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Congrès de l’European Society of Colo-Proctology 2022

En Irlande, tout est vert, les drapeaux, les collines… et même les thèmes abordés à l’ESCP. « Surgeons for future ». La salle est loin d’être comble…

Emma Carrington, de l’Imperial College of London était présente pour nous parler de la chirurgie durable ; sa collègue Jasmine Winter Beatty restée à Londres, intervenait en visio pour économiser à la planète de poids de 140 kg CO2 !

Passage en revue des risques multiples que fait planer le péril climatique sur la santé (augmentation de l’incidence des cancers, des maladies inflammatoires, des décès prématurés…). Il est indispensable et grand temps de s’y mettre.

Se succèdent plusieurs intervenants européens, unanimes, qui ont planché sur les pistes vertes à emprunter. Limiter les transports des patients en s’ouvrant à la téléconsultation et favoriser les réunions et congrès à distance. L’empreinte carbone du bloc opératoire pèse lourd, notamment du fait des gaz anesthésiants, il faut donc privilégier les anesthésies loco-régionales et locales, bien sélectionner les indications (pourquoi ne pas inciser les abcès de la marge anale ou pilonidaux sous locale en consultation ?).

Reconditionner le matériel dans la mesure du possible, limiter le matériel à usage unique, trier et recycler les déchets tant que faire se peut… L’industrie pharmaceutique a aussi son rôle à jouer, et pas des moindres.

La liste est interminable.

La question écologique infiltre timidement toutes les spécialités, anesthésie, gastro entérologie, endoscopie, obstétrique. Gianluca Pellino rapporte les résultats de l’étude ECOS surgery (capturing opinion on sustainable surgery), qui montre le manque d’information de la population médicale sur cet important sujet, mais prouve une forte volonté de changement.

Une intégration de la question écologique dans les guidelines parait indispensable, avec mise en place de comités multidisciplinaires guidelines (professionnels de santé, économistes, écologistes, ingénieurs, entrepreneurs…).

Alors pensez au REs !

  • REthink and rationalize
  • Efuse
  • REduce
  • REuse
  • REpair
  • REcycle

On reste dans le hygge et bien être nordique pour s’intéresser à une équipe suédoise, mixte, ose s’aventurer sur le terrain glissant de l’égalité femmes hommes. Leur étude menée sur près de 900 patients opérés d’une résection colique pour cancer dans leur centre, le fait d’être opéré par un chirurgien ou une chirurgienne pèse plus qu’on ne le pense. Si pour la chirurgie réglée, il n’y a pas de différence en termes de complications post opératoires, de mortalité à un mois, ou de survie à long terme, il n’en va pas de même pour la chirurgie en urgence. En effet le taux de complications, le risque de résection R1 et de réopération est bien moindre si le chirurgien est une chirurgienne, et la survie sans récidive meilleure. « Auraient-ils publié leurs résultats si les conclusions avaient été inverses ? », pourraient s’interroger les plus réfractaires à la cause ?

Beaucoup de nouveautés dans les best papers et les best communications ce soir à Dublin. Laursen M et al. ajoutent une pierre à l’édifice que se construit la chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer du côlon. Ils soutiennent, à partir d’une étude case-match sur un score de propension, que cette chimiothérapie néo-adjuvante n’augmente pas la morbi-mortalité opératoire mais qu’elle augmente la proportion de résections complète et de N0. De quoi alimenter le débat pour les futures fraiches soirées d’hiver !!

Nouveauté également du côté du dépistage précoce des fistules anastomotiques après résection rectale. Hoek et al. ont évalué l’utilité du dosage de la CRP dans les jours suivant la chirurgie et concluent que ce dosage ne permet pas, seul, de prédire cette fistule.

Prudence également lors de l’utilisation de la thérapie à pression négative sur les éviscérations puisqu’elle augmenterait significativement le nombre de fistules entéro-atmosphérique.

François Pigot, Aurélien Venara, Charlotte Favreau-Weltzer, Alix Portal et Maxime Collard

Du côté des LAP de Crohn, l’étude PISA II rapporte une meilleure fermeture des fistules lorsqu’elles sont traitées par Anti-TNF (68%) + chirurgie vs Anti-TNF seuls (52%). Il existerait également un risque de re-chirurgie plus important dans le groupe anti-TNF seuls.

La session des best-papers est suivie par une très belle conférence qui nous rappelle que les compétences techniques chirurgicales ne sont pas à elles seules suffisantes, et qu’elles doivent s’associer à un bon travail d’équipe pour éviter les complications opératoires. Encore une chose à méditer quand on sait que 14% des complications de chirurgie générales sont liées à un défaut de communication.

Suite de la journée avec les meilleures communications du congrès. Bonne nouvelle pour vos programmations !! Une étude de registre suédoise rapporte que les résultats carcinologiques à long terme sont similaires si les patients sont opérés de leur cancer du côlon entre 29 et 56 jours vs 0-28 jours.

L’étude DELORES comparant la rectopexie+résection par coelioscopie (RRC) et le Delorme nous confirme que le Delorme a de mauvais résultats à 2 ans (37% de récidives).  La RRC affiche quant à elle un taux de récidive de 6%. Reste à savoir si le jeu en vaut la chandelle et si les patients réséqués ne présentent pas de LARS…

Belle transition pour amener une belle étude suisse sur le LARS ! Une étude randomisée contrôlée en cross-over évalue l’intérêt de l’ondansetron dans la prise en charge du LARS précoce. Les résultats sont mitigés (pas d’évolution significative du score LARS moyen, seul résultat positif : moins de LARS score >30…) mais à pondérer avec le fait que l’ondansetron est évalué à 1 mois de la chirurgie et vs placebo… à voir ce que ça donnera à plus long terme ou versus lopéramide.

De belles études négatives étaient à l’honneur aujourd’hui dans la séance International Trials Results. Une collaboration anglo-australienne nous a exposé les résultats de l’étude SUNRISE qui évalué l’intérêt éventuel d’un pansement à pression négative (type PICCO) pour recouvrir la cicatrice de laparotomie réalisée en urgence. Alors que les systèmes à pressions négatifs sont de plus en plus utilisés dans diverses situations en pratique quotidienne, les études à ce sujet peinent encore et toujours à trouver un petit p significatif. Ce nouvel essai randomisé contrôlé SUNRISE va suivre cette tendance… 400 patients randomisés dans le groupe pansement à pression négative, 400 patients dans le groupe pansement standard et à un mois de la chirurgie, 28% d’abcès de paroi dans le premier groupe contre 27% dans le groupe contrôle. Même après un ajustement sur le type de chirurgie réalisée, aucune différence n’apparaît. En conclusion, pas besoin d’augmenter le bilan carbone des laparotomies en urgence avec un pansement à pression négative. En attendant, le taux d’abcès de paroi reste encore une complication fréquente dans ces chirurgies avec un tiers des patients qui développent cette complication.

Une seconde belle étude a été présentée durant cette séance à essais négatifs. Appelée MIRCAST, ce travail est parti d’une cohorte prospective de colectomies droites mini-invasives multicentriques (1300 patients quand même…) pour constituer 4 groupes en fonction de l’abord laparoscopique ou robotique et en fonction de la réalisation de l’anastomose par voie intra-corporelle ou extra-corporelle. Le critère de jugement principal était composite associant la survenue d’une complication post-opératoire sévère (Dindo ≥3) ou d’un abcès de paroi. Après un ajustement sur les facteurs confondants, aucune différence sur le critère de jugement principal entre chirurgie robotique versus laparoscopique et entre anastomose intra-corporelle versus extracorporelle. Le point négatif est évidemment que ce n’est pas un essai randomisé, mais le point positif avancé par les auteurs est celui d’une « real life study ». Cette étude qui est un nouvel affrontement de la modernité contre la tradition est donc un match nul.

Sorti de cette séance fournie en résultats négatifs, il était l’heure de reprendre confiance en l’avenir en se rendant à la session du chirurgien colorectal moderne. Les écossais ont commencé fort en nous présentant leur camp intensif de formation qu’ils proposent aux jeunes chirurgiens pour les former aux connaissances non techniques du métier. Appelé Scottich Surgical Bootcamp, ce stage a pour objectif d’apprendre à bien réfléchir, à gérer son stress, à moduler sa concentration au bloc opératoire, à mieux communiquer … La liste est longue et les résultats semblent bien là. Des chirurgiens plus heureux, plus performants et au finalement des patients mieux opérés. Ils nous ont convaincu. Les plus intéressés peuvent jeter un coup d’œil sur surgicalbootcamps.com. Toujours dans cette session du chirurgien moderne, une très belle présentation sur l’arrivée prochaine de l’intelligence artificielle au bloc opératoire pour prédire le risque de fistule anastomotique à partir des données recueillies par la station de l’anesthésiste. Allons-nous bientôt demander à l’anesthésiste si notre anastomose va fistuliser ? Quel beau rapprochement entre ces deux spécialités.

Côté proctologie, Dawou C. a rapporté l’expérience autrichienne de l’injection de darvadstrocel dans les fistules de Crohn : 11 malades (86% sous biothérapie) ont reçu 14 injections de 2018 à 2021, à un suivi médian de 20 mois 57% avaient un orifice externe fermé et pas de cavité >2 cm en IRM. Sur le même sujet, Qvist N. (Danemark) a fait la revue des meilleures publications de l’année. Il note que les études sur les injections de cellules hétérologues (technique chère), de graisse autologue enrichie en cellule (technique compliquée), de graisse autologue (simple et peu chère) sont efficaces de 60 à 80%. ADMIRE et INSPECT (études contrôlées) sont positives pour le darvadstrocel avec des chiffres du même ordre. A quand les études comparant entre elles ces techniques de complexité et prix si différents ?

D’après la métanalyse de Naing Y. (Liverpool), le plasma argon et l’application de formol sont aussi efficaces pour traiter la rectite radique, sont mal évalués les effets secondaires et l’influence sur la qualité de vie…
A Dusseldorf, Alldinger I. a traité 883 patients pour fissure anale : 13% opérés d’emblée, pour les autres plus de 90% cicatrisés avec un traitement médical (nifédipine locale), … » pourvu qu’on sache attendre » ! Dans ce même centre la prise en charge pragmatique de première ligne du prurit anal est l’éviction du papier toilette remplacé par des toilettes à l’eau et le séchage attentif.
Le VAAFT pour traiter les fistules anales donne de bons résultats dans deux hôpitaux anglais (Sr Helens et Knowsley, Santoro G.) : 78% de fermeture après 1 (pour 1/3 des malades) à plus de 6 séances.

Au Canada Maharaj A. enlève les hémorroïdes à l’anse diathermique en fin de colo, il en est très content avec moins d’hémorragie post-op qu’après Milligan & Morgan (sans chiffres…).
L’antécédent de lésion pré- et cancéreuse génitale est un facteur de risque pour l’apparition d’une lésion similaire au niveau anal. Lupi M. s’est intéressé aux23 femmes avec un cancer anal avec un antécédent de lésion génitale (25% de leurs patientes). Elles sont plus jeunes, avec un stade avancé de cancer, seules 44% étaient suivies au niveau anal après diagnostic de leur maladie gynécologique.