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Colite et albinisme : il fallait y penser !

Colitis and albinism: something to think about!

L’association colite et albinisme n’est pas si fortuite qu’elle en a l’air : un cas clinique original.

Observation

Une patiente de 45 ans atteinte d’albinisme oculo-cutané de type 4, caractérisé par une peau pâle, un strabisme et un nystagmus horizontal, a développé une lésion anopérinéale (Fig. 1) suite d’une hémorroïdectomie.

Une colite aphtoïde et des ulcérations anorectales ont été observées lors de l’iléocoloscopie (Fig. 2). L’iléon était normal. Les biopsies ont révélé la présence de granulomes, suggérant une « maladie de Crohn like » compte tenu du contexte génétique 1.

Quelques semaines après, la patiente a été prise en charge en raison d’un choc hémorragique secondaire à une ulcération iléale associée à la maladie digestive. Une large ulcération iléale a été observée lors de la coloscopie (Fig. 3). Les tests PCR BK sur les tissus étaient négatifs.

Une biothérapie anti-TNF par infliximab 2 a été initiée à 5 mg/kg, mais rapidement optimisée à 10 mg/kg en raison de l’apparition d’un abcès pelvien qui a été drainé, et de symptômes articulaires extra-digestifs. Lors de la réévaluation endoscopique à 12 mois, une réponse significative a été observée avec la persistance d’une maladie légère à modérée. L’infliximab a été poursuivi à 10mg/kg toutes les 4 semaines, mais devant la persistance d’une maladie anopérinéale active à presque 2 ans du début de l’infliximab, le védolizumab a été associé en combiothérapie. Après un an de combiothérapie, le védolizumab a été remplacé par l’ustékinumab, toujours associé à l’infliximab (infiximabémie à 6,6 µg/ml sous 10 mg/kg toutes les 4 semaines). Cette décision a été prise en raison d’une rectite sévère avec une large ulcération rectale et d’une sténose sus-anale. Actuellement à un peu plus d’un an, une réponse clinique et endoscopique a été observée après dilatation anale (Fig. 4). La procédure s’est cependant compliquée d’un état de choc hémorragique.

Discussion

Le syndrome d’Hermansky-Pudlak (HPS) décrit pour la première fois en 1959 est une maladie génétique rare (autosomique récessive) qui se manifeste par un albinisme oculo-cutané, une dysfonction plaquettaire et des complications systémiques liées au dépôt de céroïdes dans le système réticulo-endothélial. Les types 1 et 4 du HPS présentent des symptômes gastro-intestinaux similaires à ceux de la maladie de Crohn, comme l’entérocolite granulomateuse et les atteintes périnéales. L’atteinte pulmonaire fibrosante conditionne le pronostic de ce syndrome.

Le HPS a été suspecté dans ce cas devant l’association : albinisme oculo-cutané, entérocolite granulomateuse et lésions périnéales similaires à celles de la maladie de Crohn. La patiente a développé une atteinte périnéale primaire suite à une chirurgie proctologique. La progression rapide de la maladie de Crohn, avec une atteinte iléo-colique inflammatoire, périnéale pénétrante et sténosante, suggère une sévérité accrue due à l’association avec le HPS. La préoccupation principale de diathèse hémorragique (dysfonction plaquettaire) liée à ce syndrome, a été illustrée par les hémorragies digestives observées.

Actuellement, il n’existe aucun traitement spécifique pour le HPS et aucune donnée dans la littérature n’évalue l’efficacité d’une combiothérapie en cas d’association avec la maladie de Crohn. Ce cas est le premier à examiner l’efficacité d’une combiothérapie comme stratégie potentielle pour cette maladie sévère.

Bien que le HPS soit reconnu pour son risque accru de cancers cutanés, il existe des incertitudes quant à son impact sur le risque de dysplasie colique lorsqu’il est associé à la maladie de Crohn. Bien qu’une augmentation du risque de cancer colorectal soit suggérée, en raison de la sévérité des atteintes intestinales telles que les sténoses et les fistules, il n’existe actuellement aucune recommandation spécifique de surveillance 3.

Conclusion

Cette observation clinique souligne l’importance de considérer les atteintes digestives et ano-périnéales ressemblant à des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin « MICI-like » ainsi que l’importance d’une approche diagnostique exhaustive prenant en compte les antécédents médicaux spécifiques du patient. La sévérité des atteintes intestinales liées au syndrome d’Hermansky-Pudlak soulève des interrogations concernant l’intérêt d’un traitement optimisé dès le début de la prise en charge, et ouvre de nouvelles perspectives quant à l’utilisation de combiothérapies qui n’avaient pas été explorées auparavant. Il convient de prêter une attention particulière au risque hémorragique avant tout geste thérapeutique. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de cette maladie rare, ainsi que pour optimiser les stratégies thérapeutiques et évaluer le risque de dysplasie colique.

Références

  1. Girot P, Berre CL, Maissin AD, Freyssinet M, Trang-Poisson C, Bourreille A. Crohn’s-like acute severe colitis associated with Hermansky-Pudlak syndrome: A case report. WJG. 28 févr 2019;25(8):1031‑6. ↩︎
  2. Kouklakis G, Efremidou EI, Papageorgiou MS, Pavlidou E, Manolas KJ, Liratzopoulos N. Complicated Crohn’s-like colitis, associated with Hermansky-Pudlak syndrome, treated with Infliximab: a case report and brief review of the literature. J Med Case Reports. déc 2007;1(1):176. ↩︎
  3. Lozynska LY, Plawski A, Lozynska MR, Vytvytskyi I, Lozynskyi RY, Prokopchuk N, et al. Variant of rare Hermansky – Pudlak syndrome associated with granulomatous colitis: diagnostics, clinical course and treatment. Exp Oncol. mars 2018;40(1):73‑8. ↩︎

Mots-clés

  • Syndrome d’Hermansky-Pudlak / Hermansky-Pudlak syndrome
  • Maladie de Crohn / Crohn’s disease