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Comment aborder les douleurs pelvi-périnéales chroniques ? Un démembrement est-il possible ?

Introduction

Les patients souffrant de douleurs pelvi-périnéales chroniques présentent la plupart du temps un large cortège de symptômes, intéressant simultanément la sphère digestive, urinaire et sexuelle. 

Il est parfois difficile de faire un diagnostic face à des plaintes multiples ce d’autant plus lorsque la plainte est noyée par une composante psycho-émotionnelle envahissante.

Certains d’entre nous sont alors tentés de se restreindre à l’élimination des pathologies organiques en rapport avec leur spécialité, concluant l’entretien par « je n’ai pas d’explication à vos douleurs, je ne peux rien pour vous ».

En découle une errance thérapeutique des patients, une multiplication des consultations médicales et l’ accroissement du désarroi du patient.

L’objectif de cet article est de proposer un canevas d’entretien permettant si ce n’est de poser un diagnostic d’orienter au mieux les patients vers des confrères en capacité de le faire.

Premièrement il faut considérer que la douleur chronique a toujours une cause. 

Elle est la résultante soit d’une stimulation nociceptive persistante, soit d’une dysfonction du système de perception de la douleur en lui-même (pas de lésion organique dans ce cas).

Bien évidemment la cause « viscérale » doit être éliminée en premier que ce soit une cause infectieuse, tumorale ou inflammatoire.

Une fois l’atteinte organique éliminée, il est tentant d’annoncer au patient qu’il n’a rien !!

Or, il existe bien d’autres causes de la douleur chronique dans la sphère pelvi-périnéale dont le diagnostic peut être aisé pour peu qu’on y pense.

Par exemple les causes ostéo-articulaires au-devant desquelles la coccygodynie qui représente le diagnostic différentiel principal de la névralgie pudendale.

Les contextes les plus fréquents sont les contextes post-traumatiques et post-partum.

Le coccyx n’est parfois pas identifié par le patient qui se plaindra de l’anus voir du périnée.

Il est donc nécessaire d’inclure de façon systématique la recherche de couleurs coccygiennes à l’interrogatoire et à l’examen clinique (pression externe = postéro-antérieure et interne = antéro-postérieure).

Certains patients se plaignent de l’hypogastre, avec des irradiations testiculaires ou génitales sans précision. Une fois la hernie inguinale éliminée, il convient d’examiner la charnière thoraco-lombaire pour identifier éventuellement une dysfonction de la charnière thoraco-lombaire ou syndrome de Maigne. Cela est très fréquent chez les patients avec une activité professionnelle ou sportive imposant des rotations du tronc répétées et extrêmes (amis golfeurs, ATTENTION !!).

Le tableau clinique associe souvent des douleurs projetées dans les métamères Th12 et L1 c’est-à-dire, plis inguinaux, testicules et pubis MAIS également dans le territoire de la branche postérieure de ces racines nerveuses : la peau du bas du dos et du haut des fesses. Parfois même (mais c’est rare) il existe des douleurs dans le territoire de la branche latérale à savoir en regard du grand trochanter.

L’examen clinique requiert cependant quelques connaissances d’anatomie palpatoire et il est souvent plus raisonnable de référer à un rhumatologue ou un ostéopathe.

Et si vous ne trouvez rien au niveau osseux ? La cause de la douleur pourrait-elle être neuropathique ? 

La névralgie pudendale est désormais bien connue. Des recommandations publiées en 2021 par ConvergencesPP confirment l’établissement du diagnostic par les Critères de Nantes, soit quatre critères cliniques (douleurs dans le territoire du nerf, aggravées par la position assise, sans hypoesthésie objectivée et ne réveillant pas le patient la nuit) et un critère infiltratif (au moins 50% d’amélioration de l’intensité douloureuse au décours immédiat d’un block test au niveau du ligament sacro-épineux). On notera que la réalisation d’un EMG périnéale n’est plus recommandée ni aucun autre examen complémentaire d’ailleurs.

L’IRM pelvienne est indiquée cependant afin d’éliminer des diagnostics différentiels « viscéraux » notamment.

D’autres nerfs peuvent être la cause de douleurs pelvi-périnéales chroniques, le rameau clunéal inférieur, le nerf obturateur et les nerfs ilio-inguinal et ilio-hypogastrique. La règle à chaque fois c’est de parvenir à bien définir la localisation des douleurs du patient. C’est la clé pour repérer un éventuel territoire radiculaire ou tronculaire.

Dans d’autres situations plus rares, les douleurs peuvent être en lien avec un désordre musculo-tendineux. On a tous en tête le syndrome du piriforme à l’origine de douleurs de la fesse associées à une sciatialgie tronquée. De même le muscle obturateur interne peut donner des douleurs de la fesses et para-vaginales irradiant dans l’aine. Les douleurs sont dans ces cas reproduites par la palpation musculaire ainsi que la mise en tension ou l’étirement musculaire. Bien sûr les élévateurs de l’anus sont également responsables de tableaux douloureux cliniques auxquels s’associent volontiers des dysfonctions urinaires et défécatoires.

La peau est parfois également la source des douleurs. Dans ce cas la clinique est évocatrice par la notion de démangeaisons (caractéristiques) la permanence des douleurs jour et nuit et l’absence de caractère positionnel franc. Le Lichen scléro atrophique vulvaire (parfois étendu jusqu’à la large anale) avec un aspect assez typique de peau détrempée, blanchâtre voire nacrée, est le plus fréquent. 

Enfin, les vaisseaux doivent également être considérés comme potentiellement causes de douleurs chroniques. Les varices pelviennes notamment peuvent faire le lit d’un syndrome de congestion pelvienne. Attention ce n’est pas parce qu’il y a des varices qu’il y a des douleurs ! La clinique est évocatrice lorsque les douleurs sont décrites en terme de pesanteur, associées à la position debout prolongée, augmentée en fin de journée et soulagée par le décubitus. S’y associent fréquemment des douleurs per et post-coïtales ainsi qu’un gonflement abdominal vespéral. 

Mais quand les douleurs ne sont ni en lien avec un problème organiques, ni osseux, ni neurologique, ni musculaire, ni cutané, ni vasculaire… il faut penser à un problème de sensibilisation pelvienne à la douleur. C’est l’expression pelvienne d’une dysrégulation périphérique et centrale de la perception douloureuse. Elle est la résultante d’une diminution de seuil d’activation des récepteurs à la douleur, d’une diffusion désinhibée de la douleur dans l’espace (se diffuse en nappe d’huile et aux organes adjacents) et dans le temps (la douleur persiste après la miction, la défécation, les rapports …).

Il en résulte que le patient perçoit une douleur pour une ou des stimulations normalement non douloureuses (miction, défécation, rapports…), qui n’est donc pas le signal d’une lésion périphérique (d’où la normalité des examens complémentaires) mais qui est pour le patient exactement identique à une douleur physiologique !

Pour aider au diagnostic, le score de Convergences PP a été créé en 2019. Ce questionnaire de 10 questions permet de poser le diagnostic à partir de 5 réponses positives.

Avec cette approche de démembrement systématique il est quasiment toujours possible de donner une orientation diagnostique au patient. 

Le tableau suivant, sans être exhaustif, regroupe les principales causes de douleurs pelvi-périnéales chroniques.

Névralgie pudendale par compression canalaire, Critères de Nantes.

  • Les cinq caractéristiques de la douleur suivantes sont indispensables :
    1. topographie pudendale,  
    2. positionnelle : La douleur est déclenchée et/ou aggravée par la position assise,
    3. diurne, soulagée la nuit, ne réveillant pas,
    4. sans déficit sensitif ni moteur,
    5. elle  doit répondre à  l’infiltration anesthésique, au moins le temps de la durée d’action du produit injecté.
  • Sont aussi définis des critères d’exclusion : douleur purement coccygienne, purement fessière ou purement hypogastrique, exclusivement paroxystique, exclusivement prurigineuse, présence d’anomalies organiques pouvant expliquer les symptômes.
  • Sont admis des signes associés, inconstants : diffusion à un territoire anatomique voisin (fesses, sciatique tronquée, face interne cuisse, région pubienne ou sus pubienne), des signes urinaires (pollakiurie, inconfort vésical), des troubles de l’érection, de l’éjaculation, une augmentation de la douleur après les rapports sexuels, des troubles de la continence anale.

Labat JJ, Riant T, Robert R, Amarenco G, Lefaucheur JP, Rigaud J. Diagnostic criteria for pudendal neuralgia by pudendal nerve entrapment (Nantes criteria). Neurourology and Urodynamics 2008;27:306–310.

Score de sensibilisation pelvienne à la douleur pelvienne et périnéale (score de Convergences PP)

Levesque A, Riant T, Ploteau S, Rigaud J, Labat JJ; Convergences PP Network. Clinical Criteria of Central Sensitization in Chronic Pelvic and Perineal Pain (Convergences PP Criteria): Elaboration of a Clinical Evaluation Tool Based on Formal Expert Consensus. Pain Med. 2018;19:2009-2015.

Ce dossier a été coordonné par les Dr Amélie SENEAU-LEVESQUE et Dr François PIGOT pour La Revue et Convergences PP.