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ESCP Thessaloniki 2024 – Jour 2, jeudi 26 septembre 2024 – Toujours du beau temps à Thessaloniki !

Vos reporters, Diane Mège, Nadia Fathallah, Léon Maggiori et Anis Nasraoui ont suivi avec assiduité cette seconde journée de l’ESCP 2024. Journée très riche, en voici pour vous, une sélection de travaux originaux en proctologie rédigés en direct de Thessalonique !

Impact of moderate to severe pain in the post-anesthetic care unit on un planned hospitalizations after outpatient hemorrhoidectomy

Alam AA, et al. France

Faites des blocs pudendaux et prescrivez des anti-inflammatoires non stéroïdiens en peropératoire à vos hémorroïdectomies !

Une étude rétrospective menée chez 408 patients opérés d’une hémorroïdectomie en ambulatoire, dont 10 % ont eu des douleurs postopératoires considérées sévères en salle de réveil responsables d’une prolongation de leur surveillance à but analgésique et une conversion en hospitalisation traditionnelle pour certains d’entre eux. Les facteurs associés significativement aux douleurs postopératoires immédiates sévères étaient le jeune âge ≤ 45 ans et la rachianesthésie. Le bloc pudendal et l’utilisation peropératoire d’anti-inflammatoires non stéroïdiens étaient au contraire des facteurs protecteurs. Un message important pour ceux qui hésitent encore à faire des blocs ou ceux qui ont peur des anti-inflammatoires pour les motiver à s’y mettre. Cela facilitera surement la prise en charge ambulatoire de ces patients.

Time trends in incidence of pilonidal sinus disease from 1996-2021. A Danish population-based cohort study

Faurchou IK, et al. Danemark

L’incidence du sinus pilonidal infecté augmente de manière constante, constatation surprenante dans une population non reconnue par sa forte pilosité !

Un registre national danois de 1996 à 2021 a montré une augmentation constante de l’incidence du sinus pilonidal infecté aussi bien chez les hommes que chez les femmes. La prédominance reste toujours masculine : 72 % d’hommes dans leur registre.
L’incidence est passée chez les hommes de 35,8 à 56,9/100000 personnes-années (incidence rate ratio : 1,59) et chez les femmes de 16,4 à 22,5/100000 personnes-années (incidence rate ratio : 1,59). Aucune explication n’a été donnée par les auteurs à cette évolution épidémiologique.
Un vrai marché à l’ère des techniques mini-invasives !

Sclerobanding in the treatment for second and third degree hemorrhoidal disease in patients under platelets/anticoagulants: a pilot study

Pata F, et al. Italie

Il serait tout à fait possible de faire des ligatures élastiques hémorroïdaires chez des patients sous anticoagulants !

Cette cohorte prospective a relevé les complications après traitement par ligatures élastiques et sclérothérapie au polidocanol 3 % durant la même séance chez 51 patients traités sous anticoagulants et/ou antiagrégrants plaquettaires. Le suivi moyen était de 23 mois. Le taux de complications était de 17 %, toutes précoces, survenues dans les 30 jours après le geste. Deux patients (4 %) seulement ont nécessité un geste d’hémostase chirurgical. Le traitement par anticoagulants et/ou antiagrégrants plaquettaires et le nombre de ligatures pratiquées n’étaient pas associés à un sur-risque de complications. Dans nos recommandations françaises, il n’est pas conseillé de pratiquer des ligatures élastiques élastiques sous anticoagulants mais il convient peut-être de nuancer nos propos au vu du faible niveau de preuve…

Simple mucopexy and hemorrhoidal arterial ligation with and without doppler guide: a randomized clinical trial for short-term outcome

Alemrajabi M, al.

Peut-on désormais légitimement se passer des ligatures doppler ?

Il s’agit d’un essai contrôlé randomisé sur 36 patients ayant un prolapsus hémorroïdaire de grade III/IV dont la moitié a été traitée par des ligatures doppler avec mucopexies et l’autre moitié avec de simples mucopexies. Il n’y avait aucune différence en termes de douleurs postopératoires, complications et efficacité entre les 2 groupes. L’effectif est certes faible et le suivi court, mais les résultats confortent notre sentiment de l’apport faible des ligatures doppler guidées en cas de mucopexies circonférentielles.

Prediction of the occurrence of urinary retention post-hemorrhoidal surgery – Reuse of data from computerized patient files using natural languages processing

Maynadier X, et al. France

Le bloc pudendal et le type d’anesthésie n’ont pas d’incidence sur la survenue d’une rétention aigue d’urines après chirurgie hémorroïdaire, mais l’administration peropératoire d’anti-inflammatoires non stéroïdiens réduirait en revanche ce risque !

Les auteurs ont rapporté les facteurs associés à la survenue d’une rétention aigue d’urines après chirurgie hémorroïdaire. Le taux de rétention urinaire était de 4,5 % sur 4245 chirurgies hémorroïdaires. Sans surprise, le sexe masculin et les antécédents d’une pathologie prostatique étaient associés à davantage d’incidents de rétention. D’une manière inattendue, les ligatures sous contrôle doppler avec mucopexie n’étaient pas moins pourvoyeuses de rétention que l’hémorroïdectomie tripédiculaire. Il n’y avait pas d’impact non plus du type d’anesthésie et de la réalisation ou pas d’un bloc pudendal. Le seul facteur associé significativement à une diminution de ce risque était encore une fois l’administration peropératoire d’anti-inflammatoires non stéroïdiens !

Anal fistula formation after incision and drainage of an anorectal abscess: incidence and study of risk factors

Salvans S, et al. Espagne

Vigilance aux femmes, aux suppurations en fer à cheval et aux patients qui ont reçu une antibiothérapie avant incision/mise à plat d’une suppuration anale, ils ont davantage de risque de développer une fistule !

Le devenir des patients incisés d’un abcès anal fait toujours débat. L’école française est en faveur de la recherche systématique de la fistule mais les anglo-saxons sont davantage vers une attitude plus attentiste car selon des données de la littérature, seule la moitié des patients développeraient une fistule anale au cours de leur suivi. Dans cette étude espagnole chez 81 patients drainés d’une suppuration anale, 31 % seulement des patients ont développés une fistule anale après un an de suivi. Les facteurs qui étaient associés significativement à l’apparition d’une fistule anale après incision, étaient le sexe féminin, la suppuration en fer à cheval et les patients qui avaient reçu une antibiothérapie avant l’admission. D’une manière surprenante, le diabète était un facteur protecteur. Un suivi particulier à proposer à cette catégorie de patients avec sur-risque ?

Can emergency fecal calprotectin in patients undergoing surgery for an anal abscess help in the diagnosis of Crohn’s disease?

Manhal Kalaji, France

La calprotectine, un outil efficace pour dépister les Crohn ano-périnéaux inauguraux ?

Une communication orale française sur le rôle de la calprotectine fécale dans le dépistage des fistules anales inaugurales d’une maladie de Crohn. L’étude a inclus 98 patients opérés d’une fistule anale avec un diagnostic de Crohn confirmé dès le départ chez 19 d’entre deux. Au cours du suivi, le diagnostic de Crohn a été retenu chez 36 patients. La fistule était davantage complexe et récidivante en cas de Crohn, mais la différence n’était pas pour autant significative. La valeur médiane de la calprotectine était de 211,1 ug/g en cas de Crohn vs 43,2 ug/g en cas de fistule cryptoglandulaire (p = 0,00005). La valeur cut-off retenue était de 100 ug/g avec un AUC de 0,731, une sensibilité de 75 % et une spécificité de 70 %. Elle serait une indication à une exploration endoscopie digestive. Ceci étant dit, l’équipe suggère la pratique d’une calprotectine fécale pour toute fistule anale. Ceci peut être discutable surtout que la grande majorité des fistules est d’origine cryptoglandulaire et que ça représenterait au final un coût non négligeable. Peut-être davantage cibler les fistules de présentation inhabituelle, complexes et récidivantes ?

Par Nadia Fathallah

Le cancer colorectal omniprésent et remplit toujours les salles !

Cette deuxième journée de l’ESCP Thessalonique était à nouveau très riche en communications sur les différentes modalités de traitement du cancer du rectum, reprenant certains sujets de la veille, notamment les différents traitements néo-adjuvants totaux possibles. E.Espin de Barcelone les a successivement présentés et propose :

  • une chimiothérapie de consolidation pour les cancers du rectum localement avancés avec ou sans stratégie de conservation d’organe prévue, ainsi que les cancers du rectum localisés avec un projet de conservation d’organe sélective
  • une chimiothérapie d’induction pour les cancers du rectum localement avancés avec EMVI+ ou atteinte ganglionnaire N2 ou bien si l’organisation de la radiothérapie était compliquée.

Ces propositions diffèrent des pratiques françaises, car nous sommes plus adeptes de la chimiothérapie d’induction (type Prodige 23) dont les derniers résultats sont très encourageants : survie globale à 5 et 7 ans de 87 et 82% !

Toujours sur ce même thème, l’équipe new-yorkaise (E. Pappou) a rapporté les résultats fonctionnels à long terme de l’essai randomisé OPRA, lequel avait comparé les 2 stratégies (chimiothérapie d’induction n = 158 vs de consolidation n = 166). Pour rappel, la survie sans récidive était similaire entre les 2 groupes, mais la chimiothérapie de consolidation augmentait significativement le taux de conservation d’organe. Une conservation d’organe a été possible chez 55 % des patients. La comparaison des résultats fonctionnels entre les patients ayant eu une conservation d’organe et ceux après TME a révélé un taux de LARS majeur significativement plus important après la TME (63 % vs 34 %, p = 0,01), sans différence sur la fonction sexuelle aussi bien féminine que masculine ni sur la qualité de vie.

Le traitement du cancer du rectum se complexifie de congrès en congrès, avec en plus aujourd’hui le concept très à la mode de la décision médicale partagée. C’est sur cette thématique que notre mascotte française de l’ESCP, Q. Denost, a présenté son projet Greccar 20, impliquant le patient dans le choix de la stratégie thérapeutique à chaque étape de celle-ci. De quoi alimenter de nombreux futurs congrès de l‘ESCP !

Le cancer du côlon a également été abordé aujourd’hui à travers une session dite RCP, même si tous les orateurs n’ont malheureusement pas joué le jeu des cas cliniques. Il en ressort le débat non résolu de la place de la chimiothérapie néo-adjuvante pour les cancers du côlon localement avancés, avec la principale limite d’une surestimation radiologique et donc d’un sur-traitement (G. Sica, Italie). La prise en charge des cancers coliques en occlusion est un sujet intarissable (J. Lefevre, France), avec 50 % de l’assistance (salle comble !) qui propose un traitement endoscopique par prothèse à visée curative ! Les habitudes thérapeutiques diffèrent entre les pays, d’où l’intérêt d’un tel congrès pour en discuter voire d’en débattre. Enfin, la chirurgie du primitif en présence d’un cancer du côlon asymptomatique multi-métastatique non résécable n’apporte pas de bénéfice en termes de survie (16,7 vs 18,6 mois). La chimiothérapie systémique doit donc être privilégiée pour réduire l’atteinte métastatique et mieux sélectionner le groupe de patients qui pourraient avoir un avantage à un traitement chirurgical ultérieur (S. Biondo Espagne).

Par Diane Mege

Les nouveaux essais en chirurgie colorectale (Session New Trials) !

Restez connectés et n’hésitez pas à contacter les équipes promotrices si vous êtes intéressés, que vous souhaitez y participer et représenter la France !

La session New Trials a été riche de nouvelles idées qui vont probablement aboutir à des essais randomisés de première importance :
L’équipe Milanaise d’Antonino Spinelli va démarrer un essai randomisé visant à démontrer la supériorité de l’anastomose colorectale TTSS (Transanal transection and single-stapled anastomosis) par rapport à l’anastomose conventionnelle chez les patients opérés d’un cancer du rectum. Cette nouvelle technique d’anastomose présente l’intérêt de ne pas présenter 2 lignes croisées d’agrafage et d’éviter les « oreilles » anastomotiques, ce qui pourrait réduire le risque de fistules anastomotiques. La même équipe a effectivement publiés des résultats très encourageants de cette anastomose mais dans le cadre d’études rétrospectives. Il s’agit ici d’une étude multicentrique randomisée, dont l’objectif principal est de comparer les taux de fistules anastomotiques à 90 jours. Les critères secondaires incluent les complications postopératoires, les coûts de soins, le score LARS et la récidive du cancer à 24 mois. L’étude inclura 236 patients dans chaque groupe, sur une période de cinq ans.

L’étude TONIC est un essai contrôlé randomisé anglais visant à évaluer si un soutien nutritionnel précoce après une laparotomie d’urgence réduit les complications par rapport aux soins nutritionnels standards. Elle se déroule dans 25 hôpitaux du NHS au Royaume-Uni et cible des patients adultes subissant une laparotomie d’urgence non palliative. Les patients reçoivent soit une nutrition parentérale (NP) dans les 48 heures suivant la chirurgie (intervention), soit des soins nutritionnels standards avec NP après 5 jours. L’objectif principal est de mesurer les complications via l’Indice Global de Complications (CCI). L’étude implique 898 participants sur 45 mois.

L’étude PROSPERITY va permettre de répondre à une question presque aussi ancienne que la chirurgie : faut-il protéger les anastomoses après exérèse totale du mésorectum par une iléostomie ou une colostomie ? L’objectif principal est de comparer les événements indésirables liés aux stomies dans les 60 jours suivant la chirurgie initiale, mesurés par le score CCI. Les objectifs secondaires incluent les complications postopératoires, la qualité de vie, la fonction rénale, et les hernies au site de stomie sur 5 ans. L’étude, multicentrique et randomisée, impliquera 350 patients. Elle commencera à l’automne 2024 et devrait fournir des résultats primaires d’ici 2028, avec un suivi jusqu’en 2032.

Enfin, l’étude EXCEED explore si une résection mésentérique étendue chez les patients atteints de la maladie de Crohn peut réduire le risque de récidive endoscopique après 12 mois, par rapport à une résection standard préservant le mésentère. Les patients subissant une résection iléocæcale seront répartis au hasard en deux groupes : résection étendue ou standard. L’objectif principal est d’évaluer les signes de récidive endoscopique selon le score modifié de Rutgeerts. Cette étude randomisée, en double aveugle, inclura 208 patients et durera 3 ans à partir de 2024, avec un suivi à 12 mois post-opératoire. Les résultats de l’essai hollandais SPICY, qui s’intéressait à la même hypothèse avec un design très proche ont cependant été publiés la semaine dernière dans le Lancet Gastroenterology et ils étaient totalement négatif !

Par Léon Maggiori

Essai Advance-UC : l’appendicectomie vs le traitement par anti-TNFα dans la rémission clinique et endoscopique de la RCH gauche, un essai randomisé

Gaetano Luglio, Italie

Les découvertes sur le rôle immuno-modulateur de l’appendice dans le développement et l’évolution de la RCH ont récemment fait émerger de nombreuses études sur l’intérêt de l’appendicectomie dans la prise charge de cette maladie.

L’étude ADVANCE-UC propose d’évaluer l’appendicectomie laparoscopique pour l’induction d’une rémission dans la RCH. Cette étude de non infériorité inclura des patients atteints de RCH gauche non contrôlée par un traitement standard (dérivées salicylés ou immunosuppresseur) et candidats à une biothérapie. Les patients seront ensuite randomisés entre appendicectomie ou anti-TNFα. Le critère de jugement principal serait la rémission clinique sans corticoïdes, la rémission endoscopique et la qualité de vie à 3 mois puis à 12 mois. Si l’hypothèse de cette étude se confirme, elle pourrait induire un changement de paradigme dans la prise en charge de la RCH en proposant une nouvelle ligne thérapeutique !

Essai LATFIA : un essai prospectif multicentrique, contrôlé et randomisé comparant la fermeture laser du trajet fistuleux (FilaC) au lambeau d’avancement rectal pour les fistules trans-sphinctériennes

Marine Gaillard, Belgique

Cette équipe propose un essai contrôlé randomisée comparant le traitement des fistules trans-sphinctériennes hautes par laser FiLaC au lambeau d’avancement muqueux rectal. Une IRM pré-inclusion permet de s’assurer de la bonne qualité du drainage (séton mis en place depuis plus 2 mois). L’évaluation sera en revanche seulement clinique après 6 mois de suivi. En cas d’échec, les patients seront repris à l’appréciation du chirurgien avec une seconde évaluation de la guérison à 12 mois. En dehors de la guérison, seront également évaluées la continence anale et la qualité de vie des patients. Des résultats attendus avec impatience, mais quelques interrogations concernant le recours à simple lambeau muqueux qui serait moins efficace qu’un musculo-muqueux classique et l’absence d’évaluation de la guérison radiologique.

Étude CRAFT : CRyptoglandular Anal Fistula Treatment. La nouvelle étude ESCP, internationale, prospective combinant audit et cohorte

Stephanie Breukink, Pays-Bas

Le choix du traitement idéal des fistules anales cryptoglandulaires est difficile en raison de la multiplicité des traitements disponibles. Actuellement, les recommandations européennes ne reposent que sur un niveau de preuve faible (38/42) à modéré (4/42) favorisant une grande hétérogénéité des pratiques cliniques.
Pour remédier à cela, l’ESCP a travaillé sur deux axes d’amélioration. Le premier point est la mise en place de définitions et outils standardisés pour que les futures études disposent de données uniformisées grâce à l’AF-COS (Anal Fistula Core Outcome Set) et l’AF-COMS (Anal Fistula Core Outcome Measurement Set).

Le deuxième axe de travail proposé par l’ESCP est cette étude internationale, multicentrique et prospective d’audit et de cohorte combinée. L’objectif est d’étudier les caractéristiques des malades, les modalités diagnostiques et thérapeutiques ainsi que leurs résultats en vraie vie. L’étude d’audit recueillera les données cliniques à court terme jusqu’à 3 mois et l’étude de cohorte s’intéressera aux résultats à plus long terme jusqu’à 12 mois. Dans ce projet combiné, les études d’audit et de cohorte seront menées simultanément. La conception des deux études est harmonisée de manière à ce que les données de chacune d’entre elles puissent être intégrées pour fournir une analyse complète.

L’inclusion des centres commencent tout juste, en vue d’une inclusion des patients à partir de mars 2025. Donc si vous voulez participer à l’aventure, scannez le QR code ci-dessous ou cliquez ici.