Vos reporters, Diane Mège, Nadia Fathallah, Léon Maggiori et Anis Nasraoui ont suivi avec assiduité cette première journée de l’ESCP 2024. Journée très riche, en voici quelques brèves en direct de Thessalonique rien que pour vous.
Actigraft treatment in pilonidal sinus – Interim analysis results of a 3-arm randomized controlled study
Edward Ram, Israel
L’actigraft est authorisé pour la FDA et par le CE dans le traitement des plaies cutanées. Il s’agit d’un produit sanguin issu du patient lui-même responsable d’une réactivation de la cascade naturelle de la cicatrisation, une sorte de PRF (plasma riche en fibrine) contenant des facteurs de croissance et une matrice extracellulaire de fibrine qui permet de protéger la plaie et empêcher la contamination bactérienne. L’équipe a mené un essai contrôlé randomisé comparant 3 armes :
- Nettoyage de la cavité pilonidale (Trephine procédure)
- Nettoyage de la cavité pilonidale (Trephine procédure) + traitement par laser
- Nettoyage de la cavité pilonidale (Trephine procédure) + remplissage de la cavité par de l’actigraft
A 12 semaines, les résultats étaient en faveur du groupe actigraft, 58,3 % vs 70,8 % vs 78,3 % respectivement. Aucun effet indésirable significatif n’a été noté dans cette étude. Certes, ces résultats intermédiaires semblent favorables à l’actigraft mais un suivi de 12 mois est prévu.
Clairement, l’ère du traitement du sinus pilonidal par exérèse à ciel ouvert devient « quasi-historique » avec un développement constant ces dernières années d’alternatives mini-invasives chez des patients très demandeurs et pour une pathologie qui semble davantage fréquente en se basant sur des données épidémiologiques récentes…
Par Nadia Fathallah
Essai ACCURE : Impact de l’appendicetomie sur l’évolution clinique de la RCH
Eva Visser, Pays-Bas
L’équipe d’Amsterdam a présenté les résultats d’un essai randomisé multicentrique explorant les relations entre l’appendice et l’histoire naturelle de la RCH. En effet, plusieurs petites études avaient rapporté que la réalisation d’une appendicectomie, pouvait diminuer l’intensité de la colite. L’approche est cependant ici différente. Il s’agissait en fait de n’inclure que des malades avec une RCH totalement contrôlée par le traitement médical. Par définition, il ne s’agissait donc que de formes peu sévères, comme en témoigne la proportion de 80% de malades contrôlés uniquement par des salicylés. Les patients étaient ensuite randomisés entre un groupe traité par appendicectomie et poursuite du traitement médical et un groupe contrôle avec traitement médical seul. Et les résultats sont pour le moins perturbants ! Parmi les 201 patients randomisés, les taux de perte de contrôle de la maladie à 1 an étaient de 56,1 % dans le groupe contrôle mais seulement de 36,4% dans le groupe appendicectomie ! Ceci avait un impact significatif sur l’histoire naturelle de la maladie, puisque les patients appendicectomisés avaient une probabilité de recours aux traitement biologiques significativement plus faible et une qualité de vie significativement meilleure !!!! A noter de plus que la morbidité des appendicectomies était extrêmement faible dans
cette étude.
Nous sommes peut-être ici à l’aube d’une stratégie d’appendicectomie prophylactique chez les patients porteurs de RCH ! En espérant que ceci n’aura pas un effet pervers à long terme sur le risque de transformation néoplasique…
Par Léon Maggiori
Prurit anal, rompre le cercle vicieux des démangeaisons !
Kapil Sahan, Royaume-Uni
Une session d’une demi-heure complète sur le prurit anal ! Nous pouvons désormais dire que nous avons de quoi maîtriser un motif de consultation extrêmement fréquent. En dehors des pathologies ano-rectales évidentes et des dermatoses facilement diagnostiquées à l’examen clinique et qui relèvent d’un traitement spécifique, le prurit anal essentiel ou « idiopathique » est le diagnostic de loin le plus fréquent. Le traitement repose en premier sur des mesures hygiéniques mais surtout sur une régularisation du transit. La persistance de selles au niveau de la marge anale est considérée comme un facteur déclenchant et responsable du maintien du cercle vicieux. Les dermocorticoïdes forts à très fort sont indiqués quand le prurit évolue de longue date mais surtout quand il y a des lésions de lichénification. Ses modalités de prescription ne sont pas consensuelles. Les antihistaminiques peuvent être donnés en complément avec des résultats qui semblent intéressants. En cas d’échec des dermocorticoïdes, le tacrolimus en topique à 0,1% ou la capsaïcine en topique 0,025% (disponibles en préparation magistrale) peuvent être proposés. En cas d’échec de tous les précédents traitements ou de formes cortico dépendantes, le tatouage de la marge anale semble être une alternative thérapeutique intéressante avec une efficacité de 76 à 88 % à 1 an. Chez ces patients réfractaires, de nouvelles perspectives thérapeutiques sont en cours d’étude ciblant les voies de signalisation de l’inflammation (anti-IL4 et anti-IL13 déjà utilisés dans la dermatite atopique et les inhibiteurs de la voie de signalisation JAK/STAT).
Par Anis Nasraoui
Le syndrome d’obstruction défécatoire, pas de scoop mais un rappel de l’essentiel !
Une session entière sur le syndrome d’obstruction défécatoire (ODS) avec deux intervenants, française pour l’une et « franco-suisse » pour l’autre, sur 4.
Pas de scoop, les mêmes difficultés à prendre en charge ce syndrome. Les troubles de la statique sont-ils la cause ou la conséquence de ce syndrome (l’éternel dilemme qui de l’œuf ou de la poule est arrivé en premier).
L’anisme présenté par Peter Christensens (Danemark) serait retrouvé chez un quart des patients avec ODS. Toutefois, les causes sont souvent multifactorielles avec une constipation du transit souvent associée. La prise en charge de ce syndrome est avant tout médicale, et repose en premier sur la rééducation anopérinéale par biofeedback, une amélioration de la vidange rectale et si besoin, sur l’injection de toxine botulique voire une myotomie du pubo-rectal.
Ensuite, Guillaume Meurette (le « franco-suisse » donc), nous a parlé brillamment de ce syndrome chez des patients opérés du rectum dans le cadre du syndrome de LARS. Il faut reconnaître que nous nous intéressons davantage aux résultats fonctionnels chez ces patients que nous arrivons désormais à guérir. Guillaume nous a rappelé à quel point ce syndrome multifactoriel (compliance rectale, désordre du système neurologique et lésions sphinctériennes) pouvait impacter la qualité de vie des patients. Les différents types d’anastomoses et des réservoirs n’ont à priori pas d’impact sur le risque de développement de l’ODS. La correction anatomique (redo-surgery) doit s’envisager avec prudence et seulement dans le cas particulier de la sténose et/ou du prolapsus. La prise en charge, encore une fois, repose sur l’amélioration de la qualité des selles et de la vidange du néo-rectum par des lavements rétrogrades, la rééducation anopérinéale par biofeedback, et enfin nous avons des données récentes en faveur de l’efficacité de la neuromodulation sacrée.
Ensuite, Christina Felming (Irlande) a abordé le sujet particulier de l’intussusception. Elle a distingué les 3 stades : recto-rectale, recto-anale et le prolapsus rectal extériorisé. Le seul dernier relève « facilement » d’une prise en charge chirurgicale reposant sur la rectopexie ventrale laparoscopique. Le diagnostic repose sur la descente de la muqueuse rectale à l’examen clinique par anuscopie en faisant pousser le patient. Elle a fait rappeler l’association fréquente dans l’intussusception de l’ODS aux urgences fécales voire à une vraie incontinence anale. Sur le plan radiologique, elle avait une préférence pour l’IRM pelvienne dynamique par rapport à la défécographie en raison de sa plus grande facilité d’accès. La prise en charge dépend de l’importance des symptômes, de l’association à d’autres troubles de la statique, de la présence d’un anisme, de l’existence d’une étiologie spécifique et des attentes de la patiente. Elle a fini sa présentation par un algorithme de prise en charge, qu’elle a eu « le courage » de proposer et qui reflète davantage sa pratique, mais qui reste à notre avis discutable…
Incontinence fécale | ODS |
Intussusception intra-rectale : rééducation ± neuromodulation | Intussusception intra-rectale : rééducation |
Intussusception intra-anale haute : rééducation ± rectopexie ± réparation d’une rectocèle | Intussusception intra-anale haute : rééducation ± réparation d’une rectocèle |
Intussusception intra-anale affleurant la marge anale : rectopexie | Intussusception intra-anale affleurant la marge anale : rectopexie |
Prolapsus rectal extériorisé : rectopexie | Prolapsus rectal extériorisé : rectopexie |
Enfin, Marie Line Barussaud (la française donc), nous a renforcés dans l’idée que la prise en charge de l’ODS était majoritairement médicale. La prudence était sa devise et la décision de la chirurgie convient d’être prise dans le cadre d’une RCP. Les patientes opérées n’étaient améliorées que dans 30 % des cas au mieux et la prise en charge médicale bien conduite améliorait les symptômes de la grande majorité des patientes. Les facteurs associés à une mauvaise réponse au traitement chirurgical étaient principalement l’anisme, le périnée descendant et dénervé et l’insuffisance sphinctérienne. La voie d’abord transvaginale, transpérinéale ou transabdominale dépend, selon elle, davantage des habitudes de chaque chirurgien. Bien entendu, il y a d’autres facteurs à prendre en considération en particulier la fonction sphinctérienne et les désirs de la patiente. Il faut reconnaître que les voies basses sont rarement proposées par les chirurgiens digestifs par manque de formation mais également en raison de l’efficacité de la rectopexie. Elle a incité l’auditoire d’aller se rapprocher des gynécologues qui ont une facilité de recours à la voie basse et ce d’autant plus que l’utilisation des prothèses est désormais controversée dans certains pays.
Par Nadia Fathallah
Le cancer du rectum « à la une » de cette première journée de l’ESCP !
Cette première journée à l’ESCP était très riche en communications sur les différentes modalités de traitement du cancer du rectum :
- une équipe suédoise (E. Nilsson) a rapporté que la résection trans-anale (TEM) des petits cancers du rectum (T1N0) était associée à un taux de récidive plus important qu’après proctectomie (11% vs 5%), et ce, quel que soit le degré de risque de récidive. Ces résultats vont surement favoriser le développement des dissections sous-muqueuses endoscopiques !
- la conservation d’organe après traitement néo-adjuvant, de manière opportuniste ou sélective a été rapportée et expliquée par Q. Denost (France), avec les résultats des essais Greccar 2 et 12. Les cancers les plus adaptés à cette stratégie doivent être palpables à moins de 8 cm de la marge anale, classés au diagnostic mr T2 ou 3 N0 ou 1.
- l’essai multicentrique coréen KONCLUDE (SH. Lee) s’est intéressé à un traitement néo-adjuvant total basé sur une radiothérapie longue suivie d’une chimiothérapie de consolidation par 3 cycles de Folfox. La réponse pathologique complète (critère de jugement principal) était équivalente au groupe sans chimiothérapie de consolidation (23 vs 17 %). Les autres données histologiques et postopératoires étaient également équivalentes. Les résultats de survie sans récidive à 3 ans sont attendus impatiemment pour juger de l’intérêt de cette stratégie de chimiothérapie de consolidation, surtout en France où le standard est à la chimiothérapie d’induction !
- l’essai TARO (S. Ng, Hong Kong) a comparé la TATME à la TME robotique, avec un critère de jugement principal composite associant la qualité du mésorectum + la CRM > 1mm + la DRM > 1mm, sans différence significative entre les 2 groupes en termes de morbi-mortalité, données histologiques, survie globale et sans récidive locale. Il est à noter que seulement 1 patient sur 2 avait reçu un traitement néo-adjuvant. Les amateurs de TATME et de chirurgie robotique ne peuvent donc pas se disputer.
- l’utilisation du vert d’indocyanine dans la réduction du risque de complication anastomotique a été discutée, avec l’essai anglais INTACT (D. Jayne) qui a rapporté un impact significatif sur la réduction du taux global de fistules anastomotiques (14% vs 21%, p = 0,02), et le changement de niveau de section proximale (13% vs 7%). Le vert d’indocyanine a également été proposé dans un modèle animal (canin), par injection trans-anale pressurisée pour détecter une fistule anastomotique, au même titre que le test à l’air habituellement réalisé en fin de chirurgie (A. Kondo, Japon).
Par Diane Mège