Aller au contenu

En pratique, infiltration périneurale dans les névralgies périnéales chroniques

Nerfs pudendal, clunéal et thoraco-lombaires (nerfs ilio-inguinal, ilio-hypogastrique et génito-fémoral)

Suite à la publication du dossier sur les douleurs pelvi-périnéales chroniques, de nombreuses questions nous sont posées à propos de l’infiltration du nerf pudendal. Ce court document récapitule les points pratiques importants pour leur mise en oeuvre.

A quoi sert cette infiltration ?

L’infiltration du nerf pudendal, qui est le nerf le plus souvent concerné, est avant tout un test diagnostique. Il permet d’affirmer l’implication du nerf infiltré dans la douleur. Une amélioration persistante à 6 mois est constatée chez 13,5% des patients, mais ce n’est pas le but initial recherché lors de l’infiltration.

Quand une infiltration est-elle positive ?

L’infiltration au voisinage du nerf pudendal d’un anesthésique local doit diminuer la douleur quasi immédiatement d’au moins 50%. Dans ce cas, on suspecte fortement la participation du nerf dans les symptômes du patient. Cela impose de faire l’infiltration chez un patient douloureux, le plus souvent l’après midi et de l’évaluer en position douloureuse (assise).

En pratique, comment évaluez-vous cette diminution ?

Le patient doit être douloureux lors de l’infiltration test. Une auto évaluation écrite de l’EVA de la douleur est notée de 0 à 100, toujours chez un patient assis, avant l’infiltration, puis 5 et 30 minutes après. Il n’existe pas de consensus sur le mode de calcul de cette diminution, arbitrairement on peut retenir comme positive une diminution de l’EVA d’au moins 50% sur une des 2 mesures par rapport à l’EVA mesurée avant l’infiltration. Il faut impérativement faire une évaluation ECRITE, reportée dans le compte rendu.

Certains associent un corticoïde lors de l’infiltration, qu’en pensez-vous ?

Une étude randomisée a démontré que l’association à un corticoïde n’améliorait pas l’effet sur la douleur à 3 mois (1).

Comment réalisez-vous une infiltration du nerf pudendal (site(s), guidage…) ?

Si la douleur prédomine nettement d’un côté, l’infiltration est unilatérale, de ce même côté, sinon elle est bilatérale. L’infiltration est effectuée au niveau des zones potentielles de conflit du nerf pudendal : sous l’insertion du ligament sacro-épineux sur l’épine ischiatique et éventuellement dans le canal pudendal d’Alckok. En pratique l’infiltration la plus proximale suffit, car elle sera positive même si le conflit est plus en aval que le site d’injection. L’infiltration est effectuée par voie transfessière, en périneural. Le guidage par scanner ou échographie est conseillé car il permet de juger de la validité du test en certifiant que l’infiltration a été effectuée au niveau d’une des zones de conflit du nerf. Le compte rendu doit être détaillé quant à la technique et aux repères retenus pour permettre une interprétation rétrospective.

Qui réalise cette infiltration ?

Ce geste peut être réalisé par un radiologue, un anesthésiste, un algologue.

Quel produit injectez-vous ?

L’injection AU niveau de chaque site de 4 ml de ropivacaïne 0,2% (8 mg) est préférée à celle de 4 ml de lidocaïne à 1% (40 mg). On y associera 0,25 ml de produit de contraste en cas d’infiltration sous scanner (Omnipaque 240® ou Iopamiron®, en l’absence d’allergie à l’iode). L’aiguille utilisée est le plus souvent une aiguille de 22 G à bout biseautée à 45° (pas à 30°++), type aiguille de ponction lombaire.

A quel moment de la prise en charge proposez-vous une infiltration ?

L’infiltration est proposée après que plusieurs étapes aient été franchies. Tout d’abord on a éliminé une cause “organique” (pathologie ano-rectale, atteinte des racines sacrées, tumeur…), une proctalgie fugace, une coccygodynie, un syndrome douloureux de la vessie, une vestibulodynie, une congestion pelvienne par l’interrogatoire, l’examen physique et une IRM pelvienne, voire médullaire. On a affirmé que la douleur était de type névralgique (score DN4) et, pour la névralgie pudendale, que les 4 premiers critères de Nantes étaient positifs (douleur dans le territoire du nerf pudendal, majorée en position assise, ne réveillant pas la nuit, sans déficit à l’examen neurologique) et n’ayant aucun des critères d’exclusion (exclusivement coccygienne, fessière ou hypogastrique, exclusivement paroxystique, prurit prédominant, anomalies organiques aux explorations radiologiques)(2).

L’infiltration test du nerf pudendal est-elle spécifique ?

Malheureusement des faux positifs sont possibles : douleur organique, névralgie clunéale, névralgie obturatrice (canal d’Alcock) et des faux négatifs (surtout par manque de rigueur dans l’évaluation, l’absence d’utilisation des anesthésiques locaux, test effectué en dehors d’une période douloureuse, douleur myo-fasciale, en particulier lors du syndrome du piriforme qui est situé à proximité de la zone d’infiltration.

Quels autres nerfs que le pudendal sont candidats à l’infiltration ?

Les nerfs potentiellement responsables de douleurs périnéales chroniques sont :

  • le nerf pudendal : la douleur est souvent latéralisée au sens ou un coté prédomine sur l’autre mais peut être strictement unilatérale ou bilatérale, elle concerne la marge anale, les bourses ou la grande lèvre, le clitoris ou le pénis, les testicules ne sont pas douloureux ;
  • le nerf clunéal : la douleur est proche de celle du nerf pudendal, mais plus postérieure et plus latérale, elle aussi est augmentée par la position assise ;
  • les branches des nerfs thoraco-lombaires (nerfs ilio-inguinal, ilio-hypogastrique, génito-fémoral) : la douleur est située dans le creux inguinal, elle descend sur la face médiale proximale de la cuisse et sur le pli sous fessier.

Les points d’infiltration sont propres à chacun. Pour le nerf clunéal : à la face latérale caudale de l’ischion, sur l’insertion des ischion jambiers, sous échographie on peut aussi cibler la poulie de réflexion de l’obturateur interne (mais il s’agit là du nerf cutané postérieur de la cuisse d’ou proviennent les rameaux clunéaux inférieurs).  Pour les nerfs thoraco-lombaires : sur la paroi abdominale, contre le bord latéral externe du muscle grand droit, entre les muscles transverse et oblique, sauf pour le génito-crural (cordon chez l’homme, ligament rond chez la femme) .

Comment choisissez-vous d’infiltrer un nerf ou un autre ?

C’est essentiellement la topographie douloureuse qui oriente. Certains autres signes peuvent être recherchés comme une douleur à la percussion du trajet des nerfs thoraco-lombaires (signe de Tinel).

Certains répètent les infiltrations, dans quel but ?

Tout d’abord la valeur d’une infiltration diagnostique dépend de sa qualité de réalisation. Il peut être utile de faire un nouveau test en cas de doute. Ensuite, certains patients bénéficient sur le moyen terme de l’infiltration, il peut être tentant de la répéter afin de leur offrir une solution non agressive.

L’infiltration est positive, mais le patient n’est plus soulagé 6 semaines après, que proposez-vous ?

Dans le cas de la névralgie pudendale, un test d’infiltration positif est un facteur de succès de la chirurgie. Toutefois il faut noter que la libération chirurgicale du nerf n’apporte qu’une amélioration de la douleur et non une guérison, chez 70% des candidats. D’autres traitements sont en cours d’évaluation, comme la radio fréquence pulsée, qui peut être proposer de première intention et en un temps en cas de non indication chirurgicale (refus du patient, contre indication à la chirurgie, échec de la chirurgie, âge > 70 ans).

Références

  1. Labat, JJ, Riant, T, Lassaux, et al. Adding corticosteroids to the pudendal nerve block for pudendal neuralgia: a randomised, double-blind, controlled trial. BJOG 2017; 124: 251– 260.
  2. Labat JJ, Riant T, Robert R, Amarenco G, Lefaucheur JP, Rigaud J(2008) Diagnostic criteria for pudendal neuralgia by pudendal nerve entrapment (Nantes criteria). Neurourol Urodyn  27:306-10.