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ACCURE trial : l’appendicectomie pour maintenir la rémission dans la rectocolite hémorragique, bonne ou mauvaise idée ?

Les résultats du très attendu essai ACCURE évaluant l’effet potentiellement favorable de l’appendicectomie chez les patients atteints d’une rectocolite hémorragique (RCH) en rémission suite à un traitement médical sont désormais disponibles (1). Et pour éliminer tout suspense inutile, l’essai est positif et les auteurs concluent que l’appendicectomie en sus d’un traitement médical permet une réduction significative du taux de rechute à un an.

Mais reprenons du début : la RCH concerne 5 millions de patients à travers le monde et son incidence est en augmentation notamment dans les pays en voie de développement. Un lien a été mis en évidence entre l’appendice et cette pathologie inflammatoire : il a notamment été montré sur une étude de cohorte nationale suédoise que l’antécédent d’appendicectomie pour appendicite aiguë protégerait de la survenue d’une RCH (2). Un lien entre la RCH et l’appendice semble donc exister et ainsi a émergé la question d’un possible effet thérapeutique de l’appendicectomie sur l’inflammation colorectale chronique de la RCH.
On sait aujourd’hui que l’appendice n’est pas un vestige évolutif en involution voué à disparaître, mais plutôt une structure fonctionnelle positivement sélectionnée durant notre histoire évolutive notamment par son implication dans la modulation de l’immunité intestinale et le maintien l’homéostasie du microbiote intestinal (3). Ainsi, un dysfonctionnement de la fonction appendiculaire pourrait exister dans la RCH soit sur le versant du microbiote soit sur le versant immun (ou les deux !) et influencer l’histoire évolutive de cette maladie.

Fort de ce constat et de ces hypothèses, le groupe de recherche ACCURE a mis en place un essai randomisé contrôlé international (Royaume-Uni, Irlande et Pays-Bas) pour évaluer l’efficacité clinique de l’appendicectomie dans le maintien de la rémission. Pour ce faire, ils ont sélectionné les patients atteints d’une RCH (et sans antécédent d’appendicectomie…) ayant présenté un épisode de poussée inflammatoire dans l’année précédente et mis en rémission grâce un traitement médical lors de la randomisation. Les patients étaient alors randomisés dans un groupe chirurgie qui bénéficiait d’une appendicectomie par laparoscopie en plus de leur traitement médical standard et un groupe contrôle ayant pour seul traitement la prise en charge médicale standard.
Le critère de jugement principal était la survenue d’une récidive clinique de la RCH dans l’année suivant l’inclusion.
Ce travail a été mené de 2012 à 2022 et a inclus 201 patients. Après un an de suivi, 36 % des patients dans le groupe appendicectomie ont présenté une rechute contre 56 % dans le groupe traitement médical seul, une différence dont l’analyse statique ne laisse pas la place au doute avec une p-value = 0,005.
Les patients opérés nécessitaient également moins d’initiation de biothérapie que les patients du groupe contrôle au cours de la période de suivi. Concernant la qualité de vie, le score spécifique aux MICI (IBDQ score) montrait un avantage en faveur de l’appendicectomie.
Les auteurs ont également pu montrer la sécurité de la prise en charge chirurgicale avec 5 % de complications post-opératoires incluant 2 patients avec une complication grave (1 patient réopéré pour hernie interne et 1 patient drainé radiologiquement d’un hématome du site opératoire).
Cette étude est le premier essai randomisé contrôlé qui montre l’efficacité de l’appendicectomie pour le maintien de la rémission dans la RCH.
Ces résultats confirment les données antérieures qui étaient limitées pas des designs observationnels et non contrôlés. Une hypothèse physiopahtologique mise en avant par les auteurs est que l’appendice contribuerait au maintien et à l’activation inappropriée des cellules immunitaires à tropisme colorectal entraînant ainsi une chronicisation du processus inflammatoire. L’exérèse de l’appendice permettrait alors de réduire ce stimulus et donc de maintenir une plus longue période de rémission. Il faut cependant modérer les propos, car ce travail s’intéresse aux issues cliniques et donc aucune conclusion physiopathologique ne peut être retenue. Ce sont de belles pistes pour comprendre la physiopathologie de la RCH.

Ce travail présente néanmoins quelques limites comme l’impossibilité de réaliser une chirurgie en aveugle, ou encore la définition de la rechute inflammatoire. En effet, du fait des restrictions liées à la pandémie COVID et dans les cas où l’endoscopie n’était pas réalisable, les auteurs ont redéfini la rechute par des critères clinico-biologiques.

Ces résultats encourageants s’appliquent à une population en rémission, ll se pose alors la question de l’appendicectomie chez des patients atteints d’une RCH réfractaire aux traitements médicaux. Une étude de cohorte prospective multicentrique néerlandais COSTA – dont les inclusions sont terminées – évalue ainsi l’intérêt d’une appendicectomie chez les patients avec une RCH active réfractaires aux traitements médicaux usuels (4). Les résultats sont attendus avec impatience.
Enfin, le rapport bénéfices/risques à long terme de l’appendicectomie dans la RCH doit être surveillé avec attention. En effet, des données rétrospectives (5,6) et expérimentales (7) ont mis en évidence un sur-risque significatif de risque de cancer colorectal chez les patients atteints de RCH suite à une appendicectomie. Cela pourrait être lié à la perte de l’immunosurveillance conférée par les lymphocytes T médiés par l’appendice. Malheureusement, ni les effectifs ni la durée de suivie des études prospectives sur la question, comme l’essai ACCURE ne permettent d’évalue ce surrisque inquiétant soulevé par les études rétrospectives et expérimentales.

Ce qui est certain, c’est que suite à cet essai ACCURE, le clinicien va devoir faire un choix quant à la réalisation ou non d’une appendicectomie thérapeutique chez les patients avec une RCH mise en rémission après traitement médical. Ce choix ne sera pas simple au regard des données, certes rétrospectives mais redondantes qui suggèrent une augmentation du risque de cancer colorectal liée à ce traitement chirurgical de la RCH (5-7). Le positionnement des futures recommandations sur ce point notamment des recommandations européennes ECCO sont attendues avec impatience.

Références

  1. ACCURE Study Group. Appendicectomy plus standard medical therapy versus standard medical therapy alone for maintenance of remission in ulcerative colitis (ACCURE): a pragmatic, open-label, international, randomised trial. Lancet Gastroenterol Hepatol. juin 2025;10(6):550‑61.
  2. Andersson RE, Olaison G, Tysk C, Ekbom A. Appendectomy and protection against ulcerative colitis. N Engl J Med. 15 mars 2001;344(11):808‑14.
  3. Agrawal M, Allin KH, Mehandru S, Faith J, Jess T, Colombel JF. The appendix and ulcerative colitis — an unsolved connection. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. sept 2023;20(9):615‑24.
  4. Bemelman WA. The Effect of Appendectomy in Ulcerative Colitis Patients With Active Disease: COlonic Salvage by Therapeutic Appendectomy [Internet]. clinicaltrials.gov; 2024 oct [cité 14 juin 2025]. Report No.: NCT03912714. Disponible sur : https://clinicaltrials.gov/study/NCT03912714
  5. Stellingwerf ME, de Koning MA, Pinkney T, Bemelman WA, D’Haens GR, Buskens CJ. The Risk of Colectomy and Colorectal Cancer After Appendectomy in Patients With Ulcerative Colitis: A Systematic Review and Meta-analysis. J Crohns Colitis. 26 mars 2019;13(3):309‑18.
  6. Mark-Christensen A, Kristiansen EB, Myrelid P, Laurberg S, Erichsen R. Appendectomy and Risk of Advanced Colorectal Neoplasia in Inflammatory Bowel Disease: A Nationwide Population-based Cohort Study. Inflamm Bowel Dis. 3 juin 2024;30(6):877‑83.
  7. Collard MK, Tourneur-Marsille J, Uzzan M, Albuquerque M, Roy M, Dumay A, et al. The Appendix Orchestrates T-Cell Mediated Immunosurveillance in Colitis-Associated Cancer. Cell Mol Gastroenterol Hepatol. 1 janv 2023;15(3):665‑87.