Diplôme inter-universitaire – Proctologie médicochirurgicale – Fiche numéro 1
Par Dr AC Ezanno1 et Pr L. Abramowitz2
1 Service de chirurgie viscérale, digestive et endocrinienne, Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, 69 avenue de Paris, 94160 St Mandé
2 Service de gastroentérologie et proctologie médico-chirurgicale, Centre Hospitalo- universitaire Bichat -APHP, 46 rue Henri-Huchard, 75877 Paris Cedex 18
Préambule
Il ne s’agit pas ici de refaire un chapitre détaillé d’anatomie de la totalité de la région ano-rectale. Le but de ce cours est de reprendre les points importants d’anatomie de la région ano-rectale afin de mieux appréhender les principales pathologies qui seront aborder dans ce diplôme inter-universitaire de pathologies colo-proctologiques. La compréhension des éléments qu’il s’agisse de la morphologie, de la vascularisation, de l’innervation, des structures musculaires ou encore du mésorectum est essentiel pour savoir de quoi l’on parle lorsque l’on veut comprendre la pathologie hémorroïdaire, les dysplasies et les cancers de cette région, les suppurations, les mécanismes de l’incontinence anale…
Anatomie descriptive du rectum et canal anal
Le rectum fait suite au sigmoïde et débute en regard de la 3ème vertèbre sacrée et se termine par le canal anal qui est ainsi la portion terminale du tube digestif.
D’un point de vue anatomique et embryologique, on distingue deux rectums (schéma 1) :
- Rectum pelvien avec ampoule rectale issu de l’endoderme
- Rectum périnéal ou canal anal issu de l’ectoderme
L’ampoule rectale est un organe qui mesure entre 10 et 12 cm.
Le canal anal, d’une longueur d’environ 3 cm, est le segment terminal du tube digestif de la ligne ano-rectale localisée au niveau supérieur de la sangle pubo-rectale du muscle releveur de l’anus et, en bas, par la marge anale.
Dans le plan frontal, le rectum est oblique en bas et en arrière et forme avec le rectum pelvien, l’angle ano rectal ouvert en arrière d’environ 90°, qui porte aussi le nom de cap anal. Cette angulation joue un rôle essentiel dans la continence (schéma 2)
La ligne pectinée, zone de transition entre l’ampoule rectale et le canal anal, est constituée par des replis muqueux (colonnes de Morgagni). Entre les colonnes de Morgagni, on trouve des cryptes où s’abouchent les glandes ano rectale d’Hermann et Désfosses situées dans l’espace inter-sphincterien (schéma 3). C’est le point de départ des fistules anales cryptoglandulaire : lorsqu’une glande d’Hermann et Désfosses s’infecte, elle produit du pus. Ce pus trouve son chemin vers la surface cutanée en créant un passage que l’on appelle la fistule.
On notera également l’existence au niveau de la marge anale la présence de glandes sébacées et sudoripares qui peuvent exceptionnellement entrainer de petits abcès sans communication avec le canal anal.
En anuscopie/rectoscopie, la muqueuse rectale est rose-orangée et le canal anal est violacé car il s’agit de 2 épithéliums différents.
La paroi du rectum, comme tout le tube digestif, est formé de 4 tuniques concentriques avec de dedans en dehors, la muqueuse, la sous-muqueuse, la musculeuse et la séreuse.
La muqueuse rectale, au-dessus de la ligne pectinée, correspond à un épithélium glandulaire dont la cancérisation donne un adénocarcinome Liberkühnien.
La muqueuse du canal anal, sous la ligne pectinée, correspond à un épithélium Malpighien (non kératinisé au niveau du canal, puis kératinisé au niveau de la marge anal) dont la cancérisation donne un carcinome épidermoïde.
Enfin, la muqueuse au-dessus la ligne pectinée, entre ces 2 épithéliums est une zone transitionnelle avec un épithélium dit intermédiaire (schéma 4).
L’appareil sphinctérien
Le système sphinctérien comprend le sphincter anal interne, le sphincter anal externe et la sangle pubo-rectale.
Le sphincter interne
En chirurgie, il est facilement reconnaissable par ses fibres blanchâtres. Le sphincter anal interne est un anneau de muscle lisse d’environ 3 cm de haut. Il s’agit d’un prolongement de la couche musculaire lisse de la paroi du rectum (schéma 5).
Le sphincter interne est issu de la couche circulaire interne, peu développée au niveau de l’ampoule rectale mais qui s’épaissit au niveau de la partie distale du rectum et se prolonge au niveau du canal anal pour former le sphincter interne. L’épaisseur du sphincter interne est évaluée entre 0,5 et 4 mm et il s’étend sur une hauteur d’environ 3 cm. Il est constitué de fibre musculaire lisse, sous la dépendance des systèmes sympathique (constricteur) et parasympathique (relaxante). En chirurgie, il est facilement reconnaissable avec ses fibres blanchâtres. Les fibres du sphincter externe sont elles de couleurs rosées, ce dernier étant un muscle strié.
Le sphincter externe
La description anatomique du sphincter anal externe reste controversée. Il est classiquement décrit par les anatomistes comme constitué de trois faisceaux (profond, superficiel et sous cutanée) mais d’un point de vue chirurgical, on a tendance à proposer une description en 2 faisceaux, profond et sous cutané et c’est celle- ci que nous retiendrons (schéma 6) :
- Faisceau profond en regard du sphincter interne. Il a une forme d’anneau et encercle ainsi le canal anal
- Faisceau sous cutané, au niveau de la marge anale, donnant l’aspect radié/ en rayon de soleil de l’anus.
Le sphincter anal externe faisceau profond, s’insère en haut et en avant sur le pubis en s’intriquant avec le pubo-rectal mais également sur le noyau fibreux central du périnée. En arrière et de haut en bas, le sphincter externe s’insère sur le coccyx par l’intermédiaire du ligament ano-coccygien. Les fibres du faisceau sous-cutanée du sphincter externe, s’insèrent directement sur la peau (donnant l’aspect radié de la marge anale).
Le releveur de l’anus
Composé de 3 faisceaux, pubo-rectal, pubo-coccygien, et ilio-coccygien, le groupe musculaire du releveur de l’anus, forme un véritable diaphragme limitant l’orifice inférieur du bassin (schéma 7). Leurs insertions se font, en avant sur le pubis, l’aponévrose obturatrice et l’épine ischiatique et, en arrière sur le coccyx et le raphé ano-coccygien.
Vascularisation artérielle, veineuse et drainage lymphatique
Vascularisation artérielle
Elle est assurée essentiellement par les artères rectales supérieures (ARS), terminaison de l’artère mésentérique inférieure (AMI) (schéma 8).
Elle passe à la face postérieure du rectum où elle se divise en branche droite et gauche. L’ARS vascularise la totalité de l’ampoule rectale et la muqueuse du canal anal.
Cette vascularisation est complétée par des artères rectales moyennes. Les artères rectales moyennes sont inconstante. Quand elles existent, elles naissent des artères iliaques internes droite et gauche.
Enfin, on décrit également les artères rectales inférieures issues des artères pudendales interne naissant des artères iliaques internes. Elles vascularisent le sphincter anal interne, le sphincter anal externe, le muscle releveur de l’anus et la sous-muqueuse du canal anal.
Vascularisation veineuse
La vascularisation veineuse du rectum a une disposition assez voisine de la vascularisation artérielle. Elle est assurée essentiellement par la veine rectale supérieure et accessoirement par les veines rectales moyenne et inférieure (schéma 8).
- La veine rectale supérieure est formée par la réunion de 5 à 6 veines traversant la paroi musculaire du rectum. Elle forme, avec les veines sigmoïdiennes, la veine mésentérique inférieure et le système porte
- Les veines rectales inférieures et moyennes, inconstantes et de petit calibre, drainent le canal anal et la partie basse de l’ampoule rectale. Elles rejoignent la veine pudendale puis la veine iliaque interne et forment ensuite le système cave.
Le réseau hémorroïdaire
Les hémorroïdes sont un réseau vasculaire qui font partie de l’anatomie normale. Tout le monde a des hémorroïdes ; mais à l’état normal elles ne doivent entraîner aucune manifestation. Dans le langage courant, quand quelqu’un dit « j’ai des hémorroïdes », cela signifie « je souffre de mes hémorroïdes ». Il existe donc une ambiguïté sur ce terme qui désigne à la fois une maladie et des structures vasculaires normales (schéma 9).
Les hémorroïdes sont des grappes d’élément vasculaire, situées en regard de la ligne pectinée (hémorroïdes internes) et au niveau de la ligne ano-cutanée (hémorroïdes externes) Ce ne sont pas des veines bien linéaires comme celles des jambes, mais de multiples petits sacs veineux regroupés en 3 paquets situés à gauche, en avant à droite et en arrière à droite (leur résection lors d’une hémorroïdectomie selon Miligan et Morgan donne le fameux trèfle). Les hémorroïdes sont en fait des éléments vasculaires anastomosés entre eux, en réseau, riche en shunts artérioveineux.
Les hémorroïdes internes sont maintenues au sphincter interne par les fibres du ligament de Parks, issus de la couche longitudinale externe de la musculeuse. C’est ce ligament constitué de fibres blanchâtres, qui est sectionnées lors de l’hémorroïdectomie selon la technique de Miligan et Morgan.
Enfin, il n’y a aucun lien entre la pathologie hémorroïdaires et l’hypertension portale. Cette dernière peut en revanche donner des varices rectales dont la prise en charge est très différente de la pathologie hémorroïdaire.
Drainage lymphatique
Les lymphatiques sont dans leur grande majorité situés dans le mésorectum.
Le réseau est formé de multiples petits ganglions lymphatiques : 90% mesurent moins de 10 mm, et 70% moins de 5 mm. Ils ne sont donc vus en IRM que lorsqu’ils sont augmentés de volume.
Innervation
Le rectum est soumis à une double innervation autonome et somatique.
Innervation somatique
Le nerf pudendal est issu de S3 S4 et donne des rameaux moteurs pour le sphincter externe, muscle strié et des rameaux sensitifs cutanés. Ce nerf est parfois comprimé et entraine des névralgies dites pudendales.
Innervation autonome
L’innervation autonome (ou végétative) du rectum est assurée par les plexus rectaux supérieurs et inférieurs respectivement issue du plexus mésentérique supérieur et du plexus hypogastrique inférieur. Le canal anal quant à lui est innervés par le plexus rectal inférieur issue du plexus hypogastrique inférieur.
Une lésion des plexus hypogastriques supérieurs et inférieurs notamment dans la chirurgie du cancer rectal sera responsable de troubles fonctionnels essentiellement d’ordre urinaire ou sexuel (schéma 10).
Espace celluleux
On distingue plusieurs espaces cellulo-graisseux, dont l’intérêt est capital en chirurgie proctologiques car ce sont les voies de diffusion des suppurations (schéma 11) :
- Fosse ischio-anal : limité par le sphincter externe en dedans, le muscle releveur en haut, la peau en bas et le muscle obturateur interne en dehors. C’est à ce niveau que se développe la plupart des abcès et des trajets de fistules transphinctériennes (après le passage du sphincter externe)
- Espace inter-sphinctérien : il se situe entre le sphincter interne et le faisceau profond du sphincter externe. C’est à ce niveau que se développe les abcès inter- sphinctériens (aussi appelés intra-muraux)
- Fosse ischio-rectale : au-dessus du muscle élévateur de l’anus
Mésorectum
L’entité anatomique du mésorectum est la notion fondamentale en matière de chirurgie du cancer rectum. Le mésorectum, c’est l’ensemble cellulo-ganglionnaire entourant le rectum et contenant le drainage lymphatique et vasculaire. Ce mésorectum est entouré d’une fine enveloppe correspondant au feuillet viscéral du fascia pelvien appelé « fascia recti ». Le feuillet pariétal du fascia pelvien recouvre les parois pelviennes, le sacrum en arrière sous la forme de l’aponévrose pré sacrée, les nerfs et vaisseaux hypogastriques. Le mesorectum, entre le fascia recti et le fascia pariétal, correspond ainsi à un espace avasculaire celluleux qui est le plan de clivage chirurgical lors des résections carcinologique du rectum.