5% vs 65% dans le groupe traitement topique et une meilleure tolérance dans le groupe pTENS (15% de céphalées nécessitant l’arrêt du traitement dans le groupe topique). Enfin, une série de cas (n=10) et un essai randomisé (n=73) ont évalué l’efficacité du TENS. L’ambitieuse étude randomisée a comparé l’efficacité du TENS à la SLI. Le critère principal de jugement était « l’amélioration clinique » (sans précision claire) et la cicatrisation à un mois. L’amélioration clinique était de 100% dans le groupe SLI versus 75% dans le groupe TENS avec un taux respectif de cicatrisation de 89,1% versus 72,2% en faveur de la SLI. A 6 mois et à 1 an, l’écart se creusait entre les deux techniques en termes d’amélioration clinique (97,3% à 6 mois et 97,3% à un an pour la SLI versus 63,8% et 44,4% pour le TENS) et le taux de récidive à 1 an était très significativement supérieur dans le groupe TENS par rapport au groupe SLI (respectivement 40,7% et 2,7%). Si, comme on pouvait s’y attendre, le taux de succès de la SLI est significativement supérieur, celui du TENS, technique simple, non onéreuse, dénuée de complications et facilement accessible, reste assez remarquable dans cette étude.

Comme le rapportent les auteurs de cette revue de la littérature, la SLI reste un traitement de référence de la FA en cas d’échec des traitements conservateurs topiques. L’analyse de la littérature montre une grande hétérogénéité des données sur l’utilisation de la neuromodulation dans le traitement de la FA avec finalement un nombre cumulé de patients peu élevé et des résultats globalement peu enthousiasmants à ce stade. La NMS reste une thérapie mini-invasive dont la place apparait difficile à envisager dans l’algorithme thérapeutique de la FA. Le pTENS, qui donne ici des résultats intéressants, est peu utilisé en France et implique la réalisation de séances en milieu hospitalier. En revanche, la place du TENS est intéressante à envisager. En effet, si, dans la seule étude randomisée, le TENS a été comparé à la SLI dans un combat perdu d’avance, cette technique non invasive et bien tolérée a montré un taux d’efficacité non négligeable. Le TENS a, par ailleurs, une efficacité antalgique connue qui, dans le contexte de la FA est particulièrement intéressante. Ainsi, si, à ce stade, sa place pourrait être en association à d’autres techniques conservatrices, ces résultats mériteraient la mise en place d’une étude randomisée comparant le TENS à des traitements topiques dont les effets indésirables sont loin d’être négligeables… 

A suivre !