Le Syndrome de Douleur Myofasciale (SDM) est une douleur musculosquelettique se caractérisant par une douleur locale et une douleur référée perçues comme étant profondes ou sourdes.
- La douleur pelvienne locale se définit par la présence de points gâchettes (trigger points), de bandes musculaires tendues (taut bands) ou de douleurs musculaires généralisées se manifestant dans les muscles, les fascias ou les tissus mous de la région du bassin et du plancher pelvien
Chaque point gâchette représente un muscle spécifique dont la localisation initialement décrite par Travell et Simons est considérée comme reproductible. Des critères diagnostiques des trigger points myofasciaux ont été établis tels que la présence d’une zone sensible à la pression dans le muscle crispé, une douleur irradiante provenant du point gâchette et une réponse de contraction musculaire locale induite par la stimulation de ce point. Le point gâchette peut être latent pendant un certain temps et se réveiller suite à un facteur stressant ou émotionnel.
- La douleur référée est une douleur ressentie à un endroit différent de la localisation de la dysfonction. Ces douleurs référées sont bien identifiées et le thérapeute doit diagnostiquer l’origine et le tissu qui en est responsable. Ainsi, la pression du muscle piriforme hypertonique peut provoquer une douleur fessière et celle du muscle releveur de l’anus induira une douleur anale.
Dans l’étude de Montenegro et al., les femmes du groupe de douleur pelvienne chronique présentaient pour 89% d’entre-elles une sensibilité du muscle releveur de l’anus, 50,8% une sensibilité du muscle piriforme et 31,7% concernaient l’obturateur interne.
La rééducation des douleurs pelviennes d’origine myofasciale fait partie des traitements de première intention et s’inscrit dans une prise en charge multidisciplinaire puisqu’elles coexistent fréquemment avec une pathologie des systèmes urinaire, génital, colorectal ou musculosquelettique, ou en être les séquelles.
Les objectifs de traitement du kinésithérapeute spécialisé doivent être musculaires et myofasciaux, posturaux, comportementaux et visent à régulariser l’hypersensibilité. Le contexte de la prise en charge est fondamental chez ces patients dont la qualité de vie est le plus souvent significativement perturbée : écoute attentive et rassurante, soutien, explication des objectifs et de la stratégie thérapeutiques.
Il s’agit, tout d’abord, d’identifier la douleur et les éléments anatomiques responsables (peau, muscles, articulations, incompétences du plancher pelvien ou de l’abdomen, troubles de la posture, nerfs, …) car le traitement de la douleur dépendra de la cause. Pour cela, une anamnèse clinique détaillée et un examen physique complet permettront de définir les objectifs et le protocole de prise en charge. Le bilan de l’hypersensibilisation centrale, spécifique de la douleur chronique, sera ajouté en suivant les critères de Convergences-pp.
L’examen physique complet du patient souffrant de douleurs pelviennes myofasciales consiste en un examen musculosquelettique reprenant l’évaluation de sa posture, de l’amplitude des mouvements de la colonne vertébrale, du bassin et des membres inférieurs ainsi que l’examen du plancher pelvien.
A l’examen clinique, on retrouve une hypertonie musculaire avec limitation des amplitudes articulaires. L’hypertonie non neurologique d’un muscle est liée à la modification positionnelle de ses points d’insertion. Un muscle en permanence en position longue réagit par un réflexe myotatique et évolue progressivement vers l’hypertonie.
Ainsi, un membre inférieur positionné en rotation interne par un déséquilibre du bassin, du genou ou du pied entraîne une mise en tension des muscles pelvi-trochantériens qui se contractent par le réflexe myotatique d’étirement et pourront évoluer vers l’hypertonie. Il faut donc évaluer et traiter l’ensemble des muscles d’une même chaîne musculaire ainsi que les structures auxquelles ils sont liés par leurs insertions, selon la « théorie des voisins ». Ou encore, une hyperlordose lombaire avec nutation du sacrum peut engendrer une hypertonie du muscle releveur de l’anus.
La palpation du point gâchette peut s’exécuter directement sur le centre du ventre musculaire puis sur toute la longueur du muscle en suivant l’orientation des fibres, afin de ne pas passer à côté d’un point sensible près de l’insertion musculaire.
- Le point gâchette du muscle obturateur interne se situe au milieu de la fesse, sur une ligne reliant le grand trochanter au coccyx. Il peut également être déclenché par un toucher endocavitaire. La douleur référée peut se situer dans la zone ano-coccygienne et irradier vers la face postérieure de la cuisse.
- Le point gâchette du muscle piriforme se situe au milieu de la fesse, environ 5 cm au-dessus de celui de l’obturateur interne. La douleur référée se traduit par une douleur fessière pouvant irradier vers la face postérieure de la cuisse.
- Le point gâchette du muscle releveur de l’anus peut être relevé par une palpation endocavitaire, plus spécifiquement à 5h et 7h, si le patient est en décubitus dorsal, ou sur la pointe du coccyx. Chaque faisceau du releveur de l’anus possède ses propres points gâchettes qui devront être identifiés lors d’un examen minutieux. La douleur référée est une douleur anale. Le releveur de l’anus est remarquable par son triple rôle de soutien des organes pelviens et de participation aux fonctions de continence et d’exonération. Une perturbation de son fonctionnement, et notamment une hypertonie, peut entraîner ou participer à des troubles urinaires (dysurie), ano-rectaux (constipation dyssynergique), sexuels (dyspareunie) ainsi qu’à des douleurs pelvi-périnéales (syndrome du releveur de l’anus) ou ostéo-articulaires (coccygodynies).
La stratégie de traitement combine les techniques de kinésithérapie, l’éducation du patient, les modifications comportementales et la gestion de la douleur.
Les principes fondamentaux du traitement sont la relaxation des muscles souvent hypertoniques, à l’origine eux-mêmes de douleurs mais également responsables de compressions de nerfs et vaisseaux. Les techniques manuelles adoptées sont le relâchement des trigger points, le contracter-relâcher, les étirements musculaires et la mobilisation des tissus mous et des articulations. Ceux-ci doivent toujours être effectués avec une extrême précaution et lenteur. Les exercices de renforcement musculaires, y compris du plancher pelvien, sont rarement préconisés et peuvent être, à l’inverse, un facteur aggravant. Si nécessaire, les exercices de compétence abdomino-périnéale seront proposés afin d’améliorer l’efficacité musculaire et l’automatisation lors des efforts. Le kinésithérapeute peut travailler en endocavitaire afin de libérer les points gâchettes douloureux et les restrictions du tissu conjonctif, d’étirer les muscles, de mobiliser les tissus mous et de favoriser le relâchement.
Des programmes d’exercices à domicile tels que les étirements, la sophrologie et la relaxation sont recommandés afin d’impliquer le patient dans sa prise en charge et lui permettre de mieux gérer la douleur, notamment dans un tableau d’hypersensibilisation.
A cela s’ajoutent des conseils concernant les facteurs aggravants parmi lesquels la correction de la posture et des gestes quotidiens ou professionnels inadaptés, ou encore la gestion de la constipation terminale avec efforts de poussée. La rééducation peut être complétée par une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), particulièrement recommandée en cas de syndrome dépressif, d’anxiété, de catastrophisme, de stress post-traumatique ou de faible motivation au changement.
La fréquence des traitements peut varier selon l’intensité de la douleur, l’impact sur la qualité de vie et la réponse du patient au traitement kinésithérapique. En France, la prescription n’est pas quantitative mais doit préciser que la prise en charge n’est pas uniquement périnéale. Exemple de prescription : « Rééducation des muscles du plancher pelvien, des muscles du bassin et des membres inférieurs dans un contexte de douleurs pelviennes chroniques ».
Aucune recommandation n’a été établie concernant le nombre de séances, mais on considère que le traitement peut être poursuivi au-delà de 10 séances en cas de résultats encore insuffisants ou au contraire, référer le patient à une équipe médicale spécialisée et multidisciplinaire en cas d’absence de résultat après 10 séances. En tout état de cause, le suivi à long terme du patient est un facteur prédictif positif du succès de la prise en charge.
En conclusion, la prise en charge multidisciplinaire doit être individuelle et personnalisée, dans un contexte de relaxation et de dédramatisation, tout en tenant compte des conséquences personnelles, sociales, sexuelles et professionnelles.
Références bibliographiques :
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- Montenegro ML, Mateus-Vasconcelos EC, Rosa e Silva JC, et al. Importance of pelvic muscle tenderness evaluation in women with chronic pelvic pain. Pain Med 2010;11(2):224–8.
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Ce dossier a été coordonné par les Dr Amélie SENEAU-LEVESQUE et Dr François PIGOT pour La Revue et Convergences PP.